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Quand les médias ignorent les faits et falsifient, suite de l’entretien avec Jacques BAUD, auteur de « Gouverner par les FAKE NEWS »

Jacques BAUD, dans le précédent entretien paru ici-même hier, vous avez relevé combien ce que vous observiez sur le terrain en tant qu’agent du renseignement différait de ce que vous découvriez ensuite dans les médias qui en rendaient compte. Mieux encore, voici votre livre sous les feux de projecteurs médiatiques falsificateurs alors que votre travail vise, au contraire, à alerter contre la distorsion de faits avérés. Vous le savez, ce blog a souvent pointé la désinformation et c’est précisément parce que votre livre en fait désormais les frais que je tiens à ce que vous nous parliez de votre manière de travailler.

Jacques BAUD– Le problème des crises actuelles est qu’elles sont traitées de manière totalement émotionnelles, et qu’on écarte systématiquement des faits pour donner plus de résonnance à l’événement. Il en a été ainsi du terrorisme après le « 9/11 » et les attentats de 2015 en France, ainsi que du CoViD-19 : les médecins se muent stratèges, les policiers deviennent des experts en islamisme, les « indics » deviennent des « agents » des services de renseignement, etc. Comme personne ne comprend et ne cherche à comprendre la véritable nature des problèmes, on ouvre la porte à toutes les interprétations, y compris les plus fantaisistes.

Il en découle un autre problème : les interprétations qui ont le plus de traction, deviennent des vérités. Les suppositions, les extrapolations, les hypothèses deviennent des certitudes. Dans ce contexte, où les « vérités » ne sont étayées que par des convictions, on observe un comportement très protecteur des « vérités officielles ». Ce qui en déroge devient ipso facto « complotiste »,

Une partie de l’explication se trouve dans le manque de rigueur intellectuelle des journalistes et des médias. Pourtant toute l’information est là, disponible ; mais on l’ignore. Par exemple, en décembre 2019, Le Temps évoque la présence d’une unité secrète des services de renseignements militaires russes (GRU) dans les environs de Genève : l’unité « 29155 ». Elle serait composée de « vrais tueurs, spécialistes des opérations clandestines, du sabotage et, donc, des assassinats ». En réalité, le journal affabule : « 29155 » se réfère au numéro d’acheminement du courrier postal d’une unité dont l’existence se trouve depuis de nombreuses années sur un site russe consacré à l’histoire militaire du pays ; il s’agit du 161e Centre de formation du Renseignement du GRU spécialisé dans l’étude et la formation sur la technologie des armes étrangères. Ses chefs apparaissent également sur internet.

De même, lorsque le même quotidien affirme, en décembre 2018, que la Russie est derrière les manifestations des Gilets Jaunes en France afin d’y « amplifier les divisions », quels sont les faits ou éléments concrets qui permettent de l’affirmer ? Rien. On est dans des conjectures, mais qui, à force d’être répétées, tendent à devenir des faits. On ne se pose même pas la question du « pourquoi ? » : la Russie est un « méchant ». Pourtant, la Russie a-t-elle vraiment besoin de s’exposer politiquement pour amplifier les divisions en France, où l’immigration est si mal gérée, où les décisions politiques apparaissent parfois surréalistes, où l’insécurité reflète des réalités sociétales qu’on a presque délibérément ignorées durant des décennies et où la voix du peuple ne semble avoir, pour seul recours, que la manifestation pour être entendue? On pourrait voir dans ces accusations du « complotisme », car techniquement elles en ont exactement l’architecture : un assemblage de faits, en fonction d’une logique extérieure à l’événement (voire arbitraire), et que l’on voit guidé par une intelligence supérieure.

Il y a peut-être une partie de « complotisme », mais il s’agit plus probablement d’un mélange d’ignorance, d’opportunisme et de manque de déontologie. En fait, très peu de journalistes – voire pratiquement aucun en Europe – n’ont une connaissance et une compréhension de la manière dont la désinformation est pratiquée par la Russie. Et c’est le problème, les contraintes qui s’exercent sur les médias les ont poussés vers une superficialité qui ne permet plus d’aborder la complexité des crises modernes.

Afin d’éviter de tomber dans le piège facile de trouver des informations qui contredisent le discours officiel, le choix des sources de mon ouvrages s’est effectué avec une grande rigueur. Ainsi, j’ai pris des sources qui répondent au critère de « factualité » et ai systématiquement écarté celles qui étaient trop marquées politiquement à gauche ou à droite. De plus, je me suis très largement appuyé sur des rapports officiels de services de renseignement, d’organisations internationales ou de la presse traditionnelle. Evidemment, il m’a fallu prendre des exemples.. Ainsi, un journaliste de France Inter m’a reproché de me référer à « voltaire.net » et à Thierry Meyssan : en réalité il n’a lu que les notes de bas de page, mais n’a pas lu le texte, car j’ai cité ces deux sources dans des cas où je contestais leur point de vue, précisément parce qu’il n’était pas factuel !… C’est d’ailleurs exactement le même phénomène avec ConspiracyWatch, qui critique le livre sans l’avoir lu, et les journalistes qui l’approuvent… C’est la disparition d’une certaine déontologie professionnelle, qui favorise les discours complotistes.

En réalité, mes détracteurs sont eux-mêmes des promoteurs de fausses informations et de conspirations, comme nous le verrons…

Histoire, Politique, Voix

Série d’entretiens avec Jacques BAUD, auteur de « Gouverner par les FAKE NEWS »

– Jacques BAUD bonjour et merci d’avoir bien voulu répondre à ma proposition d’interview. C’est après avoir découvert comment le journaliste Sylvain BESSON vous présentait dans un groupe FACEBOOK que l’envie de vous poser quelques questions m’est venue. 

Car de personnalité à la notoriété publique reconnue, auteur de nombreux ouvrages de référence, suite à la parution de votre dernier livre « Gouverner par les FAKE NEWS »,vous voici soudain présenté par ce journaliste de manière tout autre, comme l’indique la capture d’écran qui illustre ce sujet e

Avant de nous en dire davantage sur ce site auquel se réfère Sylvain BESSON pour mettre en relief sinon bien plutôt en doute vos compétences, je vous serais reconnaissante de vous présenter en quelques mots et de nous parler de votre parcours impressionnant.

Jacques BAUD: -Bonjour, et merci de me donner l’opportunité de m’exprimer « de vive voix ». Je suis originaire de Genève où j’ai fait mes études (en économétrie, à l’Université de Genève), puis divers diplômes postgrade à (anciennement) IUHEI à Genève. Au début des années 80, j’ai été invité à faire partie de nos services de renseignement à Berne (car je suis probablement l’un des seuls membres du service à n’avoir pas eu besoin de postuler !) Je me suis occupé des forces du Pacte de Varsovie, y compris celles qui étaient en Afghanistan ou en Angola. Sans entrer dans les détails, disons que j’ai écrit un manuel à l’intention de la résistance afghane pour neutraliser les mines soviétiques disséminées par hélicoptère.

C’est pourquoi, lorsque la Suisse s’est intéressée à la question des mines anti-personnel au milieu des années 90, les Affaires étrangères ont sollicité mon expérience : j’ai alors proposé la création du centre de déminage humanitaire de Genève et j’ai été envoyé deux ans aux Nations Unies à New York pour le créer, ainsi qu’un système de gestion de l’information sur les mines. Peu après mon retour en Suisse, les Nations Unies m’ont demandé de les aider à créer un système de renseignement multidimensionnel pour les opérations de maintien de la paix. C’est le concept de Joint Mission Analysis Center (JMAC), dont j’ai dirigé la première unité (et probablement la plus grande à ce jour) au Soudan avec la Mission des Nations Unies au Soudan (MINUS). Le JMAC était un service de renseignement civilo-militaire, directement subordonné au représentant spécial du Secrétaire-général des Nations Unies.

En 2005-2006, alors que j’étais sur place, la question du Darfour intéressait presque plus le Conseil de Sécurité que le Sud-Soudan (qui était pourtant la raison d’être de la MINUS). J’étais donc régulièrement au Darfour, en contact étroit avec les organisations humanitaires sur place, ainsi qu’avec les divers mouvements rebelles, avec lesquelles nous avions des réunions régulières. Durant ces deux ans, je constatais que l’information qui circulait en Occident n’avait pratiquement rien à voir avec la situation sur le terrain : les milliers de morts rapportés par nos médias n’avaient aucune réalité, les « janjaweed » que l’on attribuait au gouvernement s’attaquaient… aux forces gouvernementales ! Nous avions une très bonne visibilité sur les événements du Darfour, à telle enseigne que les divers services de renseignements occidentaux au Soudan me contactaient régulièrement pour échanger des informations. J’y ai fait la connaissance de quelques « agents » qui sont devenus aujourd’hui directeurs de leur service chez eux, et avec lesquels nous sommes restés en contact.

Après mon retour en Suisse, j’ai refait un séjour de deux ans aux Nations Unies à New York, comme chef de la doctrine des Opérations de maintien de la paix, où je me suis notamment occupé des questions de la protection des civils et de la coopération civilo-militaire. J’ai alors pu suivre la situation en Libye et ai une fois de plus constaté que la réalité du terrain ne correspondait pas du tout à celle rapportée dans les médias.

Après New York, j’ai été envoyé à Nairobi pour y faire un travail très semblable, mais au profit de l’Union Africaine. Après environ deux ans, en 2013, j’ai eu l’opportunité d’avoir un poste à l’OTAN à Bruxelles, comme chef de la lutte contre la prolifération des armes légères. Il s’agissait d’un poste très particulier, car la Suisse ne fait pas partie de l’OTAN ; mais il existe quelques postes négociés bilatéralement entre l’OTAN et des pays dits « partenaires ». Ainsi, depuis Bruxelles j’ai « assisté » à l’enlisement de la situation en Libye et à la crise ukrainienne. Là encore, j’ai pu constater que l’on ne pouvait ou ne voulait pas comprendre la nature des problèmes et qu’on se réfugiait derrière des idées toutes faites. Dans l’OTAN, la « nouvelle Europe » (comme l’appelait George Bush) reste animée par un profond sentiment de revanche à l’égard de la Russie, et malgré que les militaires de la « vieille Europe » avaient des jugements plus nuancés, cette aversion satisfaisait le grand frère américain et tout le monde s’en accommodait assez bien. Le problème est qu’on ne résolvait pas les problèmes, mais on les accentuait de manière évidente.

-Vous m’avez dit avoir répondu point par point à l’article de Conspiracywatch. Pourriez-vous, dans cette première partie de notre interview, nous faire part de ce à quoi vous avez tenu à réagir afin que, dans les prochaines parties de cet entretien avec vous, nous puissions y revenir de manière plus détaillée?

En fait, ConspiracyWatch (CW) a réagi au livre à travers une interview donnée à M. Taddéi, sur RT (…et non ! contrairement à ce que pourraient dire certains : ils ne paient pas !). Le problème ici est que CW s’est basé sur l’interview, qui est en fait un résumé du livre, et n’a pas attendu de l’avoir lu pour le commenter, ce qui me semble pour le moins curieux pour un site qui cherche à lutter contre la désinformation. Car sans lire le livre, il est facile de suggérer du « complotisme » (que d’ailleurs CW ne semble pas définir avec rigueur) et je n’y vois pas la preuve d’une grande intégrité intellectuelle. S’il avait lu le livre, il aurait constaté que pour la plupart des sujets je constate que l’on « ne sait pas », et qu’il faut accepter qu’en l’état, nous n’avons pas les éléments pour bombarder, renverser des gouvernement, adopter des sanctions, etc.

Le problème des relations internationales aujourd’hui est qu’elles sont déterminées par des approximations. Des accusations sont formulées et des sanctions prises par les gouvernements avant même que les enquêtes soient terminées.

Ce que CW n’a pas compris est que le propos du livre n’est pas de « blanchir » certains acteurs, ni de déterminer si X ou Y a raison ou tort, voire affirmer des « vérités », mais de montrer que les jugements sur lesquels les gouvernements occidentaux basent des décisions parfois lourdes de conséquences sont très fragiles. Comme je l’écrit en introduction de mon ouvrage, si l’on avait lu (ou appliqué, ou accepté, ou tenu compte de) mes analyses tout au long de ma carrière (en Suisse et ailleurs), nous aurions pu épargner environ 475’000 vies humaines. Mais chaque fois, je me suis heurté à des diplomates, des militaires ou des fonctionnaires qui avaient une idée préconçue du problème et qui refusaient de la remettre en question. En fait, le livre est un plaidoyer pour le « doute raisonnable » et contre les suppositions érigées en certitudes.

Nous avons tendance à oublier que transformer des suppositions ou des rumeurs en certitudes est un élément central du… complotisme.

A l’inverse de CW, mon métier comme agent de renseignement a toujours été de m’appuyer sur les faits – qu’ils plaisent ou non – mais aussi de reconnaitre lorsque qu’on ne sait pas.

-Merci, Jacques BAUD,  de ces réponses. J’invite dores et déjà nos lectrices et nos lecteurs à lire la suite de notre entretien qui paraîtra ces prochains jours ici-même.

Economie, Politique, société

Complot, ce vilain mot…

capture d’écran franceinfo
Il faut de tout pour faire un monde dit l’adage. Qu’il le faille est une manière morale de voir. Que tout fasse un monde, une réalité.
Et cependant, on s’obstine, à bon ou à mauvais escient, à lutter pour que l’emporte l’égalité, tant on constate que dominent les différences entre les êtres.
Non seulement au plan ontologique mais sur autant d’autres qui mobilisent pour les effacer. Avec force arguments à l’appui qui suscitent passions et controverses.
Le propos, ici, consiste à interroger cette manière de catégoriser, en l’occurrence les complotistes tant elle paraît davantage répondre à un besoin de confort et de hâte qu’à toute réflexion un peu nuancée.
Ce sondage, en effet, nous explique chiffres à l’appui, qui répand les théories du complot et qui y adhère. 
Or lorsque vous entendez ce célèbre avocat parisien parler de complot ourdi contre son client, Carlos Goshn pour ne pas le nommer, vous vous dites quoi?
Que ce brillant magistrat s’égare? Que son client n’a que ce qu’il mérite?
Admettre que la traitrise et l’injustice d’un traitement vise aussi bien un très pauvre qu’un très riche serait-il donc inconcevable?
Je vous invite à écouter les déclarations de Maître Jean-Yves Le Borgne quand, à la minute 28 de l’émission C l’hebdo,  il parle de complot et de trahison.

société

Complotistes, disent-ils…

L’événement qui a enflammé la toile et emballé nombre de personnes est commenté par Franceinfo tandis que bruissent les réactions sinon l’ainsi dénommée théorie du complot.
Je vous invite à lire cet article indiqué en lien ci-dessus. Il répond à plusieurs questions posées par la scène qu’a filmée le vidéaste amateur, présent sur les lieux où s’est produit le sauvetage d’un enfant de 4 ans suspendu dans le vide à Paris.
Il est normal que l’on s’interroge sur pareil fait divers et les réactions indiquent que la réflexion se veut dominer l’émotion. Il est néanmoins tout aussi manifeste que la difficulté à accepter l’insolite sinon l’invraisemblable demeure bien réelle.
Car sitôt que l’entendement est dépassé, se met en place une réaction qui cherche le responsable sinon le coupable qui aurait fabriqué un scénario destiné à telle ou telle influence à exercer sur l’opinion publique. C’est dire si la place laissée à la surprise est minime et réduite à peau de chagrin! 
Se résoudre à admettre ce qui sort de l’ordinaire exige sans doute un effort quasi insoutenable à fournir pour qui préfère tout mettre en doute. Après tout, à chacune et à chacun ses choix existentiels!
Pour ce qui concerne l’histoire de cet enfant sauvé par Mamoudou Gassama, ce qu’il en restera dans les mémoires et surtout, dans celle de ses principaux protagonistes, sera aussi intéressant à suivre.