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Caucase, la guerre dans le Haut Karabagh, vécue, condamnée et analysée…

Comme très souvent, lorsqu’une guerre éclate, la vivre sur place ou à distance ne suscite pas les mêmes réactions.

En Suisse, un groupe de parlementaires « condamne l’escalade militaire dans le Haut Karabagh » et voudrait une « intervention rapide du Conseil Fédéral ».

Je reçois, pour ma part, des nouvelles quotidiennes d’Erevan.

Inutile de dire que vivre la guerre depuis la capitale de l’Arménie et en rendre compte chaque jour comme s’y emploie Jan Varoujan, n’a rien à voir avec la condamner ou la commenter.

Pourtant, l’analyse vaut aussi qu’on s’y intéresse. Et ce d’autant que, des deux commentateurs qui la livrent, l’un est Géorgien.

Et dans ce pays tout proche de la zone des combats, autant dire qu’on le suit de très près.

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Haut Karabagh, la guerre encore et encore

Avertissement: Ce sujet est publié une seconde fois sous un autre titre pour voir si le terme arménien utilisé pour désigner le Haut Karabagh a fait problème sur un réseau social bien connu où le sujet n’a pu être partagé dans certains groupes.

Quelles que soient ses appellations, arménienne ou occidentale,  l’Histoire de cette république du Caucase est complexe.

Elle est rappelée sur différents sites, comme il se doit mais je vous propose de vous rendre sur celui du Ministère des Affaires Etrangères d’Arménie.

Pourquoi?

Parce qu’il est intéressant de saisir le point de vue de l’Arménie de laquelle cette république revendique les racines aussi profondes qu’historiques

Il va de soi qu’à lire d’autres approches comme, par exemple, celle publiée sur le site Cairn.info et indiquée en lien ci-après, son intitulé seul suffit à la situer:

L’Etat de facto du Haut-Karabagh arménien.

Le fait est que des vies sont en jeu, que les forces en présence sont animées par autant d’intérêts géostratégiques que de valeurs respectives à défendre.

Et que les négociations en vue de régler pareil conflit entre parties qui campent sur leurs positions sont extrêmement délicates à mener vu la violence qui sévit depuis ce 27 septembre.

Car, en effet, c’est sous la médiation des co-Présidents du Groupe de Minsk de l’OSCE, Russie, Etats-Unis d’Amérique et France que sont placés les espoirs d’accord à trouver.

Pendant ce temps-là, le sang coule de plaies béantes que l’animosité particulièrement guerrière de ce nouveau conflit ouvre à nouveau.

En pensée avec autant de victimes de l’aveuglement humain qui n’a pas fini de briser des vies.

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Artsakh pour les Arméniens, Haut-Karabagh en Occident, la guerre encore et encore…

L’Artsakh, c’est ainsi que les Arméniens nomment ce que l’Occident appelle Haut Karabagh ou encore Nagorno Karabagh.

Quelles que soient ces appellations, l’Histoire de cette république du Caucase est complexe.

Elle est rappelée sur différents sites, comme il se doit mais je vous propose d vous rendre sur celui du Ministère des Affaires Etrangères d’Arménie.

Pourquoi?

Parce qu’il est intéressant de saisir le point de vue de l’Arménie de laquelle l’Artsakh revendique les racines aussi profondes qu’historiques.

Il va de soi qu’à lire d’autres approches comme, par exemple, celle publiée sur le site Cairn.info et indiquée en lien ci-après, son intitulé seul suffit à la situer:

L’Etat de facto du Haut-Karabagh arménien.

Le fait est que des vies sont en jeu, que les forces en présence sont animées par autant d’intérêts géostratégiques que de valeurs respectives à défendre.

Et que les négociations en vue de régler pareil conflit entre parties qui campent sur leurs positions sont extrêmement délicates à mener vu la violence qui sévit depuis ce 27 septembre.

Car, en effet, c’est sous la médiation des co-Présidents du Groupe de Minsk de l’OSCE, Russie, Etats-Unis d’Amérique et France que sont placés les espoirs d’accord à trouver.

Pendant ce temps-là, le sang coule de plaies béantes que l’animosité particulièrement guerrière de ce nouveau conflit ouvre à nouveau.

En pensée avec autant de victimes de l’aveuglement humain qui n’a pas fini de briser des vies.

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Pauvres et tristes gens

Mais que le monde devient triste!

Par « monde », devrais-je préciser qu’il s’agit, surtout, de « petit monde ». De celui qui rassemble des personnes investies d’un tel sentiment de justice qu’elles se voient légitimées à l’exercer.

Aussi ai-je trouvé cet article dont la capture d’écran de l’intitulé illustre ce sujet qui révèle comment on procède pour que règne l’ordre.

Ce n’est pas de la démarche dont je discuterai ici. Non, ce qui a attiré mon attention est une phrase bien précise.

Le journaliste qui en est l’auteur s’adresse à un groupe de personnes qu’un de ses collègues a infiltré, pour la bonne cause, il le précise selon des articles de droit auxquels il se réfère et qu’il cite.

Mais c’est cette phrase ci-après indiquée en caractères italiques et gras qui a, pour ma part, retenu toute mon attention tant elle témoigne, au mieux, d’une évidente naïveté, au pis, d’une toute aussi évidente malhonnêteté:

Vous ignorez le «je ne sais pas» des scientifiques et des journalistes au début de leur enquête.

En d’autres termes, les « scientifiques » et les « journalistes » seraient de très correctes gens qui, tel Socrate, seraient de celles qui avoueraient savoir qu’elles ne savent rien?

Ou pour reprendre les termes de l’article, qu’elles seraient de celles qu’habiterait le « je ne sais pas »?

Eh bien donc, ravie de l’apprendre! Et de mesurer le haut degré d’appréciation de lui-même que l’auteur de cet article affiche.

Car enfin, je suppose qu’il se range parmi ces « scientifiques » et ces « journalistes » dont il partagerait le « je ne sais pas ».

Si tel est le cas, il n’est pas le seul. Un de ses confrères va jusqu’à savoir ce que je saurais moi-même comme il l’a écrit en commentaire ici-même, commentaire auquel j’ai répondu.

Bravo à vous, Messieurs, on en redemande mais pas trop sans quoi l’indigestion guetterait.

Cela dit, je ne suis pas de celles et ceux qui contre « Satan », lutteraient pour « la vérité » et qui sauraient ce qu’il en serait de réalités cachées.

Je suis une femme qui aime ses deux pays d’origine, qui a aussi l’audace d’aimer la Russie et qui, au bénéfice d’une formation universitaire, exerce non pas son sens de la « justice »  mais son esprit critique.

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Entre complotisme et complot, quelle nuance? Sixième entretien avec Jacques BAUD

-Jacques BAUD, merci de clarifier encore un élément relatif au complotisme. Si celui-ci consiste à arranger l’énoncé de faits dans le but de contribuer à une stratégie d’influence, les vrais complots existent-ils?

Jacques BAUD: -Le problème essentiel est que les complotistes – et ceux qui prétendent les combattre – n’ont pas de rigueur pour définir le complotisme. Par exemple, Conspiracy Watch voit dans le fait de croire que « Dieu a créé l’homme et la Terre il y a moins de 10000 ans » comme une théorie complotiste ! A l’évidence, il s’agit d’une croyance, qui n’implique pas l’existence d’un « complot ». En fait, il s’agit de discréditer ceux qui – à tort ou à raison – ont une lecture littérale de la Bible. On trouve exactement le même phénomène avec d’autres sites qui prétendent faire du « fact-checking ». Cette absence de rigueur facilite la confusion entre des « suppositions » et la « réalité ».

Comme nous l’avons vu, la problématique de notre action dans la situation internationale actuelle est, qu’elle est dictée par des présomptions que l’on transforme en certitudes. On est « complotiste » lorsqu’on doute de la responsabilité de Vladimir Poutine dans l’empoisonnement de Serguei Skripal ou Alexeï Navalny, mais on ne l’est pas lorsqu’on affirme qu’ils été l‘objet d’un « complot » ourdi par le gouvernement russe…

Ce qui favorise l’élaboration de théories du complot est clairement l’absence de transparence. Celle-ci vient le plus souvent du fait « qu’on ne sait pas » et parfois parce qu’on ne peut ou ne veut pas communiquer sur un sujet. Ici, il faut également démonter un mythe répandu : les services de renseignement savent beaucoup moins que ce que l’on pense !

La faiblesse des théories du complot réside pratiquement toujours dans la réponse à la question : « A quelles fins ? » Il s’agit de comparer le gain qu’apporterait une « conspiration » par rapport au risque politique encouru au cas où elle serait éventée. En fait, le plus souvent, on constate que le « comploteur » aurait pu obtenir le même résultat plus facilement et à moindre coût.

Un exemple est la publication de la « vidéo intime » de Benjamin Griveaux, en février 2020. Immédiatement, on suggère que la Russie (et donc, Vladimir Poutine) est impliquée dans sa diffusion! Dans quel but ? Pas de réponse. A quelle fin la Russie, en délicatesse avec l’Europe, prendrait le risque de s’impliquer dans l’élection d’une mairie (même celle de Paris), pour nuire à un candidat dont la campagne électorale est navrante depuis son début et « vouée à l’échec » ? Toujours pas de réponse ! Avec des « on dit que… », un journaliste de LCI suggère même que Piotr Pavlensky – l’auteur de la fuite – bénéficiait d’une « forme de complaisance » de part de la police russe et serait une « personnage qui pratique une duplicité … » et suggère qu’il serait employé par le gouvernement russe ! Pourtant, Cédric O, secrétaire d’État au Numérique, affirme ne disposer d’ « aucune information qui laisse penser qu’il pourrait y avoir autre chose qu’un agissement personnel » et qu’il n’a « aucune preuve, ni aucun indice qui nous laisse penser que la Russie soit impliquée ». Donc : rien ! Mais personne n’a qualifié tous ces brillants journalistes de « complotistes » !

C’est pourquoi j’aime bien citer Michel Rocard : « Toujours préférer l’hypothèse de la connerie à celle du complot. La connerie est courante. Le complot exige un esprit rare. »

Cela dit, cela ne signifie pas que les « vrais » complots n’existent pas. Mais ils sont beaucoup plus « discrets » que ceux que l’on nous présente dans la presse. Ils sont le fait d’acteurs qui se sentent – à tort ou à raison – dos au mur et ne voient pas d’autre alternative pour agir, et qui sont prêts à prendre le risque pour des raisons existentielles. C’est (très probablement) le cas de l’assassinat de Kennedy, pour lequel je pense que la version officielle ne reflète pas la réalité et les indices existant. C’est pourquoi cela n’est certainement ni la mafia, ni la CIA, ni le haut commandement militaire américain, ni les Soviétiques, ni les Cubains…

L’influence a toujours existé et fait sans doute partie de la manière dont les humains interagissent. Le problème est que nous devons admettre que bien souvent, nous ne connaissons pas la vérité. Dès lors, chacun peut avoir des interprétations différentes d’un événement : de la plus compréhensive à la plus intransigeante. C’est légitime. Mais, dès lors que ces interprétations doivent se traduire par des décisions, je pense qu’une certaine retenue doit guider le décideur politique et ceux qui les conseillent.

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Comment se construit une théorie complotiste, cinquième entretien avec Jacques Baud

-Jacques BAUD, comment se construit une théorie complotiste?

Jacques BAUD: -L’élaboration d’une théorie complotiste fait appel à plusieurs techniques, dont les principales sont :
1. La suppression des informations qui pourraient contredire la théorie.
2. La construction d’une logique en partant de la conclusion.
3. La création ou l’exploitation d’une confusion sur l’objet même de la discussion.
4. En dernier ressort, l’attaque personnelle…

En reprenant ces différentes techniques :

1. La technique la plus courante est d’écarter toutes les hypothèses et informations qui pourraient infirmer la conclusion que l’on cherche à établir. Par exemple, concernant les armes chimiques en Syrie, on n’évoque que 3 incidents : la Ghouta (2013), Khan Sheykhoun (2017) et Douma (2018), afin d’affirmer que « l’opposition syrienne n’a pas les capacités de conduire une opération d’une telle ampleur avec des agents chimiques ». Pourtant, les Nations Unies ont recensé plus de 300 occurrences en Irak et en Syrie ; Bachar al Assad utiliserait-il donc ses armes en Irak ? Evidemment non. Mais on n’en parle pas, car il s’agissait d’attaques entre factions rivales ou contre des positions gouvernementales, contredisant l’idée que seul Bachar al-Assad disposait d’armes chimiques. D’ailleurs, comme on peut le lire dans mon livre, en 2012, le président Obama adresse sa « ligne rouge » au gouvernement syrien, mais aussi – ce que l’on ne dit jamais – aux « autres acteurs sur le terrain », car 10 mois avant l’attaque de la Ghouta, on avait des indications très claires que les rebelles islamistes avaient des armes chimiques, dont certaines provenant du dépôt de la base militaire de Darat Izza.

Dans les affaires Skripal et Navalny, on retrouve les mêmes procédés. Les articles de presse se multiplient pour qualifier Vladimir Poutine d’empoisonneur. Mais, objectivement, qu’en est-il ? Admettons qu’ils aient été empoisonnés. Dans les deux cas, les laboratoires occidentaux n’ont pas été en mesure de déterminer si le « novitchok » avait été produit en Russie. En fait, les impuretés dans ce type de toxique constituent une « signature » qui permet de déterminer son origine. Or, on sait qu’après la guerre froide, plusieurs pays occidentaux ont synthétisé du « novitchok » (entre autres, les États-Unis, la Grande-Bretagne, l’Allemagne et la Tchéquie), et que des échantillons ont été vendus à des organisations criminelles. Dans l’affaire Skripal, le laboratoire de Porton Down n’avait pas été en mesure d’affirmer que le poison avait été produit par la Russie, c’est pourquoi, après d’âpres discussions entre le directeur du laboratoire et le cabinet de la 1ere Ministre, Theresa May (et les autres gouvernements occidentaux par la suite) ont dû employer l’expression « toxique d’un type développé par la Russie ».

Dans l’affaire Navalny, le gouvernement allemand est dans la même situation et utilise le même artifice :

« A l’instigation de la Charité – Médecine Universitaire de Berlin, un laboratoire spécial de la Bundeswehr a réalisé un test toxicologique à partir d’échantillons d’Alexeï Navalny. Ainsi, la preuve sans équivoque d’un agent chimique neurotoxique du groupe Novitchok a été fournie. Alexeï Navalny avait été transporté de Russie à Berlin pour un traitement médical le 22 août avec des symptômes d’empoisonnement. »

C’est pourquoi, comme on le constate, le gouvernement allemand se garde bien d’affirmer que a) le Novitchok analysé a effectivement été produit en Russie et b) Navalny a été empoisonné par le gouvernement russe ; mais enjoint la Russie à fournir des explications. Ce qui n’excuse personne, mais n’autorise pas non plus à accuser Vladimir Poutine ! Car Navalny a égratigné de nombreux autres acteurs dans sa lutte contre la corruption, qui pourraient avoir eu l’intention de se venger ou de l’empêcher de nuire… En fait, les hypothèses sont suffisamment nombreuses pour faire douter de la sincérité des Occidentaux, d’autant plus que dans les deux affaires, ils ont refusé de partager leurs preuves et leurs éléments d’analyse avec la Russie. Le complotisme se construit autour des zones d’ombre…

On peut donc probablement reprocher au gouvernement russe de n’avoir pas investigué sérieusement ces cas, et on peut certainement lui reprocher de manquer de transparence sur ces affaires. Mais tirer la conclusion que la seule explication possible est que Navalny a été empoisonné par le gouvernement russe (lire : Vladimir Poutine) parce que a) il est le seul à avoir pu utiliser du Novitchok et b) cela aurait déjà été fait pour Skripal relève tout simplement du… conspirationnisme !

2. Une deuxième technique est de déterminer la conclusion d’un raisonnement, puis de rechercher des hypothèses en conservant celles qui lui correspondent et en rejetant celles qui ne correspondent pas : on crée ainsi une sorte de logique. Techniquement parlant, cette méthode peut fonctionner pour des situations simples, comme élucider un meurtre avec un nombre restreint de coupables possibles, par exemple. En revanche, pour les problèmes multidimensionnels que l’on voit en politique ou stratégie internationale, les chances de se tromper sont énormes.

Ainsi, pour l’affaire Skripal en 2018, le site Bellingcat est arrivé à « identifier » les auteurs de l’empoisonnement à Salisbury avec une succession d’approximations : on n’a pas cherché à savoir qui était Boshirov (un des deux Russes identifiés à Salisbury), mais on a cherché un individu avec un profil correspondant. On a commencé par définir un profil type d’un officier de renseignement militaire russe, puis cherché un personnage qui puisse y correspondre. On a choisi une unité militaire dans laquelle on pensait qu’un tel agent aurait pu être formé, puis on a cherché dans les médias (articles de presse, documents d’archives et autres) des mentions concernant des individus correspondant au profil établi, ce qui a conduit au colonel Tchepiga. Les photos publiées dans la presse de l’individu identifié à Salisbury (Boshirov) et l’ « agent » du GRU Tchepiga montrent effectivement une ressemblance. Mais elle n’est que superficielle : une analyse faciale plus poussée montre qu’il n’y a qu’une probabilité de 2,8% pour qu’il s’agisse de la même personne. En fait, avec cette même méthode, on aurait tout aussi bien pu trouver un coupable en France ou en Suisse ! De fait, une mission de ce type – en admettant même qu’elle ait été planifiée par le gouvernement russe – ne serait pas du ressort du GRU (qui n’a pas les compétences techniques et les réseaux pour le faire), mais par le Service de renseignement extérieur (SVR) qui dispose de réseaux clandestins un peu partout dans le monde (comme la CIA ou la DGSE). Le problème est que le SVR est très peu connu, c’est pourquoi on évoque le GRU (ou le FSB) pour attribuer des opérations clandestines (ingérence dans les élections, etc.), malgré le fait que ces deux services n’ont ni les ressources, ni les compétences, ni les agents pour le faire ! Donc on a cherché et trouvé un « agent du GRU » ! La même démarche aurait permis de trouver un « agent du SVR »… à condition – qu’à la différence des militaires – ce type d’agent soit sur les réseaux sociaux !

En fait, Bellingcat et Conspiracy Watch se réfèrent à la même démarche que celle utilisée par le Dr Barbara Hatch Rosenberg dans l’affaire de l’ « Amerithrax » (septembre-octobre 2001). Elle a établi le profil de l’auteur des attaques dans un document publié sur l’internet («Possible Portrait of the Anthrax Perpetrator ») en ayant déjà le suspect en tête. C’est ce qui a conduit le FBI à arrêter Steven Hatfill, qui sera déclaré innocent en 2008, après que le FBI a découvert qu’il n’y avait « pas la moindre étincelle de preuve indiquant que Hatfill avait quelque chose à voir » avec les attaques.

C’est également la raison pour laquelle la lutte contre le terrorisme stagne depuis des décennies : on tente d’expliquer le phénomène à travers nos propres préjugés, en créant des réalités artificielles. C’est ce que la France expérimente au quotidien dans le Sahel : elle tue des terroristes, mais n’affaiblit pas le terrorisme…

3. Une troisième technique est de comparer des informations/données de nature différente et jouer sur des différences de perception. Par exemple, lorsqu’on m’attribue l’affirmation qu’il y a cent fois moins de victimes au Darfour que ce qu’affirment les experts. C’est évidemment faux, et l’explication est en toutes lettres dans mon livre : je fais la distinction entre les victimes de la violence (massacres, assassinats et tueries diverses) et les victimes dues aux conséquences du conflit (maladies, malnutrition, famine, etc.). La première catégorie est assez claire : des photos ou des observations faites par des observateurs/militaires étrangers permettent d’avoir une idée assez précise de l’ampleur du problème. La seconde catégorie, en revanche est beaucoup plus floue, car il est très difficile – pour ne pas dire hasardeux – d’attribuer au conflit des situations sanitaires qui sont déjà naturellement précaires dans toute la région sahélienne. J’ai moi-même eu l’occasion de me pencher sur cette question avec des spécialistes de l’OMS au Darfour, et on ne parvient généralement à quantifier le phénomène qu’à partir de calculs et d’évaluations statistiques. En poste au Soudan en 2005-2006, nous avions dénombrés environ 2’500 morts de mort violente durant cette période. Un chiffre qui correspond à ce que l’on observe bon an mal an au Darfour. Or, durant la même des experts occidentaux ont dénombré 200’000 morts pour la même période. Pourtant, les activités humanitaires se sont déroulées normalement durant ces deux ans et la visibilité sur l’ensemble des victimes n’atteignait pas ce chiffre. En fait, on crée une confusion dans la définition de ces chiffres et la manière de les calculer pour les agréger et alimenter l’idée d’un génocide.

Que des militaires soudanais aient commis des crimes, c’est très probable ; mais affirmer que le gouvernement soudanais ait cherché à commettre un génocide au Darfour n’est qu’une construction intellectuelle. En fait, on est bien davantage sur une mauvaise gestion du conflit, que les pressions internationales n’ont pas contribué à améliorer.

4. Finalement, une quatrième arme des conspirationnistes est l’attaque personnelle contre ceux qui tenteraient de les contredire. Ces derniers appartiendraient aux Illuminati, aux Frères Musulmans, à l’extrême-gauche, à l’extrême-droite, s’exprimeraient « sur la télévision d’Etat russe », etc. C’est la manière moderne d’ostraciser des opinions et d’éviter les discussions sur la substance des choses.

Le problème de qualifier de « complotisme » les opinions divergentes est de rétrécir notre champ de vision. On tend ainsi à créer une dystopie qui influence négativement notre manière d’agir. Par exemple, si l’on avait dit, en septembre 2014, qu’intervenir militairement en Irak pourrait déclencher des actes terroristes en France, aurait-on agi de la même manière ? N’aurait-on pas entouré cet engagement de mesures de protection plus sérieuses en métropole ? De même, si on avait décrypté avec plus de sensibilité le mécanisme des violences à la suite de la publication des caricatures en 2005-2006, n’aurait-on pas suivi l’exemple de la Norvège et mieux « emballé » leur publication par Charlie Hebdo ? Le fait d’expliquer le terrorisme comme une fatalité liée à une volonté de conquête de l’Occident ou à la destruction de nos valeurs a pour conséquence que nous ne remettons pas en question la manière dont nous agissons. C’est pourquoi le chapitre « Charlie Hebdo » n’est manifestement pas clos, et c’est pourquoi le terrorisme n’a fait qu’augmenter ces 30 dernières années. C’est exactement l’objet de mon livre. Il serait bon que certains sortent de leurs schémas intellectuels et de leurs préjugés car ce sont eux qui créent les catastrophes.

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A propos de complotisme, suite des entretiens avec Jacques BAUD

-Jacques BAUD, dans nos trois précédents entretiens, il a été brièvement question de complotisme et de conspirationnisme. Or ces termes sont devenus un outil pour lutter contre la liberté d’expression. Comment définiriez-vous le complotisme?

Jacques BAUD: -En fait, le « complotisme » est devenu un anathème que l’on utilise sans en comprendre le sens, au contenu flou, qui permet simplement de rejeter les informations qui déplaisent. C’est devenu une manière de « blasphémer » contre un discours officiel. Or, c’est un concept bien défini, que j’essaie d’ailleurs d’expliquer dans mon ouvrage.

Les principaux critères, qui permettent de déterminer le caractère « complotiste » d’une théorie reposent sur une action coordonnée:
– En fonction d’une stratégie ou d’un calcul machiavélique en vue d’un objectif défini, qui peut être répréhensible;
– Par une institution, une élite, un petit groupe ou une minorité ;
– De manière furtive ou clandestine.

Tout comme le terrorisme, le complotisme (ou conspirationnisme) n’est pas une doctrine, c’est une méthode. Elle est basée sur l’affirmation que des événements sont le résultat de complots ou, plus largement, qu’ils sont le résultat d’une démarche volontaire ou l’expression d’une logique. Elle aboutit à attribuer une cause unique à des faits avérés.

Le complotisme peut comprendre des « fake news » ou « fausses informations », mais d’une manière générale, il s’en distingue en ce qu’il utilise souvent des informations qui sont vraies : c’est alors le lien établi entre elles qui est souvent faux.

Par exemple, on affirme volontiers qu’une des causes principales du mécontentement en Belarus est « la gestion désastreuse de la pandémie par un président ouvertement corona-sceptique ». Que le président soit « corona-sceptique » semble assez évident, mais qu’il ait géré l’épidémie de manière désastreuse est un mensonge. En effet, un simple examen des chiffres montre que le Belarus avait – au moment de cette affirmation, le 22 juillet – une mortalité 4x inférieure à celle de la Suisse et une létalité par cas confirmé (CFR) 6,25x inférieure à celle de la Suisse. Or, selon l’OMS, le CFR est un indicateur pour évaluer la mise en œuvre des mesures de santé publique : au 20 septembre, avec un CFR de 1%, le Belarus fait 3,6x mieux que la Suisse et 7,1x mieux que la France ! L’accusation est donc fausse et l’objet d’une construction de type complotiste : on associe les fanfaronnades (avérées) du président Loukachenko (vodka comme remède, etc.) à l’affirmation (fausse) d’une « gestion désastreuse » pour créer une logique (artificielle) qui légitime la contestation au Belarus.

Malgré qu’elle ne soit pas démontrée par les faits, cette accusation de « gestion désastreuse » a circulé dans presque tous les  médias qui soutiennent la politique de Donald Trump. Les médias plus factuels ont exprimé plus de circonspection.

Merci d’avoir abordé la problématique biélorusse. Dans le prochaine partie de notre entretien, nous examinerons les techniques utilisées par le complotisme, avec des cas concrets.

 

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COVID-19, essai de 13e synthèse à la « blacklivesmatter »

La situation que nous vivons toutes et tous en lien avec le virus dont on guette déjà la deuxième vague, met bien du monde, comme on dit, à cran.

Qu’on le veuille ou non, la pression s’exerce et se ressent.

Que cela soit dans n’importe quel lieu où le port du masque est obligatoire, on vous rappelle de manière péremptoire quand elle n’est pas agressive, que le masque doit se porter sur le nez et non dessous.

Jusque là, on reste dans l’ordinaire.

Mais lorsque, dans un établissement de soins, une patiente de passé 90 ans se fait rappeler à l’ordre parce que son masque ne couvre pas son nez et que ladite patiente, proche et chère parente, dit  Je n’arrive pas à respirer, j’étouffe ?

Eh bien c’est très simple, l’infirmière lui rétorque, devant témoins ahuris, ça m’est égal, je préfère que vous mouriez étouffée que de faire entrer le COVID dans la maison de repos. 

Cette scène s’est déroulée en France.

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Sous nos latitudes démocratiques…

Que cela soit sous forme littéraire ou pour ce blog, écrire est depuis de nombreuses années, pour moi, une seconde nature.

Qu’on l’apprécie ou non, rien de plus normal, les goûts et les couleurs…

Mais que mon parcours littéraire soit reconnu en Russie, entre autre, intrigue dans le meilleur des cas, me rend très suspecte sinon.

Il se trouve qu’un participant à la présentation de l’un de mes recueils de nouvelles, ce 17 septembre, a mentionné les constantes rééditions de mes livres en Russie.

Et de souligner que dans ce pays, seuls les grands classiques sont publiés en édition bilingue.

Il se reconnaîtra, sensible à ses remarques, je l’ai remercié tant je suis plutôt habituée à devoir me justifier au vu de ce qui circule en boucle sur la Russie, de plus en plus souvent ramenée à son seul Président.

En février dernier, j’ai découvert comment le droit de s’exprimer s’appliquait dans mon pays quand mon blog a été brutalement fermé par le groupe de presse qui l’accueillait.

Voici que sept mois plus tard, j’expérimente à nouveau la liberté d’expression selon la définition qu’en ont certains journalistes suisses qui forment un groupe sur Facebook.

J’en étais devenue membre, j’en suis désormais exclue, mieux, je n’y ai carrément plus aucun accès.

Je ne suis pas journaliste, ma formation en Lettres m’a amenée à étudier les littératures russe, allemande et française avant de me spécialiser en analyse de discours et en épistémologie de la linguistique.

J’ai mené des travaux de recherche dans cette discipline et enseigné dans différents établissements à Genève et à l’Université de Turin au préalable.

Il semble néanmoins que ce parcours professionnel ait contribué à me rendre « conspirationniste ».

C’est en effet ainsi que j’ai été perçue dans ce milieu médiatique helvète si tolérant qu’il recourt aux mêmes méthodes que celles qu’il n’hésite jamais à fustiger lorsqu’elles concernent d’autres pays.

Le sens du débat contradictoire, dans cette très savante mouvance, s’exerce de telle manière que le couperet tombe sur toute tête qui menace son confort ou sa paresse intellectuel(le), à choix.

Et cela s’appelle liberté d’expression, et cela se vit sous nos latitudes démocratiques.

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Et puis soudain, juillet 1983…

En ce 17 septembre où l’un de mes recueils de nouvelles va être présenté tout à l’heure à la librairie JULLIEN, au coeur de la Vieille Ville de Genève, permettez ce retour sur un parcours littéraire étranger à ce blog.

C’était un dimanche ensoleillé de juillet 1983 où, prise de nostalgie, j’ai contemplé le vide. Je n’y ai lu de nouvelles de personne et ce sont elles qui m’ont inspirée. Plus tard, ce sont celles de rien ni de nulle part qui m’ont incitée à poursuivre cette lecture et c’est sans fin qu’elle s’est révélée.

Pour qui les connaît, oui, je cite là les titres de quatre de mes livres, Nouvelles de personne, Nouvelles de rien, Nouvelles de nulle part, Nouvelles sans fin. De quoi y est-il question, me demande-t-on souvent. De vies qui se déroulent à l’ombre ou en marge d’autres, fantasques parfois cocasses, tragiques ou sans issue.

Toutes sont traitées sur le même mode, sans complaisance mais non sans tendresse. Anti-héros, victimes d’eux-mêmes ou d’un entourage peu amène, les personnages qui les incarnent réagissent selon leur caractère ou selon les circonstances. Leur destin?

Se dérouler au mieux, de l’aube au crépuscule et des crépuscules aux aubes qui les suivront.