À diverses reprises, j’ai publié ici des mises au point sur mes prises de position. Comme ce qui vise n’importe quel propos tenu, il est susceptible d’être saisi dans son véritable sens ou au contraire, détourné pour toutes sortes de raisons qui regardent la personne qui s’emploie à ce genre d’activité pour ne pas parler d’activisme.
La Russie, je l’ai découverte par sa musique et sa littérature. Et je l’ai d’emblée aimée. Cet amour m’a portée à en étudier la langue, l’histoire et la culture. Lorsque j’ai découvert Moscou et Léningrad du temps soviétique d’abord, rien n’a changé en moi, j’aimais résolument ce pays. Étais-je communiste pour autant? Non.
Cautionnais-je le régime en place? J’estimais ne pas avoir à me prononcer car il s’agissait d’affaires qui concernaient le peuple russe et soviétique. Devais-je pour autant me sentir complice de pratiques que d’autres dénonçaient? Non car j’avais choisi de ne pas me mêler de politique. Était-ce répréhensible et si oui, pourquoi?
Parce que je devenais complice? Parce que je ne me battais pas pour « la liberté »? Parlons-en! Or je n’avais pas envie, justement, de parler de cela. La Russie, je la vivais autrement. Devais-je m’en sentir coupable? Bref, tant de questions qui refont surface depuis le temps que je traite, ici, de ce pays qui m’est cher.
Elles reviennent, ces questions, car j’observe combien il est délicat de ne pas prendre parti comme tant d’autres le souhaiteraient ou s’y emploient. Elles reviennent, ces questions, car j’observe que ce qui a guidé mon choix de l’époque, à savoir étudier la langue et la littérature russe est perçu comme soutien désormais au « régime de Poutine ».
J’ai à de multiples reprises tenté d’expliquer comment je percevais la Fédération de Russie. Jamais je ne me suis posée en « experte » ou en « spécialiste ». Jamais. J’ai juste tenu à réagir à cette manière récurrente et particulièrement lassante sinon torve de traiter d’un pays et de son peuple au regard de partis pris affichés.
Mais c’était déjà trop. Déjà suffisant à me classer, à m’étiqueter. Comment voulez-vous que le monde vive en paix quand tant de ses fossoyeurs oeuvrent à l’oublier? Comment espérer le respect des peuples quand certains sont sans cesse décriés, méprisés, humiliés même? Et les contritions qui ont suivi le massacre de ce 22 mars à Krasnogorsk n’y changent rien.
Être sensible à tel peuple, à telle culture vous engage-t-il de facto au plan politique? Non! Et c’est ce que j’ai par tant de mes contributions ici tenté de partager comme message. Reçu parfois, soutenu d’autres fois, relayé de telle ou telle façon selon les intérêts en jeu, tel est le destin de tout propos émis, j’ai nourri l’illusion d’y échapper.
Pourtant, déclarer son amour de la France équivaut-il au soutien de la politique de l’Elysée? Aimer la Suisse se confond-il avec son Conseil fédéral, ou l’Iran avec ses mollahs? Quant aux Etats-Unis, qui les résumerait à sa seule Maison-Blanche? Les raccourcis ne mènent pas à la meilleure approche d’un peuple, de sa culture et de son histoire. Les raccourcis contribuent à soulager l’effort. En l’occurrence ici, intellectuel sinon mental.
En ce jour de deuil national, toutes mes pensées émues au peuple russe.