Vous pensiez la rhétorique réservée à quelques érudits ou autres savants usagers de la langue?
Détrompez-vous, certains la maîtrisent à merveille quand d’autres savent aussi la relever au passage.
En voici une bel exemple, loin d’être unique pour rendre compte d’une personnalité dont on sait la considération que lui porte la plus grande partie de la classe médiatico-politique occidentale.
Cela se passe dans le cadre d’une émission de géopolitique consacrée à l’OTAN et dont l’invité est Arnaud DOTEZAC, directeur des rédactions de Market Magazine.
A voir ici, dès la minute 9′:
http://www.rts.ch/emissions/geopolitis/7388948-otan-a-quoi-sert-l-alliance.html
Le très rhétorique si j’ose dire de Xavier Colin -qui ose donc dire- n’échappe pas à son invité.
Arnaud Dotézac, factuel, recadre.
Avaries
Il est toujours intéressant de s’arrêter sur des concepts et d’en définir les perceptions. Car ce sont souvent elles qui déterminent nombre de malentendus.
Il existe, pourtant dans la langue, ce qu’on appelle le sens commun. Mais l’on ne peut empêcher les subjectivités de s’en mêler.
A cet égard, il est fréquent d’entendre quelqu’un défendre bec et ongle l’usage d’un terme alors qu’il en est un d’ordre collectif et dont les règles sont fixées.
A une époque où l’on prône le respect à apporter à autrui, considérer l’idiome qui unit une communauté linguistique en est une manière.
S’emparer d’une langue sans tenir compte des règles qui gouvernent son usage, c’est tout simplement négliger tout autre personne qui la pratique.
A l’heure où tant d’échanges sont favorisés par les réseau sociaux, ce n’est pas toujours la compréhension entre celles et ceux qui s’y adonnent qui les domine.
Non que les arguments des uns ou des autres créent la controverse. Non, pour cela, il faut un débat.
Or quand chacune et chacun décrète que tel mot a tel sens et que c’est ainsi parce qu’elle ou il se comprend, on n’est plus dans l’échange.
On est dans le refus de l’autre.
Souvent -et récemment encore sur ce blog- est évoquée la vérité.
D’aucuns lui ajoutent même une sorte d’absolu en l’affublant d’un L et d’un V majuscules.
Décréter de la vérité, qu’elle existe est une manière générale de l’appréhender.
Car si, en effet, la vérité peut apparaître dans une situation donnée, dans d’autres, elle peut ne rester qu’une vérité, sinon échapper.
Alors, affirmer que La Vérité existe peut, certes, tenir lieu d’assertion. Mais sa quête implique l’absolu.
Or se pose la question de savoir dans quelle mesure un absolu se vit.
Cette femme rêve-t-elle?
En tous les cas, elle analyse. Et de nombreux éléments sont à retenir des propos qu’elle tient:
http://www.telerama.fr/idees/apres-cologne-nous-voyons-en-europe-les-signes-precurseurs-de-la-montee-de-l-extreme-droite-integriste,137685.php#xtor=EPR-126-newsletter_tra-20160208
Ce qu’énonce cette sociologue algérienne confirme comment les extrêmismes s’alimentent les uns les autres.
Car à lire ce que déclare Marieme Helie Lucas de ce qu’elle appelle gauche européenne, le constat est dressé: incapacité mortifère à soutenir les droits des femmes contre toute agression.
Doit-on y voir l’impossible place à prendre par un modèle de société rappelé pourtant en boucle par autant de ses défenseurs?
Droits et autres revendications sans cesse claironnés semblent en réalité s’effacer derrière la crainte de se voir étiqueté.
Dans ce contexte, cherchez la femme!
Tel était bien le sens de l’injonction lancée ici-même:
http://voix.blog.tdg.ch/archive/2016/01/11/cologne-cherchez-la-femme.html
Aussi, lier le sort de la femme à la politique paraît-il bien hasardeux.
Les réactions ne se seront pas fait attendre après la diffusion du documentaire évoqué dans mon précédent sujet:
http://voix.blog.tdg.ch/archive/2016/02/02/d-aveugle-et-sourd-a-lanceur-d-alerte.html
D’aveugle et sourd à lanceur d’alerte, voici que ce même Obs publie une lettre ouverte à l’adresse du réalisateur du film pour lequel, deux jours plus tôt, il titrait: Ne ratez pas:l’Ukraine, les masques de la révolution.
Ils sont dix-huit journalistes à avoir signé la missive.
Il est précisé qu’ils sont tous connaisseurs du dossier pour avoir travaillé sur place. Comme si le fait d’avoir travaillé sur place était un gage d’honnêteté. Va pour eux et voici leur propos:
http://teleobs.nouvelobs.com/actualites/20160202.OBS3854/lettre-ouverte-a-paul-moreira-apres-ukraine-les-masques-de-la-revolution.html
Cependant, Le Monde ne se veut pas en reste, lui non plus.
Et cette fois, on n’est plus dans le cadre d’un travail sur place à défendre au nom d’une vérité à en déduire de fait. Non, là, on est carrément dans l’explication, logique, fouillée, argumentée, bref infaillible ou peu s’en faut.
Normal, on est dans la tête de Michel Eltchaninoff*, entre autres signataires de ce brûlot.
http://www.lemonde.fr/idees/article/2016/02/03/sur-canal-un-documentaire-diffuse-la-propagande-du-kremlin-contre-l-ukraine_4858723_3232.html#1pgErwfcgMciV6bG.99
* http://voix.blog.tdg.ch/archive/2016/01/27/bhl-bis.html
Et voici que L’Obs, pas vraiment connu ni reconnu pour la considération qu’il porte au président russe -sinon à la Russie elle-même- voici donc que ce media joue les révélateurs sinon les lanceurs d’alerte.
Alors que nombre de voix s’étaient élevées dès 2013 contre la désinformation caractérisée qui visait la situation en Ukraine, une valeureuse journaliste vient nous apprendre que le gouvernement ukrainien serait composé de néo-nazis.
Sacrée découverte que relaie là cet Obs soudain miraculé de la cécité médiatique occidentale qui a permis l’embrasement de l’Ukraine.
Quelle que soit la raison de pareil revirement, elle est évidemment à saluer. Sauf que plus de 9.000 morts plus tard et un pays exsangue, on aurait pu espérer mieux.
Mais L’Obs intitule sans problème Ne ratez pas: « Ukraine, les masques de la révolution »:
http://teleobs.nouvelobs.com/la-selection-teleobs/20160126.OBS3369/ne-ratez-pas-ukraine-les-masques-de-la-revolution.html
Dans le précédent sujet que j’ai consacré au projet de film d’Emir Kusturica, j’ai évoqué la polémique qu’avait suscitée, en 1995, une tribune publiée par le philosophe pas encore élu de l’Académie française, Alain Finkielkraut.
http://voix.blog.tdg.ch/archive/2016/01/30/kusturica-iourchenko-et-le-donbass-a-suivre.html
Ce défenseur exalté -comme d’aucuns le qualifient- de l’identité française avait, entre autre attaqué le cinéaste sur le fait qu’il avait capitalisé la souffrance de Sarajevo.
La réponse ne s’était pas fait attendre, dans Le Monde du 9 juin 1995, Serge Regourd n’hésitait pas à voir dans le comportement de Finkiekraut, celui de Jdanov, « une sorte de philosophe en chef, le garant de l’idéologie, son interprète le plus autorisé ».
C’était sans compter sur l’insistance du désormais élu de l’Académie française à incendier le lauréat de la Palme d’Or pour Underground.
On se rappelle en quels termes a été évoquée l’élection controversée de l’homme de lettres à l’Académie française.
Tandis que l’on commentait son entrée sous la coupole, en effet, certains n’ont pas hésité à la considérer comme celle du Front National.
A lire, dans l’article ci-dessous, comment Alain Finkielkraut s’emparait des calembours orduriers de Le Pen pour appuyer sa mise au pilori d’Emir Kusturica, force est de constater que ce parti tient vraiment lieu d’épouvantail passe-partout:
http://www.liberation.fr/tribune/1995/10/30/la-propagande-onirique-d-emir-kusturica_145707
C’est Arkadij Beinenson qui le révèle sur son site, Emir Kusturica, s’intéresserait à la biographie du correspondant de guerre dans le Donbass qu’a été Iouri Iourchenko et aurait conclu avec lui un accord relatif à un script. Le poète, scénariste et acteur Iourchenko l’a lui-même confirmé au journaliste russe qui l’indique sur son site:
http://blog.beinenson.news/2016/01/29/kusturitsa-yurchenko/
On sait qu’Emir Kusturica, deux fois lauréat de la Palme d’Or du Festival de Cannes, a apporté son soutien aux populations du Donbass. Pour rappel aussi, le cinéaste, musicien a été interdit de concert, en juillet 2015, par les autorités démocratiques de Kiev.
https://francais.rt.com/international/4422-kusturica-concert-kiev-interdit
On se réjouit, dès lors, de savoir quelle sera la réaction du nouvel intronisé de l’Académie française qui n’avait pas eu de mots assez doux envers le réalisateur serbe, primé pour son film Underground.
Alain Finkielkraut avait, en effet, publié une tribune au vitriol dans Le Monde du 2 juin 1995.
Aussitôt suivi dans sa diatribe par l’incontournable BHL, autant dire que le tandem a eu de quoi s’illustrer quand on sait combien de guerre démocratiques le philosophe à la chemise blanche a cautionnées.
Comment un fait ordinaire est présenté comme la révélation d’un quasi initié.
Reprise d’un article en anglais dont la source n’est pas citée, sa traduction française livrée sur le site d’Agoravox est estimée fidèle au texte original par un commentateur.
Ouf!
Ainsi a-t-on au moins droit à une traduction correcte tandis que le copieur-colleur de l’article enfreint sans le moindre problème l’éthique journalistique si elle existe encore.
Voici les faits:
http://www.rferl.org/content/ukraine-russia-us-nuland-surkov-talks/27490535.html
Et ce qu’ils deviennent:
http://www.agoravox.fr/tribune-libre/article/que-cache-l-escale-mystere-de-176542
Crédule, paresseux, ou ignare, un public se trouve toujours pour avaler ces informations.
Le fake révélé:
http://www.stopfake.org/en/fake-nuland-warned-surkov-of-an-inevitable-nato-attack/
Se mettre dans la tête de quelqu’un relève, a priori, davantage de la tentative que de la certitude d’y réussir.
On peut s’y risquer pour diverses raisons, Michel Eltchaninoff, l’auteur d’un ouvrage intitulé Dans la tête de Vladimir Poutine, avait sans doute les siennes.
Paru en février de l’an dernier, cet opus a eu l’heur de plaire à qui de droit. L’écho médiatique qu’il a reçu a permis ainsi de diffuser l’image du président russe qu’un certain Occident aime à entretenir.
Et en Michel Eltchaninoff, autant dire qu’on détient l’homme de la situation.
Apprécier ou ne pas apprécier Vladimir Poutine est une chose, discuter sa politique, une autre. Mais énoncer une somme de contre-vérités pour discréditer un homme est un procédé dont on se demande bien ce qu’il a à voir avec la philosophie, discipline dont se réclame celui qui a risqué ce Dans la tête de Vladimir Poutine.
Invité de Mediapart, Michel Eltchaninoff excelle en magicien-contorsionniste-illusioniste. Au cours d’un débat qu’il mène avec Juliette Cadiot, historienne, il parvient, en effet, à nous présenter un Vladimir Poutine metteur en scène de son absence aux cérémonies d’Auschwitz et brandir à l’appui de sa thèse, la sémantique.
Oui, Monsieur le philosophe, journaliste et essayiste français nous explique l’usage que fait du terme fasciste, le chef du Kremlin, balayant sans vergogne l’impact qu’implique cet adjectif dans la mémoire collective russe.
Par un tour de passe-passe magistral et pour d’autant mieux passer sous silence -sinon nier- l’existence de néo-nazis installés au pouvoir à Kiev, Monsieur Eltchaninoff mène une attaque en règle contre le président d’un peuple qui a sacrifié par millions ses citoyens pour sauver l’Europe du nazisme.
On n’est plus dans la désinformation, avec ce journaliste, philosophe, essayiste. On est dans la plus pure révision de l’Histoire et sa totale falsification.