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Jacques BAUD nous répond

– Bonjour Jacques BAUD! Vous vous rappelez bien sûr la série d’entretiens que nous avions menés ensemble sur ce blog. C’était un article de Sylvain BESSON qui avait motivé ma démarche auprès de vous pour en savoir un peu plus. Nous étions début septembre 2020. 

Voici ce même journaliste reprendre un article paru sur Radio free Europe et parler de vous en termes que je vous serais reconnaissante de commenter. L’article en question, paru sur le site de la Tribune de Genève, est déjà suivi de plus de 300 commentaires. Qu’avez-vous à nous en dire?

Jacques BAUD: Merci pour votre question. Oui, j’ai été surpris par cette information, même si je ne sais pas encore en ce moment si elle est vraie ou non. Je pars de l’idée qu’elle l’est.

Mon approche du conflit russo-ukrainien (comme des autres, d’ailleurs) est d’exposer les faits afin de comprendre ce qui se passe, avec la finalité d’y trouver une solution. Comme je le répète souvent: « de la manière de comprendre une crise découle celle de la résoudre ». Cette compréhension doit se faire indépendamment de toute préférence pour l’une ou l’autre des parties en présence. Aujourd’hui, particulièrement en Europe, si votre appréciation s’écarte un tant soit peu de la ligne officielle, vous êtes considéré comme « pro-russe » ou « conspirationniste ». Si vous lisez les commentaires des différentes interviews que j’ai accordées, les commentaires « équilibrés », « factuels » ou « balancés » reviennent le plus souvent. Après une interview qui a été publiée sur un média américain, un internaute a commenté: « Bien que Baud soit pro-ukrainien, il a bien compris la position russe! ». On est aux antipodes de ce que racontent nos journalistes. En novembre 2022, le journaliste suisse Jean-Philippe Schaller de la RTS déclarait que j’étais un agent au service de Vladimir Poutine! Quelles sont ses sources? Aucune: c’est du conspirationnisme pur et simple.

Le problème aujourd’hui est que si l’on dit que « la Russie gagne » on est automatiquement considéré comme « pro-russe ». Mais la victoire ou la défaite de l’un ou de l’autre ne dépend pas de ce que nous disons ou pensons! C’est une réalité. On pourrait même aller plus loin, j’ai expliqué dès 2022 pourquoi l’Ukraine perdait. Si on en avait tenu compte et aidé l’Ukraine non pas pour affaiblir la Russie mais pour qu’elle gagne, elle gagnerait aujourd’hui. Tout était parfaitement clair à la fin 2022. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle les Américains ont conseillé à Zelensky d’ouvrir un dialogue avec la Russie.

Nos journalistes croient aider l’Ukraine, mais c’est faux. À Bruxelles, j’ai été à quatre reprises arrêté dans la rue par des Ukrainiens (de Kharkiv, Odessa et Dniepropetrovsk) qui m’ont remercié pour ce que je fais. Un Ukrainien m’a même envoyé une carte postale avec le timbre de l’attaque contre le croiseur russe Moskva dans la Mer Noire. Nous avons un regard plus polarisé que les Ukrainiens eux-mêmes sur ce conflit. D’ailleurs, pour ceux qui veulent prendre la peine de lire mes livres, ils constateront que je n’utilise aucune source russe, mais exclusivement la presse ukrainienne et américaine: je prends la presse européenne (suisse en particulier) pour les mauvais exemples! Nos journalistes n’utilisent que l’information qui sort des bureaux de l’administration ukrainienne. Les journalistes ukrainiens sont beaucoup plus honnêtes et professionnels que les nôtres. La catastrophe de la bataille de Krinky, sur le Dniepr, par exemple, a été rapportée en grands détails avec des critiques sérieuses contre les militaires britanniques qui l’avaient planifiée et dirigée. Pas un mot dans nos médias. Lisez mes livres. Il y a des centaines de notes: elles viennent presque toutes de médias ukrainiens ou américains.

Aujourd’hui, même le premier-ministre belge reconnaît qu’une défaite de la Russie est une illusion. C’était déjà ce que les Américains pensaient en novembre 2022, lorsqu’ils ont conseillé à Zelensky d’ouvrir un dialogue avec Moscou. Dire que la Russie ne perd pas ne signifie pas que l’on est pro-russe, c’est un avertissement. Qu’ont fait les Besson et autres plumitifs pour tenir compte de ces avertissements et faire en sorte que l’on aide l’Ukraine efficacement ? Rien! Rien du tout, à part vociférer contre la Russie. Le problème est qu’aujourd’hui le narratif entre en collision avec la réalité et, après 4 ans (!), le système se défend en interdisant les vues qui ne lui plaisent pas. J’ai décrit exactement les mécanismes internes à la conduite ukrainienne qui la défavorisaient sur le terrain. Qui s’en est soucié pour améliorer la conduite ukrainienne? Personne. Aujourd’hui, on s’aperçoit qu’on a loupé une occasion. Cette guerre, qu’on le veuille ou non, est plus dictée par la haine de la Russie que par l’amour de l’Ukraine. Même Zelensky s’en est aperçu.

Lorsque Sylvain Besson m’a appelé vendredi 12 décembre, il m’a demandé si je croyais que la Russie avait bien attaqué l’Ukraine, j’ai répondu que oui, mais que je pense qu’il y a eu provocation, exactement comme en Géorgie en 2008, et que je m’appuyais sur une interview d’Olekseï Arestovitch (alors conseiller de Zelensky), dans une interview du 18 mars 2019 au média ukrainien Apostrof’, lors de laquelle il explique qu’il faudra une guerre avec la Russie pour pouvoir entrer dans l’OTAN et que cette guerre aurait probablement lieu en « 2021-2022 ».  À ceci s’ajoutent les observations faites par les observateurs de l’OSCE entre le 16 et le 21 février 2022, qui montraient une claire intensification des frappes contre les populations du Donbass. Sans compter le décret du 24 mars 2021 de Zelensky qui déclare la reprise de la Crimée et qui marque le début de la montée en puissance de l’Ukraine sur les pourtours du Donbass. Évidemment, Besson s’est bien gardé de le mentionner dans son article!… et pour cause!

Mais il y a d’autres choses pas honnêtes. Par exemple, j’ai toujours refusé les invitations de médias officiels russes, parce que je voulais éviter que mes analyses puissent être instrumentalisées à des fins de propagande. J’ai expliqué ça aux journalistes russes qui l’ont très bien compris. Les médias mentionnés par Besson (Agoravox, media 4-4-2 et RT) sont des médias qui ont repris (sans me le demander) des interviews faites sur d’autres plateformes et/ou vendues par elles. Omerta est un média qui m’interviewe occasionnellement, dont le directeur (Régis le Sommier) apparaît également sur Europe 1 et d’autres médias mainstream français.

Quant à la présence de soldats nord-coréens en Ukraine, je ne l’ai pas mise en doute. J’ai mis en doute leur intégration dans les forces russes. Et les faits m’ont donné raison.  La conférence à laquelle j’ai participé à Winterthour portait sur la neutralité de la Suisse. Je ne me suis jamais exprimé sur les questions liées au Covid et aux vaccins, comme le suggère Besson. Contrairement à ce qu’il affirme, je n’ai jamais participé à la « formation d’armées locales », j’ai toujours été engagé dans le cadre des Nations Unies et sous leur contrôle.

Conclusion: une fois de plus, Sylvain Besson ne s’est pas montré comme un  journaliste intègre. Une étude de l’Université d’Uppsala (pas une officine comme Conspiracy Watch payée par le gouvernement britannique!) le qualifie de conspirationniste et d’inspirateur d’Anders Breivik, responsable de la tuerie d’Utoya.

Dans tous les cas de figure, penser que l’UE conduit l’Ukraine à sa perte n’est – à ma connaissance – pas un délit!

-Merci beaucoup de vos réponses, Jacques BAUD. Et juste encore pour préciser à nos lecteurs que si vous avez donc eu droit à être fiché conspirationniste par Conspiracy Watch, du seul fait de vous avoir interrogé sur mon blog m’a valu d’être étiquetée telle sur ledit site. C’est dire où on en est!

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