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« Nous marchons vers la guerre comme des somnambules », la tribune d’Henri Guaino

Hier, dans mon sujet de blog évoquant les voix, en France, qui s’élèvent contre la montée en puissance du bellicisme de la part de l’Europe, j’ai mentionné la tribune d’Henri Guaino, parue le 13 mai dernier dans Le Figaro.

L’article étant réservé aux abonnés, je vous transmets ci-après le texte reçu par courriel de la part du site Notre France. Il a suscité la polémique, comme il se doit, à vous d’en juger:

Henri Guaino : «Nous marchons vers la guerre comme des somnambules»
Tribune d’Henri Guaino parue dans Le Figaro du 13 mai 2022

Nous marchons vers la guerre comme des somnambules.

J’emprunte cette image au titre du livre de l’historien australien Christopher Clark sur les causes de la Première Guerre mondiale: Les Somnambules, été 1914: comment l’Europe a marché vers la guerre.

«Le déclenchement de la guerre de 14-18, écrit-il, n’est pas un roman d’Agatha Christie (…) Il n’y a pas d’arme du crime dans cette histoire, ou plutôt il y a en a une pour chaque personnage principal. Vu sous cet angle, le déclenchement de la guerre n’a pas été un crime, mais une tragédie.» En 1914, aucun dirigeant européen n’était dément, aucun ne voulait une guerre mondiale qui ferait vingt millions de morts mais, tous ensemble, ils l’ont déclenchée. Et au moment du traité de Versailles aucun ne voulait une autre guerre mondiale qui ferait soixante millions de morts mais, tous ensemble, ils ont quand même armé la machine infernale qui allait y conduire.

Dès le 7 septembre 1914, après seulement un mois de guerre, le chef du grand état-major allemand qui avait tant plaidé pour que l’Allemagne attaquât avant d’être attaquée écrivait à sa femme: «Quels torrents de sang ont coulé (…) j’ai l’impression que je suis responsable de toutes ces horreurs et pourtant je ne pouvais agir autrement.»

«Je ne pouvais agir autrement»: tout était dit sur l’engrenage qui mène à la guerre. Engrenage qui est d’abord celui par lequel chaque peuple se met à prêter à l’autre ses propres arrière-pensées, ses desseins inavoués, les sentiments que lui-même éprouve à son égard. C’est bien ce que fait aujourd’hui l’Occident vis-à-vis de la Russie et c’est bien ce que fait la Russie vis-à-vis de l’Occident. L’Occident s’est convaincu que si la Russie gagnait en Ukraine, elle n’aurait plus de limite dans sa volonté de domination. À l’inverse, la Russie s’est convaincue que si l’Occident faisait basculer l’Ukraine dans son camp, ce serait lui qui ne contiendrait plus son ambition hégémonique.

En étendant l’Otan à tous les anciens pays de l’Est jusqu’aux pays Baltes, en transformant l’Alliance atlantique en alliance anti-Russe, en repoussant les frontières de l’Union européenne jusqu’à celles de la Russie, les États-Unis et l’Union européenne ont réveillé chez les Russes le sentiment d’encerclement qui a été à l’origine de tant de guerres européennes. Le soutien occidental à la révolution de Maïdan, en 2014, contre un gouvernement ukrainien prorusse a été la preuve pour les Russes que leurs craintes étaient fondées. L’annexion de la Crimée par la Russie et son soutien aux séparatistes du Donbass ont à leur tour donné à l’Occident le sentiment que la menace russe était réelle et qu’il fallait armer l’Ukraine, ce qui persuada la Russie un peu plus que l’Occident la menaçait. L’accord de partenariat stratégique conclu entre les États-Unis et l’Ukraine le 10 novembre 2021, scellant une alliance des deux pays dirigée explicitement contre la Russie et promettant l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan, a achevé de convaincre la Russie qu’elle devait attaquer avant que l’adversaire supposé soit en mesure de le faire. C’est l’engrenage de 1914 dans toute son effrayante pureté.

Comme toujours, c’est dans les mentalités, l’imaginaire et la psychologie des peuples, qu’il faut en chercher l’origine. Comment la Pologne, quatre fois démembrée, quatre fois partagée en trois siècles, comment la Lituanie annexée deux siècles durant à la Russie, la Finlande amputée en 1939, comment tous les pays qui ont vécu un demi-siècle sous le joug soviétique ne seraient-ils pas angoissés à la première menace qui pointe à l’Est? Et de son côté, comment la Russie, qui a dû si souvent se battre pour contenir la poussée de l’Occident vers l’Est et qui est déchirée depuis des siècles entre sa fascination et sa répulsion pour la civilisation occidentale, pourrait-elle ne pas éprouver une angoisse existentielle face à une Ukraine en train de devenir la tête de pont de l’occidentalisation du monde russe? «Ce ne sont pas les différences, mais leur perte qui entraîne la rivalité démente, la lutte à outrance entre les hommes» dit René Girard. Menacer ce par quoi le Russe veut rester russe, n’est-ce pas prendre le risque de cette «rivalité démente»?

L’Occident voit trop la nostalgie de l’URSS et pas assez, le slavophilisme, c’est-à-dire la Russie éternelle telle qu’elle se pense avec ses mythes. Alexandre Koyré a consacré un livre profond (1), à ce courant dont sont nées la grande littérature et la conscience nationale russes au début du XIXe siècle quand «le nationalisme instinctif aidant, un nationalisme conscient avait fini par voir entre la Russie et l’Occident une opposition d’essence». Le slavophilisme, ce sentiment de supériorité spirituelle et morale face à l’Occident, est dans le cri du cœur de Soljenitsyne devant les étudiants de Harvard en 1978: «Non, je ne prendrais pas votre société comme modèle pour la transformation de la mienne.» Cette Russie-là ne voit peut-être pas la guerre en Ukraine comme une guerre d’invasion mais comme une guerre de sécession. Sécession du berceau du monde russe, de la terre où s’est joué tant de fois le sort de la Russie, où elle a repoussé les Polonais et les armées de Hitler. Sécession politique, culturelle et même spirituelle depuis qu’en 2018 l’Église orthodoxe ukrainienne s’est affranchie de la tutelle du patriarcat de Moscou. Et les guerres de sécession sont les pires.

Une chose en tout cas est certaine: cette guerre est, à travers l’Ukraine martyrisée, une guerre entre l’Occident et la Russie qui peut déboucher sur un affrontement direct par une escalade incontrôlée. La guerre, c’est, depuis toujours, la libération de tout ce qu’il y a dans la nature humaine de sauvagerie et d’instinct meurtrier, une montée aux extrêmes qui finit toujours par emporter malgré eux les combattants comme les dirigeants. Ni Churchill, ni Roosevelt, n’avaient pensé qu’un jour ils ordonneraient de bombarder massivement les villes allemandes pour casser le moral de la population, ni Truman qu’il finirait en 1945 par recourir à la bombe atomique pour casser la résistance japonaise. Kennedy en envoyant quelques centaines de conseillers militaires au Vietnam en 1961 ne pensait pas que huit ans plus tard l’Amérique y engagerait plus d’un demi-million d’hommes, y effectuerait des bombardements massifs au napalm, et serait responsable du massacre de villages entiers.

Si la guerre froide n’a pas débouché sur la troisième guerre mondiale, c’est d’abord parce qu’aucun de ses protagonistes n’a jamais cherché à acculer l’autre. Dans les crises les plus graves, chacun a toujours fait en sorte que l’autre ait une porte de sortie. Aujourd’hui, au contraire, les États-Unis, et leurs alliés, veulent acculer la Russie.

Quand on agite devant elle la perspective de l’adhésion à l’Otan de la Finlande, de la Suède, de la Moldavie et de la Géorgie en plus de celle de l’Ukraine, quand le secrétaire américain à la Défense déclare que les États-Unis «souhaitent voir la Russie affaiblie au point qu’elle ne puisse plus faire le genre de choses qu’elle a faites en envahissant l’Ukraine», quand le président des États-Unis se laisse aller à traiter le président russe de boucher, à déclarer que «pour l’amour de Dieu, cet homme ne peut pas rester au pouvoir» et demande au Congrès 20 milliards de dollars en plus des 3 milliards et demi déjà dépensés par les États-Unis pour fournir en masse des chars, des avions, des missiles, des canons, des drones aux Ukrainiens, on comprend que la stratégie qui vise à acculer la Russie n’a plus de limite.

Mais elle sous-estime la résilience du peuple russe, comme les Russes ont sous estimé la résilience des Ukrainiens. Acculer la Russie, c’est la pousser à surenchérir dans la violence. Jusqu’où? La guerre totale, chimique, nucléaire? Jusqu’à provoquer une nouvelle guerre froide entre l’Occident et tous ceux qui, dans le monde, se souvenant du Kosovo, de l’Irak, de l’Afghanistan, de la Libye, pensent que si la Russie est acculée, ils le seront aussi parce qu’il n’y aura plus de limite à la tentation hégémonique des États-Unis: l’Inde qui ne condamne pas la Russie et qui pense au Cachemire, la Chine qui dénonce violemment «les politiques coercitives» de l’Occident parce qu’elle sait que si la Russie s’effondre elle se retrouvera en première ligne, le Brésil qui, par la voix de Lula, dit «une guerre n’a jamais un seul responsable», et tous les autres en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique qui refusent de sanctionner la Russie. Tout faire pour acculer la Russie, ce n’est pas sauver l’ordre mondial, c’est le dynamiter. Quand la Russie aura été chassée de toutes les instances internationales et que celles-ci se seront désintégrées comme la SDN au début des années 1930, que restera-t-il de l’ordre mondial?

Trouver un coupable nous conforte dans le bien-fondé de notre attitude, et dans le cas présent, nous en avons un tout désigné, un autocrate impitoyable, incarnation du mal. Mais le bien contre le mal, c’est l’esprit de croisade: «Tuez-les tous et Dieu reconnaîtra les siens.» Au lieu de faire entendre sa voix pour éviter cette folie et arrêter les massacres, l’Union européenne emboîte le pas des États-Unis dans l’escalade de leur guerre par procuration. Mais que feront les Européens et les États-Unis au pied du mur de la guerre totale? Avec les obus nucléaires et les armes nucléaires tactiques de faible puissance, la marche n’est plus si haute. Et après? Après, tout peut arriver: l’engrenage tragique de la violence mimétique que personne n’aurait voulu mais auquel tout le monde aurait contribué et qui pourrait détruire l’Europe et peut-être l’humanité ou la capitulation munichoise des puissances occidentales qui ne voudront peut-être pas risquer le pire pour l’Ukraine, ni même peut-être pour les pays Baltes ou la Pologne. Souvenons-nous de l’avertissement du général de Gaulle en 1966 lors de la sortie du commandement intégré de l’Otan: «La Russie soviétique s’est dotée d’un armement nucléaire capable de frapper directement les États-Unis, ce qui a naturellement rendu pour le moins indéterminées les décisions des Américains, quant à l’emploi éventuel de leur bombe.»

Où est la voix de la France, de ce «vieux pays, d’un vieux continent qui a connu les guerres, l’occupation, la barbarie», qui le 14 février 2003 à l’ONU disait non à la guerre en Irak, qui en 2008 sauvait la Géorgie et s’opposait à l’adhésion de celle-ci et de l’Ukraine à l’Otan et qui plaiderait aujourd’hui pour la neutralisation d’une Ukraine qui n’aurait vocation à n’entrer ni dans l’Otan, ni dans l’Union européenne, en écho à l’avertissement lancé en 2014 par Henry Kissinger: «Si l’Ukraine doit survivre et prospérer, elle ne doit pas être l’avant-poste de l’une des parties contre l’autre. Elle doit être un pont entre elles. L’Occident doit comprendre que pour la Russie l’Ukraine ne pourra jamais être un simple pays étranger.» C’est par sa neutralisation que la Finlande a pu demeurer libre et souveraine entre les deux blocs pendant la guerre froide. C’est par sa neutralisation que l’Autriche est redevenue en 1955 un pays libre et souverain.

Faire aujourd’hui des concessions à la Russie, c’est se plier à la loi du plus fort. N’en faire aucune, c’est se plier à la loi du plus fou. Tragique dilemme. Un dilemme comme celui-ci, vécu dans la Résistance par le poète René Char (2):

«J’ai assisté, distant de quelque cent mètres, à l’exécution de B. Je n’avais qu’à presser la détente du fusil-mitrailleur et il pouvait être sauvé! Nous étions sur les hauteurs de Céreste (…) au moins égaux en nombre aux SS. Eux ignorant que nous étions là. Aux yeux qui imploraient partout autour de moi le signal d’ouvrir le feu, j’ai répondu non de la tête (…) Je n’ai pas donné le signal parce que ce village devait être épargné à tout prix. Qu’est-ce qu’un village? Un village pareil à un autre?» Et nous, que répondrons-nous aux regards qui nous imploreront d’arrêter le malheur quand nous l’aurons fabriqué?

Nous marchons vers la guerre comme des somnambules.

Henri Guaino

 

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Croisade des uns pour détestation des autres, des voix s’élèvent, en France, les écoutera-t-on?

De nombreuses voix, en France au moins, s’élèvent pour dire le malaise et le terme est faible par rapport à une situation mortifère. Je veux, bien sûr, parler de la guerre en Ukraine et de la manière dont il nous en est rendu compte dans nos médias.

Diffuser une information équivaut, pour nombre d’entre eux, à livrer un parti pris.

De la part de groupes privés, cela se légitime, de la part d’institutions publiques, non. Car pour la divergence d’opinion dont elles devraient se faire l’écho, on reste souvent perplexe tant les points de vue émis se rejoignent.

Mais on le sait, nos démocraties privilégieraient la liberté de pensée, la liberté d’expression, rien à voir avec la propagande que distilleraient ces « régimes » politiques taxés de « dictatures ».

Nous disposerions donc de l’insigne privilège de pouvoir partager autant de visions du monde ailleurs interdites. La fierté de le ressasser à plus soif est telle qu’elle jette sans état d’âme aux orties qui se risquerait à le nuancer sans même le contester.

Dans ce qui ressemble à un cri du coeur, Caroline Galactéros énonce ce qu’il en est de pareille attitude occidentale. Dans une tribune au large retentissement, Henri Guaino a fait part de véritables préoccupations.

Au moins deux anciens ministres des Affaires étrangères, Hubert Védrine et Dominique de Villepin se sont exprimés, qui les entendra? Qui prêtera attention à ce qu’énoncent autant de personnalités d’envergure?

Se carrer dans le déni d’une Ukraine qui ne compterait pas de bataillon d’obédience plus que douteuse, qui n’aurait pas, huit ans durant, tiré sur son propre peuple, qui n’aurait aucun oligarque installé ici ou là, loin du quotidien qui brise autant de vies des leurs?

Rappeler ces réalités, c’est résister à l’insensée croisade d’un Occident déchaîné par la détestation qu’il voue à un pays. Car non, ce n’est pas à son seul Président qu’il s’en prend. C’est aux 145 millions de citoyens que compte la Fédération de Russie.

Sauf à la renier, tel ce diplomate en poste à Genève dans le cadre de la Mission russe à l’ONU et désormais sous bonne garde policière. Ses compatriotes, eux et sans distinction, sont accusés de crimes de guerre comme on le constate à Davos.

Car il va de soi que seule la Russie est criminelle. Les huit ans d’ignominies commises par les Présidents Poroshenko et Zelenski dans le Donbass n’étant que des cadeaux pour les braves, sans doute.

Quant aux autorités de Davos, des Grisons et de mon pays, leur sens de tolérance parle pour elles.

Politique

Cette Russie qui fait tant parler d’elle…

capture d’écran de: https://www.valeursactuelles.com/politique/en-direct-fanny-ardant-denonce-la-russophobie-et-la-pensee-unique-59921
Si Fanny Ardant avait, en son temps, pris parti pour le groupe punk Pussy Riot, la voici qui résiste aux journalistes qui l’interviewent sur ARTE, la chaîne dont BHL est le grand protecteur*.
Tandis qu’on cherche à la faire entrer dans un jeu qu’elle rejette alors qu’il est question, au hasard, de la Russie, on ne peut manquer de rappeler comment Henri Guaino, lui aussi, avait été pris dans ce même prisme réducteur:
http://voix.blog.tdg.ch/archive/2016/12/16/de-la-poutinomania-a-la-chasse-aux-sorcieres.html
C’est tout de même extraordinaire d’observer cette obsession à vouloir nous faire comprendre ce qu’est la Russie, de Poutine ou de quiconque!
Heureusement qu’on est dans des pays démocratiques où la liberté d’expression est si respectée qu’on ne cesse de vouloir l’orienter sans pression aucune, bien sûr.
* http://voix.blog.tdg.ch/archive/2017/01/04/quand-arte-met-au-point.html

Politique, société

La France pour qui?

Monsieur le Président, changez, changez de politique, tout s’effondre, changez de comportement, changez d’attitude ou bien partez avant qu’il ne soit trop tard.
Henri Guaino exhorte, Henri Guaino accuse.
Dans un discours ce dimanche après-midi, il a appelé les Français à descendre dans la rue jusqu’à ce que le président cède. 
Au journaliste de BFMTV qui lui demande s’il s’agit là d’une menace, l’ancien conseiller spécial de Nicolas Sarkozy répond que non, qu’il est question d’un diagnostic.
Le problème pour lui c’est pas le président socialiste, n’est pas le président incompétent,c’est pas qu’on a un président qui est pas courageux, c’est juste qu’on n’a pas de président du tout.
Quoiqu’on pense d’Henri Guaino, il n’en demeure pas moins vrai que le malaise en France est patent.
La cote du Président normal est en chute libre et le fait n’échappe pas à la presse internationale.
Certains, en France, admirent peut-être la ténacité de François Hollande face aux opposants à la loi sur le mariage pour tous.
Mais d’autres mesurent aussi le risque de voir leur pays livré aux groupuscules qui n’ont de but que de radicaliser une situation déjà passablement tendue.
http://www.bfmtv.com/video/bfmtv/bfmtv-2012/bfm-politique-l-interview-d-henri-guaino-jean-francois-achilli-21-04-122296/#comments