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Une voix de Russie

C’est d’entente avec Arkadij Beinenson que je publie, ci-après, son texte.

Arkadij BEINENSON: -En Russie, la popularité rencontrée par la lettre ouverte qu’Hélène Richard-Favre a adressée à Svetlana Alexievitch, semble aussi avoir été due à ma participation en tant que traducteur et journaliste qui l’a publiée sur le site de Baltnews.ee

La grande résonance que cette lettre ouverte a connue, également en dehors de la Russie, m’a décidé à écrire ce qui suit.

A la lecture des commentaires déposés sous la lettre d’Hélène, je constate un certain manque de compréhension de ce qu’est la Russie contemporaine. De même, m’apparaît discutable, le jugement porté sur les événements qui se déroulent dans le pays et dans le monde entier par les Russes eux-mêmes.

Ce manque de compréhension de la Russie contemporaine est dû à la présentation qu’en font les médias occidentaux. Les Russes y apparaissent comme très agressifs, adorant aveuglément Poutine, ne voulant rien savoir d’autres points de vue, nostalgiques des temps de Staline et voulant convaincre l’Ukraine et l’Occident.

Je tiens à souligner, ici, que je suis né dans une famille de dissidents moscovites qui écoutaient la Voix de l’Amérique et la radio Svoboda (La Liberté). La majorité de ce que que beaucoup de gens n’ont su qu’après 1991, moi, j’en entendais parler à la maison en jouant dans notre cuisine.

Et ce que j’entends maintenant me rappelle bien des choses entendues à la radio à la maison de mes parents. Cela veut-il dire que la Russie est en train de se construire une nouvelle Union Soviétique? Cela indique-t-il que l’Occident doit utiliser les mêmes expressions qu’autrefois?

Non. Et cette lettre en est la meilleure preuve car je n’aurais jamais eu la possibilité de la publier du temps de l’époque soviétique.

La Russie s’engage davantage dans l’arène géopolitique internationale que ces vingt dernières années. Mais cela signifie-t-il qu’on veut une autre guerre froide? Absolument pas. On veut que la Russie et son opinion soient prises en considération quand les pouvoirs internationaux prennent des décisions dans les domaines qui peuvent avoir des conséquences pour notre pays.

Surtout, on veut être entendu dans le cadre des conflits du Proche-Orient et dans ceux de notre voisin ukrainien. Et on veut d’autant plus que notre opinion soit prise en considération que les soldats soviétiques ont sacrifié leur vie pour libérer l’Europe du fascisme pendant la seconde guerre mondiale.

Oui, tous les habitants de l’ex-Union Soviétique (y compris les Ukrainiens, les Juifs et les Asiatiques) sont fiers de la victoire de l’Union Soviétique qui était dirigée par Staline en ces temps. Mais cela ne signifie absolument pas que les Russes souhaitent d’autres dictateurs et des répressions. En même temps, on ne veut pas être mis au même niveau que l’Allemagne fasciste.

Oui, beaucoup de gens en Russie ont voté en faveur de la politique de Poutine mais ça ne veut pas dire qu’on en fait un dieu. Non, il y a plein de gens qui ne sont pas d’accord avec sa politique et qui exigent des changements. Mais des changements et non pas une révolution. Je vous assure qu’on a une bonne mémoire.

On était très surpris que les participants du Maïdan nous aient reproché de ne pas avoir construit d’Etat européen durant ces vingt-trois dernières années. Mais ça ne peut pas se traduire par la joie ressentie à voir des gens mourir!

Beaucoup de Russes ont de la famille en Ukraine (moi personnellement je suis à moitié ukrainien) et on est très inquiets de ce qui se déroule dans le pays.

Oui, les hommes politiques russes utilisent un vocabulaire fort en parlant avec leurs collègues internationaux. Mais cela veut-il dire qu’on déteste l’Occident et notamment l’Europe? Pas du tout. On aime la culture classique de l’Europe et on n’oublie pas l’impact qu’elle a eu sur notre culture. Et on est toujours très heureux de voir des visiteurs européens dans notre pays.

En conclusion, je voudrais dire et même souligner que les Russes sont terrorisés à la seule idée d’une guerre car chaque famille garde des souvenirs horribles de la seconde guerre mondiale. Et quoi qu’il se passe entre la Russie et les pays de l’Occident, on ne veut pas que les choses prennent une tournure que nos descendants aient à regretter.

Arkadij Beinenson, journaliste russe

Politique

Guerre fratricide

La lettre ouverte que j’ai adressée à Svetlana Alexievitch, lauréate du Prix Nobel de littérature de cette année, a été traduite en russe, introduite et publiée sur le site Baltnews.ee par le journaliste Arkadij Beinenson.

L’article a été relayé sur près de vingt sites, tant en Russie qu’en Ukraine et ailleurs.

Les plus de 320 commentaires qui avaient été déposés sous la version française de la lettre publiée sur mon blog autrefois hébergé par la Tribune de Genève, n’apparaissent plus ici depuis l’accès rendu impossible à feu ce blog.

Ils témoignaient tous, ces commentaires, de la sensibilité du sujet.

Tout autant l’ensemble des autres réactions publiées sur les nombreux sites qui ont relayé la version russe de la lettre. C’est qu’une telle guerre fratricide est extrêmement dommageable.

Quels que soient les camps qui s’opposent et se déchirent, les dégâts sont là, blessent et brisent des vies entières.

Sauf cynisme avéré ou égarement momentané, qui s’en réjouirait? Puisse le calme revenir au plus tôt dans ce Donbass ensanglanté.

Puisse la diplomatie oeuvrer au mieux et réduire les armes au silence.

Culture, Politique

Dialogue Occident-Russie, le gâchis récompensé

Cette video dure 24 secondes.
On y découvre toute l’estime que ce Président démocrate porte à son peuple:

Madame Svetlana Alexiévitch, récemment nobélisée de littérature, a-t-elle seulement eu connaissance de ce qu’est la démocratie en Ukraine?

Cette démocratie compte plus de 8’000 morts désormais. Cette démocratie a déjà jeté sur les routes plus d’1 million de réfugiés.

Et la terre qui les a accueillis, ces réfugiés, cette terre est celle de 86% de Russes que Madame Alexiévitch outrage.

L’offense ne grandit ni n’honore qui la profère et le talent récompensé n’y change rien.

Culture, Histoire, Politique, société, Voix

Lettre ouverte

À Madame Svetlana Alexievitch,

Dans ce Donbass que vous avez évoqué lors de votre conférence de presse, Lilia, 24 ans, a eu la jambe gauche arrachée alors qu’elle s’est jetée sur son fils de 11 mois pour le protéger.

Tous deux se trouvaient dans un bus soudain frappé par une bombe, Lilia a eu le réflexe de sauver la vie de son enfant.

Ce cas, comme tant d’autres qui ont brisé familles et foyers du Donbass, a été le fait d’un gouvernement que l’Occident soutient.

Je vous invite à découvrir cet article d’un journaliste français qui se trouve à Donetsk:

Des cas comme celui de Lilia sont loin d’être uniques, vous n’êtes pas sans le savoir, j’ose l’espérer.

Il va de soi aussi que l’on est parfois obligé de procéder à des choix de sujet à traiter. Vous avez opéré les vôtres qui ont su trouver leur public et l’honneur qui vient de leur être rendu.

Mais vous qui déclarez faire de la lutte contre le mensonge le fer de lance de votre combat, comment pouvez-vous estimer que « la Russie en arrive à 86% à se réjouir quand des gens meurent dans le Donbass »?

Madame, avec pareils propos, vous êtes non seulement dans le mensonge mais dans l’outrage.

Avec respect,
Hélène Richard-Favre

Culture, Histoire, Politique

Svetlana Alexievitch, Nobel de littérature outrage la mémoire du Donbass

Le Nobel de littérature a été attribué. Il couronne Svetlana Alexievitch, écrivain et journaliste biélorusse.

A lire l’article que lui consacre le Huffingtonpost, on comprend tout à fait que les idées politiques de cette écrivain rejoignent la plupart des standards occidentaux et bien leur en prenne, des goûts et des couleurs, on ne discutera pas ici.

Mais quand on lit de cette Nobel de littérature que, je la cite, cette Russie en arrive « à 86% à se réjouir quand des gens meurent dans le Donbass », non, là, c’est plus que de l’indécence ou de l’insulte.

C’est un outrage lancé à la Russie et surtout à la mémoire de milliers de victimes qui n’ont jamais demandé à l’être.

Culture, Histoire, Voix

Dostoïevski

Invitée à parler de Dostoïevski dans le cadre de Journées qui lui sont consacrées chaque année à Saint-Pétersbourg, outre son bref séjour à Genève, j’ai évoqué comment ce qui a été appelé « haut mal »  ou « mal sacré » – je veux parler de l’épilepsie-  travaille et tisse son oeuvre.

Certains critiques ont mis en relation le déclenchement de l’épilepsie de l’écrivain avec l’assassinat de son père par ses serfs mais d’autres le font remonter à son enfance. Ce serait, en effet, à l’âge de 7 ans que Dostoïevski aurait été frappé par sa première crise.

Il n’est pas difficile d’imaginer la souffrance que ce mal a pu engendrer chez lui, sachant combien la violence de certaines crises peut terrasser et surtout, comment celles-ci peuvent aussi être perçues par l’entourage.

Plusieurs personnages de l’oeuvre de Dostoïevski sont épileptiques, dont le Prince Mychkine et Smerdjakov, fils bâtard de Fiodor Karamazov.

Cela dit, tout distingue ou presque ces deux personnages et c’est là une des raisons qui a motivé mon choix d’en parler.

Si Dostoïevski est mort à Saint-Pétersbourg peu de temps après avoir écrit « Les Frères Karamazov » sous la forme que nous lui connaissons alors qu’il la considérait inachevée, c’est à Genève que Dostoïevski a écrit en grande partie, « L’Idiot ».

Or, de passage à Bâle, l’écrivain s’est rendu au Musée des Beaux Arts où il s’est très longuement attardé devant le Le Christ au tombeau, de Hans Holbein le Jeune et dont la reproduction figure en illustration de ce sujet.

Il n’est pas impossible que la très forte émotion que Dostoïevski a ressentie à la vue de ce tableau ait pu constituer un des éléments déterminants de l’écriture de « L’Idiot ».

Culture

L’offensive européenne

Grec, Prix Nobel de littérature en 1979, Odysséas Elytis s’était un jour exprimé sur l’avenir de l’Union Européenne.

C’était au début des années 1980, à Rome:

Nous savons que l’idéal européen ne pourra pas se réaliser s’il ne prend pas appui, clairement, sur son socle spirituel, sur les bases des civilisations grecque et romaine, c’est-à-dire la Démocratie et le Droit, à quoi il faut ajouter l’esprit apporté par le christianisme.

Décédé en 1996 à Athènes, le poète aura sans doute déjà pu mesurer le peu d’écho que ses mots rencontraient auprès des instances de l’Union Européenne.

La voix d’Odysséas Elytis, comme celle de tant d’autres humains, a été étouffée. Il appartient désormais à ses compatriotes d’affronter l’idéal européen qui leur est proposé.

A lire cet article, on peut conjecturer de diverses manières. Il n’en demeure pas moins vrai que le peuple grec n’a pas encore capitulé.

 

 

Culture, Histoire, Politique, Religions, société

Soumission, le roman et l’Histoire

Ce 6 janvier, dans le cadre du 20 heures de France 2, Michel Houellebecq a répondu aux questions que lui a posées David Pujadas.*
Soumission, tel est le titre du dernier roman de l’écrivain français le plus traduit et le plus lu dans le monde selon les termes mêmes du présentateur vedette du Journal Télévisé de la chaîne publique française.
Pour rappel, Soumission évoque la victoire d’un chef de parti musulman à l’élection présidentielle française de 2022.
Au sujet de l’impact ou non qu’aurait son livre à paraître ce 7 janvier et dont on dit qu’il crée déjà la polémique, Michel Houellebecq relativise.
Soit par modestie, soit par méconnaissance de l’influence réelle que peut avoir un roman, il prétend que jamais aucun d’eux n’a changé la cours de l’Histoire.
Or c’est depuis sa prison, la forteresse Pierre et Paul à Saint-Pétersbourg, en 1862, que Tchernychevski a créé Rakhmetov, personnage de son roman Que faire.
Et c’est ce personnage qui a été l’initiateur de l’action de Lénine qui a, d’ailleurs, repris le titre du roman de Tchernychevski pour l’un de ses traités politiques paru en 1902.
 
* http://www.francetvinfo.fr/culture/houellebecq/direct-regardez-linterview-de-michel-houellebecq-au-journal-de-20-heures-de-france-2_789453.html

Culture, Histoire, Politique

« La Suisse par les Russes »… et par la Suisse

Il n’est pas inintéressant de lire différents compte-rendus de l’exposition qui vient de s’ouvrir au Château de Penthes, La Suisse par les Russes, regards artistiques et historiques, 1814-2014.*
Le rappel du rôle déterminant joué par le Tsar Alexandre Ier pour garantir à la Suisse sa souveraineté est le plus souvent relevé par les journalistes, bien s’en faut.
La précision selon laquelle l’exposition a été entièrement prise en charge par la Russie, est elle aussi mentionnée dans la plupart des articles publiés dans les grands quotidiens genevois, Le Temps, La Tribune de Genève et Le Courrier.
Le fait que la Confédération Helvétique n’ait apporté aucun soutien quelconque à cet événement doit sans doute avoir des raisons que la raison ne connaît pas.
Cependant, les conclusions -citées ci-dessous- des articles de nos trois grands quotidiens, donnent quelques pistes sur la perception bien peu neutre de cette non entrée en matière de la Suisse dans le cadre d’une manifestation culturelle qui, pourtant, la met à l’honneur.
L’exposition (…) ne prend guère le risque de l’histoire récente. Célébrer des relations diplomatiques incite sans doute à l’être soi-même.  (Le Temps)
Une opération qui redore l’image de ce pays, malmenée par l’actualité internationale.
(La Tribune de Genève)
Le parcours se conclut sur les exilés de l’après-Révolution (…). Pour les exilés de Vladimir Poutine, par contre, il faudra attendre le ­tricentenaire.
(Le Courrier)
* http://www.penthes.ch/portfolio/la-suisse-par-les-russes-regards-artistiques-et-historiques-1814-2014/

Culture, Politique

La culture des uns et des autres

Encore un qui sait de quoi il parle…  » L’actuel tsar », ainsi a-t-il évoqué le président russe.

Il souriait, certain de se faire comprendre. Il semblait par ailleurs ravi de sa formulation. Il faut dire qu’elle est particulièrement originale. Et surtout, qu’elle témoigne d’une indéniable culture politique et historique de la Russie.

Car il ne plaisantait pas, non, il était très fier de figurer parmi ceux qui ne s’en laissent pas conter…

Lui, c’est François Busnel, journaliste qui interviewait Emmanuel Carrère et Paul Veyne.