Vous avez sans doute entendu parler de ce qui devient presque sinon carrément une affaire d’Etat.
En France, une adolescente prénommée Mila a diffusé une vidéo dans laquelle elle insulte une religion, en l’occurrence, l’islam.
Plusieurs polémiques se sont développées après les propos de la jeune fille, polémiques qui mettent aux prises des personnalités de haut rang comme nous l’apprend cet article du Figaro.
Cette affaire révèle, certes, l’impact des réseaux sociaux tant les propos de la jeune fille, s’ils avaient été tenus dans un cadre plus restreint lui auraient peut-être valu moins de réactions.
Mais cela reste à prouver car pour peu qu’elle se soit exprimée en présence de fidèles qui y auraient vu de quoi sévir, elle aurait couru autant de risques.
Dans ce sens, cette affaire oblige à réfléchir.
Mais de quel espace de réflexion dispose-t-on, telle est bien la question quand on sait à quel point le contexte est plus que sensible…
Justice
Plus un jour ne passe sans que nous ne soyons rappelés à l’ordre du climat qui se dérègle et des alertes lancées par autant de jeunes en grève ou, de manière plus radicale, en rébellion.
Plus un jour ne passe non plus sans que nous ne soyons rappelés à l’ordre des abus commis envers les jeunes à mieux protéger des pervers auxquels ils sont exposés.
Luttes contres les dérèglements climatiques et contre les dérives sexuelles ponctuent les informations diffusées par autant de nos médias soucieux de nous informer.
Egérie du combat mené en faveur de notre planète, l’adolescente qui irrite autant qu’elle suscite d’enthousiasme, Greta Thunberg pour ne pas la nommer, ne ménage pas sa peine pour nous mettre en garde.
Elle a, avec elle, des personnalités du monde scientifique parmi lesquelles le récent Prix Nobel de chimie, Jacques Dubochet qui a eu diverses occasions de s’exprimer à ses côtés en Suisse.
D’aucuns estiment sa jeunesse quand d’autres la fustigent au prétexte qu’elle serait sujette à manipulations.
Mais comment expliquer que tant de celles et de ceux qui soutiennent le combat mené par l’activiste suédoise soient les mêmes qui estiment qu’une adolescente n’a pas encore la pleine conscience de ses actes en matière sexuelle?
Serait-ce à dire qu’en termes de réchauffement climatique, on puisse être plus au fait qu’en termes de relations humaines?
Aurait-on, adolescent, une meilleure perception de la planète et des enjeux qui l’entourent que du sexe et des plaisirs qu’ils procurent?
Car si l’on songe à l’adolescente que fut l’auteure du livre « Le Consentement », on y lit qu’elle n’a écouté qu’elle seule, en dépit des avertissements de sa mère qui s’est ensuite résignée à inviter le couple que sa fille formait avec son amant quinquagénaire pédophile.
Le résultat a été l’histoire qu’elle raconte dans son livre et l’écho international qu’il rencontre. On réalise, on s’interroge, comment a-t-on pu? La laisser se jeter dans la gueule du loup tandis que l’on estime l’adolescence être un âge où l’on n’a pas encore pleine conscience de ce qui se passe autour de soi?
Dans ce cas, comment vouloir protéger une adolescence et plaider la cause d’une autre?
Greta Thunberg me touche, j’en ai parlé ici à plusieurs reprises. Je n’ai toutefois pas caché le souci que m’inspire son engagement. Car si sa détermination est manifeste, sa fragilité ne l’est pas moins.
Puisse-t-elle ne pas faire les frais d’un volontarisme largement encouragé par des adultes, c’est tout ce qu’on lui souhaite sachant le prix qu’a payé pour le sien l’adolescente que fut Vanessa Springora, elle aussi entourée d’adultes dont on pointe le comportement désormais.
Déclenchée par un livre dont je ne puis que vous recommander la lecture, la mal nommée « affaire Matzneff » ne peut être traitée à la légère.
« Mal nommée », oui.
Car c’est bien plus qu’un homme qui est mis en cause. Ce sont bien davantage que ses écrits qui sont conspués. C’est la sublimation par la création artistique qui est mise à mal.
La littérature sulfureuse n’a pas attendu Gabriel Matzneff pour trouver son public duquel je n’ai jamais été, dois-je le préciser encore.
Pourquoi je ne cesse de revenir à cette actualité? Parce qu’elle révèle comment un livre, en l’occurrence celui de Vanessa Springora est instrumentalisé.
L’auteure elle-même ne cache pas sa surprise face à l’écho largement international remporté par son ouvrage.
Un grand titre de la presse états-uniennes en parle dans ses colonnes, un autre, en Allemagne pour ne citer que ces deux pays.
La pédophilie reconsidérée en pédo-criminalité est un mal avéré. Ses traitements existent mais leurs résultats demeurent aléatoires.
Nombre d’hommes de tous les milieux sociaux-éocnomiques, de toutes les professions souffrent de cette inclination sexuelle. Et parmi eux, de grands artistes dont on continue d’admirer les oeuvres.
A quand leur interdiction? A quand la censure de films de Pasolini? De romans d’André Gide? De toiles du Caravage?
Foin d’hypocrisie et d’inculture, soyons cohérents et liquidons autant de créateurs dont on regarde, lit et contemple toujours les oeuvres!
Oui, ce qui se passe au sein du monde littéraire français me touche, vous l’aurez bien sûr compris au nombre de sujets que j’ai déjà consacrés à ce qui s’appelle de plus en plus « l’affaire Matzneff ».
J’y suis sensible à maints égards.
Dans l’ordre ou le désordre, parce que cet univers parisien lettré, j’ai eu l’occasion de le fréquenter dès 1975 jusque vers les années 1990.
Parce qu’en mai 68, j’ai commencé à écrire, j’avais 14 ans et demi
Parce qu’à cette époque, je me rappelle très bien comment un professeur de l’école où je me trouvais entretenait au vu et au su de tout le monde, une relation avec une des élèves de l’établissement.
Parce qu’à pas même 4 ans, j’ai eu la chance d’être retirée in extremis des mains d’un prédateur, parce que, plus tard, des abuseurs, j’en ai connu et plus d’un seul.
Parce que, des hommes dominés par d’irrépressibles pulsions, j’en ai écouté. Et autant de perceptions du désir et du sentiment amoureux ont inspiré l’ensemble de mes recueils de nouvelles.
Sans prendre parti car pour moi écrire n’équivaut pas à juger.
Ce cadre posé pour dire que oui, j’ai été sensible au récit que nous livre Vanessa Springora dans « Le Consentement » mais tout autant suis-je restée critique.
Non pas qu’au style ou à la construction de son ouvrage mais à l’histoire telle qu’elle nous la rapporte.
Et ce qui m’a frappée avant tout a été ce qu’elle a vécu en famille.
Le manque du père est criant et avoué à de multiples reprises, Tout autant, la souffrance induite par cette absence se lit-elle au fil des pages de l’ouvrage de la désormais directrice des éditions Julliard.
Et tragique concours de circonstances, son père meurt alors qu’elle s’apprêtait à venir parler de son livre dans « La grande Librairie » de François Busnel.
C’est parce que l’émission prévue a dû être annulée que nous avons été prévenus de ce décès.
Il faut lire le livre de Vanessa Springora. Pour mesurer à quel point a fait défaut autour d’elle, l’autorité. Mais demeure la question de savoir si elle l’aurait respectée?
Quand on est amoureuse, amoureux, on ne supporte aucune entrave au désir. Et c’est bien là le début de souffrances qui vont jusqu’au suicide, nul ne l’ignore.
L’auteure du livre l’a tenté, d’ailleurs. Elle raconte comment, de justesse, son amant de l’époque, Gabriel Matzneff l’a retenue de se défenestrer
S’en sont suivies de nouvelles violentes douleurs psychiques et physiques.
Nombre d’entre nous, certainement, savent ce qu’est un chagrin d’amour et jusqu’où il peut mener. Et quand il se superpose à l’effrayant manque de père, il en devient explosif.
Et si l’on s’entendait sur ce qui est conçu comme création culturelle?
Car l’arbitraire agit partout. Et ce qui est estimé relever de l’art l’est souvent par qui a le pouvoir de le décréter et de l’imposer tel.
Et c’est alors que ce qui a pu être porté au pinacle un temps, est descendu en flèche dans un autre temps.
On est là au coeur des liens établis entre art, idéologie et politique. Ce qui doit être montré l’est, le reste, aux oubliettes pour autant que la censure ne s’en mêle.
Quand l’oeuvre rend de l’être humain, ce mélange de grâce et de brutalité, de bonté et de cruauté, de grandeur et de petitesse qui le constitue, oui, cela peut déplaire, déranger, heurter.
Mais qui, de celles et ceux qui se drapent de la vertu qu’accorde, par exemple leur fonction, ne recèle au fond d’elles et d’eux-mêmes, l’une des dimensions de l’être que dévoile l’oeuvre jetée au rebut?
S’en détourner n’est que mieux sauter un obstacle et condamner qui l’a placé sur un chemin qui ne doit mener que là où le panneau de la fausse morale l’indique.
Tous ces jours-ci, les médias ne ménagent pas leur peine pour relater autant d’affaires de pédo-criminalité qui visent divers milieux parmi lesquels ceux du clergé, de la médecine, du cinéma, de la littérature.
Autant de domaines où se déploie l’activité humaine et où dominent, le plus souvent, confiance et estime.
En seraient-ils dénués, tous ces milieux alors que tant de vocations s’y révèlent, tant de réels talents s’y exercent parce que, soudain, on y découvrirait quelques comportements répréhensibles?
Non. Et surtout pas.
Car y ramener les quelques personnes qui les salissent pour d’autant les rejeter, c’est comme le dit si bien l’expression « jeter le bébé avec l’eau du bain ».
Alors, de grâce, ne mélangeons pas tout!
« Je veux comprendre pourquoi je suis devenu comme ça. » Cette remarque émise par un chirurgien pervers parmi les pervers a été relayée par son avocat.
Le problème, bien sûr, reste de savoir si, au-delà des réponses qui seraient fournies à la question qu’il (se) pose, son mal s’en verrait modifié. Or rien ne l’assure.
Car sauf à ce qu’une démarche intellectuelle ne contribue à mettre en place des garde-fous, ce qui n’est jamais garanti, elle ne satisfait le plus souvent qu’elle seule.
Et c’est la plupart du temps ainsi, qu’au détriment de l’ensemble des compétences et des talents qui signent une personnalité, son mal l’emporte.
Quand, dans une quarantaine ou une cinquantaine d’années, à la faveur d’un nouveau mouvement, #youtoo, par exemple, quand à sa suite donc, des êtres s’élèveront et vous pointeront du doigt, vous?
Vous qui avez encouragé la parentalité à n’importe quel prix? Vous qui aurez accepté que des ventres soient payés pour enfanter, vous qui aurez toléré ainsi l’achat d’enfants, comment réagirez-vous?
Quand les générations prochaines mettront vos agissements en cause, que leur expliquerez-vous?
Quand parents 1 et 2 seront à la barre pour tenter de justifier l’amour qu’ils ont voué à leur créature payée au prix fort?
Quand les mères porteuses, par exemple, diront comment elles ont vécu autant d’amour porté à l’enfant qui n’aura jamais été le leur?
Quand vos agissements, cautionnés au nom du « droit À l’enfant » seront reconsidérés? Et qu’ils seront évalués au nom du droit DE l’enfant?
Parce que, pour autant d’enfants achetés, on ne leur aura même pas demandé leur consentement.
On les aura conçus avec des femmes le plus souvent engluées dans la misère et prêtes à tout pour y survivre. On leur aura demandé leur accord pour quelques deniers et, à la clé, un enfant à porter.
Et on se sera réjoui de l’aimer, du reste, pourquoi s’en soucier?
Les années prochaines le diront, si jamais tout abus avait été commis. Et on souhaite vivement que tel ne soit pas le cas. Cependant, rien ne l’assure.
Et le jour viendra peut-être ou une mère, un enfant porté par elle et élevé par des parents 1 et 2 s’empareront de la langue pour dire ou écrire comment ils auront vécu ce commerce.
Quand j’estimais que l’époque portait, à tous les sens du terme… L’époque et le milieu tout autant!
Quand j’évoquais un règlement de compte, justement au sein de ce milieu littéraire et éditorial parisien sinon germano-pratin!
Quand je soulignais combien de victimes de pratiques pédo-criminelles n’avaient que le silence comme réponse à leur maux!
Avant Vanessa Springora dont le livre atteint des records de vente en France, un autre texte jamais édité mais qui portait sur le même mal avait été écrit.
Et ce texte jamais édité a été, lui aussi, soumis à Grasset.
Accepté par une des ses collaboratrices, il a été refusé par son patron et par ses cadres dirigeants de l’époque.
Or il se trouve que l’auteure de l’ouvrage jamais édité ne s’est jamais remise non plus. Qui va s’en soucier? La justice? Vanessa Springora? Grasset désormais ou une autre maison d’édition?
La vie comme elle va, avec ses unes médiatiques, ses unes littéraires et ses tristes silences.
Suite aux riches échanges que mon précédent sujet de blog a générés sur un réseau social bien connu, plusieurs constats s’imposent.
Tout d’abord, le flou qui entoure le terme de culture, flou souvent relevé dans différents sujets de ce blog consacrés à ce terme un peu devenu fourre-tout de ce fait.
Et je ne suis pas la seule à l’avoir relevé. Je vous invite à lire cet article que Wikipedia consacre au terme de culture, vous prendrez la mesure et du flou et des nombreuses acceptions du terme.
Et puis et sans doute en lien avec ce premier constat, celui de l’aura qui entoure « la culture ».
Ensuite, l’identification des personnes qui entretiennent un rapport quelconque à « la culture » avec ce que ce terme véhicule de représentations et de valeurs.
Mais, faut-il le préciser, toutes ne sont pas forcément positives.
Car le comportement d’autant de ce monde de près ou de loin lié à « la culture » apparaît aux yeux qui l’observent, souvent auto-doté d’une sorte d’immunité voire même, d’impunité.
Les récentes affaires qui ont touché le cinéma et la littérature en témoignent.
Or c’est précisément ce qui dérange, gêne, voire choque. Que, soudain, des univers le plus souvent idéalisés, soient entachés par le comportement de tel ou tel réalisateur, de tel ou tel écrivain.
Car s’il est admis d’un écrivain, d’un compositeur, d’un réalisateur, d’un sculpteur etc, qu’il jouit d’un talent créatif indéniable, que par ailleurs sa « culture » est vaste, il n’en demeure pas moins ce qu’il est.
Si j’ai cité Sartre dans ce précédent sujet qui, justement, a suscité autant de réactions intéressantes, c’est parce que lorsqu’il considère que la culture « ne sauve rien ni personne », il ajoute encore, toujours dans Les Mots, que « l’on se défait d’une névrose, on ne guérit pas de soi ».
Aussi et quel que soit le rapport que l’on entretient à « la culture », reste-t-on ce qu’on est. Et « ce qu’on est », varie. Il arrive que « ce qu’on est » ne soit pas forcément reluisant.
C’est précisément ce qui a été porté au grand jour dans certains cas qui ont défrayé l’actualité.
A savoir, comment des personnes entourées de considération ont abusé de leur pouvoir et, par leurs agissements, perverti l’aura qui profite (encore) à ce milieu qu’est celui de « la culture ».
On entend souvent prôner le développement de la « culture » par l’allocation de fonds destinés à la soutenir.
Définit-on le terme de « culture », rien n’est moins sûr.
Mais on sous-entend sans doute qu’il est inutile de rappeler ce que signifie « culture ». Pourtant, chacune et chacun en aura sa version qui ne sera pas celle de toutes et tous.
Quoi qu’il en soit, on pense, en général, que de s’adonner à la lecture, à la peinture, à la sculpture, la danse, la musique et j’en passe, sera toujours préférable que d’errer ou de sombrer nulle part.
Parce que développer un art à quelque niveau que ce soit, est le plus souvent considéré comme une pratique louable, voire noble.
De là vient le prestige, l’aura même qui entoure les personnes qui ont réussi à s’imposer dans un domaine quelconque de la « culture ».
On le sait, pourtant, et Jean-Paul Sartre l’a écrit, « la culture ne sauve rien ni personne ». Je l’avais rappelé ici-même, il y a un peu plus d’un an.
Et non seulement la culture ne « sauve rien ni personne » mais, poursuit le philosophe, « elle ne justifie pas. Mais c’est un produit de l’homme: il s’y projette, s’y reconnaît; seul, ce miroir critique lui offre son image. ».
Cette citation extraite de son livre Les Mots, paru en 1964, résonne d’autant mieux quand on sait comment Jean-Paul Sartre et d’autres personnalités du monde des Lettres entre autre, ont soutenu Gabriel Matzneff.
L’écrivain ne s’est jamais caché de ses pratiques perverses dont il fait étalage avec un narcissisme accompli.
Or dans le même temps, il a été reconnu pour sa « culture » . Et c’est dans ce sens que la conception que Sartre en donne prend tout son sens.
En ceci qu’elle renvoie une image qui n’a gêné aucune et aucun de celles et ceux qui ont apprécié l’écrivain désormais mis au ban de la société.
Qu’en est-il, aujourd’hui, de ce « miroir » que serait la « culture »?
Serait-il celui qui avait renvoyé des images qui, en leur temps pas si lointain, avait défrayé la chronique et desquelles on ne parle plus trop?
Images qui montraient comment la fête de la musique était célébrée à l’Elysée?
On entendait des mots peu flatteurs pour les femmes. Qu’en a-t-on dit? qu’ils relevaient de l’art?