Infrarouge, émission phare de la Radio Télévision Suisse (RTS), a traité du problème dit des « migrants » en revenant sur la photo de l’enfant mort sur une plage turque.
Le débat, comme à son habitude, a réuni des personnalités d’horizons divers. En l’occurrence, on y a vu s’exprimer celles qui encouragent l’accueil des réfugiés et les autres, plus réservées sinon moins enthousiastes par autant de nouveaux arrivés.
Une émission de télévision allemande évoque le problème sous un angle différent de celui qui domine la majorité des médias d’Occident:
http://www.klagemauer.tv/index.php?a=showportal&keyword=franzoesisch&id=6571
Le message à retenir est clairement énoncé, éviter tout ressentiment envers les réfugiés et informer des responsables qui favorisent leur migration.
Le fait est que pour l’heure, les bons et les méchants Européens sont désignés. Les premiers ont du coeur, les seconds sont dénués d’humanité ou presque.
De tels antagonismes au sein de nos sociétés constituent leur menace.
http://www.rts.ch/emissions/infrarouge/
Union Européenne
Laurent Brayard est un journaliste français, actuellement dans le Donbass, région du sud est de l’Ukraine. Il répond à quelques questions que je lui ai posées.
–Laurent, en quoi consiste exactement votre travail?
Laurent BRAYARD: -Mes activités sont diverses. Elles consistent en premier lieu à interviewer des victimes, blessées et /ou invalides de guerre, à mener des reportages sur le terrain près du front et à écrire des articles de presse, des analyses où je « détricote » la propagande occidentale. J’y mets en cause le lobbying ukrainien de France, les concussions à tous niveaux et les responsabilités criminelles de la France dans cette guerre.
Sinon, j’aide la Commission des Crimes de guerre à trouver des avocats en France pour qu’un jour puisse exister un tribunal international qui juge les coupables en Ukraine et ailleurs. Enfin, à mon petit niveau, j’essaie d’organiser de l’aide humanitaire. J’ai transporté du matériel médical offert par ma sœur, infirmière libérale et ici, je donne de l’argent récolté en France pour les gens qui se trouvent dans une indigence totale.
-Qu’est-ce qui vous frappe le plus dans ce que vous voyez chaque jour?
Laurent BRAYARD: La dignité des gens.
Tout près du front, par exemple, j’ai vu une femme dont la maison était détruite et dont la mère était impotente. Cette femme s’occupait de son jardinet et de parterres de fleurs. Elle m’expliquait, en s’effondrant dans mes bras, qu’elle devait continuer malgré la guerre. Elle se demandait pourquoi on les tuait, eux, les gens du Donbass…
Dans le centre de Donetsk, je vois des gens qui vivent dans un confort paradoxal et sur le front, des milliers d’eux sont reclus dans les caves, avec des enfants. Ils sont pilonnés, ils n’ont ni eau, ni électricité, ni gaz.
Je vois des vieillards dans les ruines défoncées de leurs maisons, acquises à la sueur de leur front ou héritées de leurs pères qui les avaient eux-mêmes construites.
Je vois une grande misère et une immense détresse. Tous se demandent « Mais que fait l’Europe ? ».
Quelle aide pourrions-nous apporter à ces populations ?
Hélas c’est difficile, l’Occident bloque les comptes des activistes, même humanitaires. Les comptes des associations qui envoient de l’argent dans le Donbass sont tout simplement fermés, c’est terrible.
Quant au matériel médical ou humanitaire destiné à la population, l’Union Européenne fait son possible pour en saper la livraison. L’hiver dernier, nos grands médias tel Libération appelaient à envoyer de l’argent « pour l’aide humanitaire à l’armée ukrainienne ». Du jamais vu, de l’aide humanitaire à une armée ?
Le mieux que les gens puissent faire est de réinformer à leur tour, d’aider les quelques associations humanitaires connectées avec la Russie, comme Vostok France Solidarité Donbass, association apolitique et purement humanitaire.
Il serait bien de pouvoir envoyer de l’argent aux activistes, ici, mais c’est impossible, l’Occident et l’Ukraine ont paralysé le système bancaire qui ne fonctionne plus dans le Donbass. Voilà la triste réalité.
-Merci, Laurent.
Le Donbass est cette région de l’Ukraine dont on dit qu’elle est tenue par des « rebelles » ou « Pro-Russes ». De l’avenir de leurs enfants, cette Europe aux dirigeants si charismatique n’a sans doute pas le temps de s’en soucier.
Et même, de cette Europe si démocratique, qu’en sauront-ils, un jour, ces enfants?
Qu’elle a contribué à faire rêver ses aînés sur la Place du Maïdan? Qu’elle a favorisé le renversement d’un Président légitimement élu? Qu’elle soutient les agressions quotidiennes de l’armée ukrainienne dans le Donbass?
Pour le reste, le Président Poroshenko s’est exprimé sur ce qu’il souhaite aux enfants du Donbass.
L’émotion sélective et la culpabilisation font bon ménage, en ce moment.
Il suffit, pour cela, de découvrir comment sont traitées les personnes qui osent dénoncer l’usage sinon l’abus fait de la photo d’un enfant et de sa mort pour s’en convaincre.
Cela se passe à côté de chez nous, entend-on dire de responsables politiques.
Et la guerre qui a encore lieu en Ukraine et qui ajoute les enfants morts aux morts quand elle ne les jette pas sur les routes de l’exil, combien s’en émeuvent et brandissent de photos pour alerter l’opinion sinon pour viser encore et encore la Russie?
Cela se passe à côté de chez nous, entonnent à l’unisson toutes celles et ceux qui se font l’écho de nobles pensées.
Et à Paris, l’affichage censuré d’un concert en soutien aux Chrétiens d’Orient décapités, qui s’en est offusqué sinon la CHREDO qui a dû se saisir de la justice pour obtenir gain de cause?
Et ce sont ces mêmes censeurs qui distribuent leurs bons et mauvais points à qui se joint ou non au cortège de suppliques et de soutiens aux victimes de guerres?
Tandis que le monde s’émeut et pleure l’enfant échoué sur une rive turque, lui resterait-il quelques larmes pour ces enfants?
Vivants, certes et par la grâce d’avoir été kidnappés.
Leur avenir ne sera donc pas l’exode meurtrier tel qu’il le fut pour l’enfant retrouvé sur une plage turque.
Ces enfants sont formés à la décapitation.
Cette mort, la France l’a connue sur son sol, le 26 juin dernier.
Cette fin de vie, nombre de Chrétiens d’Orient l’ont déjà subie.
Combien de têtes devront-elles encore tomber avant que Mesdames Merkel, Sommaruga, Calmy-Rey et tant d’autres de leurs collègues si charismatiques ne réagissent?
http://www.i24news.tv/fr/actu/international/moyen-orient/79047-150720-en-syrie-l-etat-islamique-forme-de-jeunes-enfants-kidnappes-a-la-decapitation
Voici que le site Rue89/NouvelObs consacre un article à la publication manquée par nombre de grands titres de la presse française, de la photo qui a fait l’unanimité de sa consoeur britannique:
http://rue89.nouvelobs.com/2015/09/04/photo-daylan-quil-y-a-derriere-mouvement-recul-261056
Mobiliser ainsi l’attention sur la problématique des migrants dont les Syriens sont distingués en tant que réfugiés, relève d’un procédé qui n’est pas sans rappeler celui qui a oeuvré avec Charlie:
http://voix.blog.tdg.ch/archive/2015/01/16/du-massacre-au-slogan.html
Rassembler autour d’une cause nécessite mots ou images qui frappent les esprits. Dans ce sens, la photo de cet enfant échoué sur une rive turque, a sans doute vocation à alerter sur l’exode syrien.
Parmi les solutions à lui apporter, ouvrir les coeurs européens ou comme l’a dit Claude Smadja, invité de l’émission Infrarouge, intervenir militairement pour que Monsieur Assad soit enfin enterré.*
Oui, tels sont les propos de cet homme qui n’a pas hésité à répéter plus tard dans l’émission: Je souhaite la mort de Monsieur Bachar el Assad.*
La messe est dite.
http://voix.blog.tdg.ch/archive/2015/09/02/migrants-entre-il-faut-on-doit-et-le-profit-a-en-tirer.html
Outre les considérations sur l’économie, ce qu’on lit dans l’entretien* avec Yanis Varoufakis, publié par la revue Ballast, c’est la mise à l’écart, par l’euro-groupe, de toutes ses propositions.
Dire de l’Europe qu’elle incarne la démocratie semble de plus en plus relever de l’abus de langage.
Euphémisme que de le rappeler, certes, tandis que l’ancien ministre grec de l’économie explique comment on donne pour mieux dominer:
Que dit-on en Europe ? Une dette grecque non remboursable ? Donnez-leur en plus ! Et augmentez tous les impôts pour donner à une dette non remboursable plus d’argent, plus de prêts.
Alors que la question des migrants démultiplie les débats et déchire l’Europe entre accueil à réserver ou frontières à fermer, au-delà de la misère de l’exode, c’est au cynisme qui l’accompagne qu’on assiste.
Entre utilitarisme à peine voilé et charisme martelé, aux populations de s’y retrouver.
Difficile, en cela, de donner tort à Yanis Varoufakis quand il dénonce un système féodal dont le but est de s’étendre et d’élargir son pouvoir de domination.
http://www.revue-ballast.fr/yanis-varoufakis/
Migrants, entre « il faut », « on doit » et le profit à en tirer
La RTS, hier 1er septembre, a consacré pour la deuxième fois son émission Infrarouge à la question des migrants.
Le titre, tout comme celui de l’émission du 23 juin dernier, y est formulé sous forme d’interrogation. Si, en juin, était discuté le fait de se barricader contre les migrants plutôt que de les accueillir, ce 1er septembre, on débat de la honte que serait pour l’Europe, le phénomène de la migration.
http://www.infrarouge.ch/ir/2199-migrants-honte-rsquo-europe
Plusieurs aspects sont abordés, de l’humanitarisme à l’économie et à la religion et quelques efforts de synthèses sont entrepris par les uns et les autres en fin d’émission.
Des comparaisons avec des précédents historiques sont aussi énoncées, discutées sinon nuancées, compte tenu des circonstances diverses sinon complètement autres que celles qui entourent les migrations d’aujourd’hui.
Sur le profit à tirer de cette arrivée de migrants, plusieurs intervenants s’expriment.
On cite le patron des patrons allemands qui y voit une manne tandis que d’autres estiment qu’avec le taux de chômage qui affecte nos sociétés, cette nouvelle main d’oeuvre serait diversement perçue.
Cerise sur le gâteau et comprenne qui pourra, Micheline Calmy-Rey rappelle Genève, où les Protestants sont arrivés en masse, ont apporté la Banque Privée et l’horlogerie et, de fait, ont rendu les Genevois sinon les Suisses et d’autres encore, bien contents de les avoir eus.
Cela dit, l’émission vaut la peine d’être vue.
Dans l’interview qu’accorde l’économiste Marc Chesney à « Swissinfo » et dont j’indique le lien ci-dessous, Yanis Varoufakis ne manquerait sans doute pas de se reconnaître.
J’ai indiqué, dans un précédent sujet*, le lien au discours que l’ancien ministre grec de l’économie a tenu à Frangy-en-Bresse, dimanche 23 août dernier.
Dans ce sens, il apparaît que le point de vue du franco-suisse et du grec se rejoignent sur au moins un point, le déficit de démocratie qui domine tant de décisions prises par la troïka.
A cela s’ajoutent les contradictions de Jean-Claude Juncker dont Marc Chesney se demande comment il peut intimer à la Grèce l’ordre de réduire son déficit, alors qu’il a dirigé pendant des années un pays – le Luxembourg -, qui a permis à des sociétés actives en Grèce de pratiquer l’évasion fiscale aux dépens de la République Hellénique?
Cela tourne à la farce, conclut-il.
Oui, sauf que ladite farce est de très mauvais goût. Pis, elle s’impose au menu de toutes les négociations si elle en sont.
Que la toxicité des produits mijotés par la troïka s’avère nuisible à la démocratie n’est plus à démontrer.
Reste qu’à ce jour, aucun antidote n’a encore été trouvé pour neutraliser le poison.
http://www.swissinfo.ch/fre/marc-chesney–économiste-en-rupture_la-grèce–victime-parmi-d-autres-de-la–dictature-financière-/41624910 * http://voix.blog.tdg.ch/archive/2015/08/28/le-livre-des-psaumes-de-l-austerite-de-la-troika.html
La formule est de Yanis Varoufakis.*
Invité à participer à la Fête de la Rose de Frangy-en-Bresse par Arnaud Montebourg, l’ancien ministre grec de l’économie s’est adressé au public.
Notre continent a commencé à se réunir avec de nombreuses langues et des cultures différentes, mais il est en train de finir divisé par une monnaie commune.
La Grèce a capitulé, mais c’est l’Europe qui a été défaite.
Selon Yanis Varoufakis, si l’eurogroupe avait vraiment voulu réformer le système de son pays, il aurait discuté les propositions qu’il avait apportées à cet effet.
Or tel ne fut pas le cas, a-t-il indiqué avant de conclure que ce n’était pas une réforme qui était voulue pour la Grèce mais sa reddition.
Son propos est fort mais ne vise pas à apitoyer sur le sort de la Grèce. Au contraire, il alerte la conscience démocratique, non seulement française mais européenne aussi.
La stratégie de l’eurogroupe a consisté, selon l’ancien ministre grec, à faire traîner les négociations, à en imputer le blâme à la Grèce dont les propositions ont été jugées non crédibles, puis à lui poser un ultimatum sous la menace de la fermeture immédiate de la banque.
Ce ne fut rien d’autre qu’un coup d’Etat, a-t-il déclaré.
Et d’évoquer la maxime du Dr Schäuble d’après laquelle, les élections ne sont pas autorisées à changer quoi que ce soit en Europe.
CQFD
* http://blogs.mediapart.fr/blog/monica-m/250815/yanis-varoufakis-frangy