Cette scène, quel média nous la diffusera? Visionnez-la, elle vous parlera autant que de grands discours.
Ce qu’on ne semble pas réaliser du tout c’est que lorsque pareille révolte se déclenche, elle se laisse peu à peu emporter par elle-même.
On nous parle de « radicalisation ». Mais c’est de détermination à aller jusqu’au bout dont il s’agit. « Parce qu’on n’a plus rien à perdre » entend-on très souvent.
Ce genre de propos ne relève d’aucun « radicalisme ».
Ce genre de propos s’énonce quand on est à bout. Et ces gens qui ont revêtu leur gilet jaune le sont pour le plus grand nombre d’entre eux.
Et ce n’est pas pareille démonstration d’empathie envers un handicapé qui va contribuer à les apaiser.
Etre
Le nombre d’experts auto-proclamés qui commentent le mouvement des gilets jaunes et nous expliquent ce dont la France aurait besoin augmente au fur et à mesure des événements.
Depuis le début des manifestations qui mettent le pays à l’épreuve de réalités jamais autant médiatisées, les regards sont passés du mépris à la pseudo tentative de comprendre et à la proposition d’analyses.
Mais que valent-elles face à pareille volonté populaire d’en découdre avec le pouvoir en place? Que celui-ci ait hérité des précédents et qu’on tente de nous raconter le pourquoi du comment n’y change à peu près rien.
Quant aux avis venus de Suisse nous expliquant ce que la France devait avoir comme modèle politique, cela rappelle un peu comment est évoqué, aussi, ce que devrait être, au hasard, la Russie.
Tandis que la première, tout comme la seconde ont une longue tradition royaliste et impériale que jamais la Confédération Helvétique n’a connue, précisément parce qu’elle s’est érigée en dehors de tels modèles, doit sans cesse demeurer à l’esprit.
La France, en l’état, n’a pas encore dit son dernier mot. Qu’on ne l’invente pas! Personne ne sait lequel il sera.
Ce qui se passe dans l’Hexagone est grave. Dès le début, cela se savait. Et rien n’est encore joué, je ne cesserai de le répéter ici.
Une rare violence s’est emparée de la France.
De sa capitale, en tous les cas.
Dire la tristesse ressentie reste, à l’évidence, bien peu.
Et cependant, ajouter des considérations à tant d’autres émises, est-ce bien raisonnable?
Quand tout s’énonce, rien n’est plus crédible.
Seul le mal demeure.
Et face à lui, la désolation.
En dépit de tout ce qu’on lit, voit et entend du mouvement qui s’est emparé de l’actualité sinon de la France, on reste dans l’incertitude sinon l’inconnu.
Des analyses, des points de vue, des avis n’y changent, en définitive pas grand chose, les gilets jaunes font parler d’eux et cela semble s’arrêter là.
Or, il va de soi que tel n’est pas ce qui est attendu de celles et ceux qui se sont lancés dans ce mouvement.
Parmi les nombreux regards portés sur les gilets jaunes, en voici un dont l’extrait ci-après laisse tout particulièrement songeur.
« … les gilets jaunes évoquent la souffrance, en l’occurrence la souffrance sociale, les cheminots parlaient du service public, les zadistes de la nature, en somme ni les cheminots ni les zadistes n’évoquaient leur douleur, leur difficultés, au contraire de ces gilets jaunes qui racontent leur fin de mois difficile. Or aujourd’hui, la douleur ne se questionne pas, ne se questionne plus, celui qui souffre a conquis le droit d’être écouté, écouté par tout le monde, même par le gouvernement, même s’il n’est pas entendu. La maxime de notre époque est devenu : « Sois sauvage, ô ma douleur ! et tiens toi moins tranquille »… »
En d’autres termes, on serait en face d’un mal reconnu mais qui laisse impuissant.
Parce qu’il ne serait pas politisé, parce qu’il irait dans tous les sens, parce qu’il est ce qu’il est, en définitive.
Autant dire qu’un pays où s’expose la souffrance sans qu’il ne lui soit trouvé de quoi l’apaiser est un pays malade.
photo @H.R.-Favre
Dans l’une des Nouvelles orientales de Marguerite Yourcenar, un peintre entre dans le tableau auquel il travaille et s’en va sur la barque qu’il a peinte.
A l’inverse, dans La rose pourpre du Caire, l‘un des personnages du film de Woody Allen sort de l’écran pour entrer dans la salle de projection et rejoindre le public.
Cette articulation entre imaginaire et réalité, le Consulat suisse de Saint-Pétersbourg m’avait invitée à en parler. C’était en 2013, au Collège universitaire français et à la Bibliothèque Majakovskaja, il en reste des traces sur google et youtube.
Confronter images et réalités m’habite en permanence et figure au coeur de ma démarche littéraire tout autant qu’elle motive en grande partie la tenue de ce blog.
Dans ce sens, j’aime à rendre compte, entre autres, des changements que j’observe toutes les fois que je séjourne en Russie tandis que ce pays alimente une narrative médiatique formatée selon des standards établis et récurrents.
A Moscou, pour ne citer que cette capitale, force est de constater que la vie y est de plus en plus semblable à celle menée dans nos grandes villes. Or on entend ou on lit souvent de couples homosexuels, par exemple, qu’ils y seraient traqués sinon persécutés.
Dans le métro, pourtant, j’ai vu deux jeunes gens très à l’aise dans leur proximité affichée qui n’a pas paru gêner qui que ce soit. Aucun regard lancé de travers, mieux, aucune milice pour les embarquer on ne sait où, bref, rien de plus ni de moins que ce que l’on voit chez nous.
Si Moscou ne représente, certes pas, le pays dans sa globalité, au même titre, Paris ni Berne ne résument la France ni la Suisse.
Evidences à rappeler qui n’empêchent pas de comparer entre elles ces capitales et de mesurer les ressemblances de comportements humains qu’on y constate.
Vue de Saint-Pétersbourg, l’actualité résonne de manière un peu autre.
Depuis le début de la semaine que je passe en Russie, je pense à toutes celles et à tous ceux qui en parlent.
Selon grand nombre d’experts invités à s’exprimer dans nos médias, la Russie de Poutine ne serait surtout pas à confondre avec la Russie tout court, tant la première serait tenue d’une main de fer.
Ainsi va l’information qui n’a, comme on nous le rappelle bien, rien à voir avec la propagande qui serait distillée en Russie.
Qu’on se rassure, les personnes avec lesquelles j’ai eu l’occasion de parler, ici, ne sont pas dupes.
Et nombre d’entre elles ne se posent même plus de questions sur ce qui alimente tant de ressentiment et de déconsidération de leur pays à soi-disant distinguer de celui de son Président.
Hier, à la Bibliothèque Majakovskaja de Saint-Pétersbourg où a eu lieu la présentation de mon livre, c’est un public vif, cultivé, curieux, critique et sans complaisance qui m’a accueillie.
Merci, de tout coeur à Irina Tochilkina qui a permis la réalisation de cette rencontre et à Alla Beliak qui m’accompagnait et traduit mes livres depuis de nombreuses années.
Le partage que nous avons vécu hier était d’une rare intensité, merci au public de sa belle réceptivité et de sa bienfaisante présence.
Comme énoncé dans le précédent sujet de ce blog, je me trouve en Russie pour y présenter mon dernier livre, Sans nouvelles d’Igor, Bagdad 2003 / Багдад 2003: Истории без продолжения.
Cette histoire, je l’ai imaginée se dérouler au début de la guerre en Irak, autrement dit, il y a plus de 15 ans.
Sa publication, cette année seulement, s’explique par le fait que sa traduction en russe a constitué un très stimulant projet didactique qui a été reconduit d’année en année plus de dix ans durant avec des étudiants.
C’est alors que la version russe définitive a été confiée à la traductrice de mes deux précédents recueils de nouvelles, Nouvelles de nulle part / Истории ниоткуда et Nouvelles sans fin / Истории без окончания.
Le regard littéraire sur la guerre qui s’est livrée en Irak en 2003, je l’ai voulu en contrepoint à ce qui s’énonçait dans nos médias.
Ce que dévoile, peu à peu, le dialogue entre les deux protagonistes de l’histoire, révèle des quêtes aux issues hasardeuses sinon fatales pour certaines.
Sur fond de guerre et le temps d’une soirée, c’est une humanité qui apparaît avec ses désirs, ses fureurs, ses failles et ses attentes.
Libre, dit-elle…Si libre que Géraldine Savary, en effet, laisse la voie libre à son parti. Issue injuste, selon Pierre-Yves Maillard
Voici une réaction qui fait du bien à la politique. Il s’agit de ce qu’a déclaré Pierre-Yves Maillard, personnalité charismatique du PS.
Il s’est exprimé au sujet de Géraldine Savary. Il se dit «triste» et trouve cette «issue injuste».
«Le prix à payer à cause du harcèlement médiatique et de certaines critiques internes est disproportionné. Quand c’est la sincérité d’un engagement qui est mis en cause, cela fait mal aux personnes sincères, pas aux cyniques», a-t-il expliqué.
Comme il a raison! Et comme on a envie de redire combien cette décision prise par Géraldine Savary est, certes, la sienne mais sonne de manière douloureuse à certaines oreilles.
Je me suis exprimée, à cet égard.
Oui, Monsieur Maillard, il y a une injustice à cette issue, comme vous l’avez dit. Lire la lettre adressée par Ada Marra à Géraldine Savary n’y change rien sinon que le qualificatif par lequel la politicienne vaudoise qualifie son « amie » est à retenir.
« Libre », écrit-elle à son sujet. Oui, si libre qu’elle laisse la voie libre, elle aussi, à son parti.
Pour quelle suite?
capture d’écran: Le Temps
Sur son profil Facebook, les témoignages se multiplient.
Géraldine Savary a annoncé, ce jour, qu’elle ne se représenterait pas aux prochaines élections fédérales pour le Conseil des Etats.
Mais que lui est-il reproché alors qu’elle a été sous les feux des projecteurs médiatiques et que rien n’a été reconnu illégal aux dons qu’elle a reçus?
S’il s’agit de l’origine de ces dons alloués à la politicienne vaudoise reconnue et louée pour ses compétences, alors, on a de quoi rester perplexe.
Car cet homme qui a apporté son soutien financier à Géraldine Savary, présenté le plus souvent comme « milliardaire » ou « patron milliardaire de Ferring », occupe aussi la fonction de Consul honoraire de la Fédération de Russie.
On sait le regard que portent sur ce pays nombre de ses grands connaisseurs capables d’en parler comme s’ils y vivaient ou y avaient passé tant d’années que leurs témoignages avaient valeur de preuve.
Rappelons, entre autre, cette émission de la RTS à laquelle avait été invité Roger Nordmann, en photo ci-dessus avec Géraldine Savary. La Russie, selon ce parlementaire suisse donc, serait sous la dictature autoritaire de Poutine. Comme si dictature ne suffisait pas et qu’il fallait encore y ajouter « autoritaire »…
Or c’est à ses côtés que l’élue vaudoise a tenu la conférence de presse au cours de laquelle elle a fait part de sa décision de mettre un terme à sa carrière politique.
Voici une femme admirable qui, par trop de pressions, en a été amenée à devoir renoncer à des fonctions qu’elle exerçait avec talent et brio.
Géraldine Savary, je l’ai toujours beaucoup appréciée, avant même, faut-il le préciser vu l’ambiance, de découvrir qu’elle figurait parmi les personnalités qui ne diabolisaient pas la Russie.
Profondément en pensée avec elle, je lui réitère toute mon estime.
Nombreux sont les ouvrages qui traitent et ont traité de morale, voire de démoralisation. Mais on a beau discourir ou écrire sur le sujet, la démoralisation citoyenne est bel et bien une réalité.
Elle s’observe partout où l’engagement est déçu.
Que cela soit au niveau personnel, intime, social ou collectif, lorsque l’amertume se cristallise sans plus aucun recours possible à l’espoir, l’irréversibilité de l’acte scelle un destin.
Lire cette information fait mal: un gendarme de la Garde républicaine s’est suicidé lundi 5 novembre dans les jardins de Matignon, avec son arme de service,
Alors, bien sûr, on va enquêter, fouiller sa vie, chercher ce qui a pu entraîner la mort de cet homme. Et après? Qu’il ait été sujet ou non à quelque problème d’ordre psychique ne l’a pas empêché de servir!
L’Etat, certes, n’est pas responsable de tous les troubles des citoyennes et des citoyens.
Mais lorsque l’on s’engage au non de valeurs auxquelles on croit et que lesdites valeurs sont bafouées, à qui la faute? Au citoyen qui a osé accorder sa confiance? A l’Etat qui a trahi?
Chaque suicide remet en cause. Paix à cet homme et pensées à ses proches et à sa famille.