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Un point de vue sur le Donbass, entretien

J’ai connu Michel Noiset dans ma jeunesse, celle où j’étais étudiante de russe. 

Par ses origines familiales, par sa double formation d’ingénieur et d’historien, le regard que porte Michel sur les événements qui déchirent Ukraine et Russie et plus largement, Occident et Russie est aussi précieux qu’inédit. 

–  Michel, parle-nous de toi, de ton ascendance et de la manière dont elle résonne en ces temps qui mettent aux prises deux pays voisins dont on n’ose presque plus rappeler qu’ils étaient frères.

Michel Noiset :  – Je suis né en 1946, d’un père belge-wallon et d’une mère russe. Je me suis installé et marié à Genève en 1968. Ma mère, Sacha (Alexandra) Perevichkova, est née en 1922, à Stalino, aujourd’hui appelé Donetsk, dans le Donbass. Lors de l’offensive allemande du printemps 1942 en direction de Stalingrad et du Caucase, elle a été déportée en Allemagne, en Rhénanie plus précisément, où, par chance, elle a survécu comme préceptrice des enfants d’une famille de petits nobles. Libérée par les troupes américaines en 1945, elle a décidé de suivre son amour de belge en Belgique, où elle s’est mariée juste après la fin de la guerre.

Mon enfance a été bercée par les nombreux témoignages de ma mère sur sa jeunesse et sur son adolescence dans le Donbass, avec de vivantes descriptions sur la géographie de ce pays, ses vastes plaines, ses larges fleuves, ses hivers rigoureux. Comme la grande majorité de ses habitants, elle était profondément russe, parlant russe, admiratrice de Pouchkine et des grands écrivains russes du XIXe siècle. Elle était très cultivée, elle n’avait guère souffert du régime communiste, au contraire elle avait bénéficié de l’égalité homme/femme que ce régime avait instaurée. Avant sa déportation, elle était enseignante dans une école secondaire, on lui avait appris le maniement des armes et elle adorait traverser à la nage des fleuves comme le Dniepr ou le Don. Mais la politique ne l’intéressait pas; je ne l’ai jamais entendue défendre ou dénigrer tel ou tel régime politique.

Elle était fondamentalement russe, aimant son pays et sa culture tout en étant ouverte aux cultures occidentales, française et allemande principalement. Elle parlait d’ailleurs couramment le français et l’allemand, en plus du russe.

Comment résonne aujourd’hui chez moi cet âpre conflit qui oppose Ukraine et Russie ? Honnêtement, je me sens écartelé, entre d’un côté ma conviction, née des témoignages de ma mère, que le Donbass est bien, très majoritairement, de langue et de culture russe et de l’autre côté mon aversion à toute dictature, à toute volonté de résoudre des conflits par la violence. Je ne peux que respecter le choix du gouvernement ukrainien, en 2014, de se rapprocher du monde occidental mais je trouve regrettable que ce même gouvernement n’ait pas déclaré que la partie orientale de l’Ukraine, le Donbass, méritait un traitement spécial, un statut d’autonomie tout au moins, si non la mise en place d’un référendum sur le rattachement (ou non) de ces terres à la Russie. Ce fut juste le contraire et le monde occidental, Etats-Unis en tête, ne fit rien pour aider, hormis peut-être la participation de la France et de l’Allemagne aux accords de Minsk.

–  Oui, sauf que de l’aveu même de leurs dirigeants de l’époque, François Hollande et Angela Merkel, ces accords n’ont eu de raison que de permettre à l’Ukraine de gagner du temps et de s’armer… En d’autres termes, de berner les populations concernées. À cet égard et de façon plus générale, as-tu le sentiment d’être informé de manière objective sur ce conflit qui ensanglante l’Europe depuis bientôt dix ans et non deux comme nos médias s’ingénient à nous le présenter ? 

Michel Noiset :  – Tu fais bien de préciser que le conflit entre l’Ukraine et la Russie date de près de dix ans, depuis la révolution de Maïdan et la destitution du président ukrainien Ianoukovitch en février 2014. L’Est de l’Ukraine a rejeté très majoritairement les nouvelles institutions créées par Kiev et il s’est indigné de l’abrogation de la loi sur les langues officielles régionales, loi qui impliquait l’annulation du statut de langue officielle à la langue russe. C’est alors que les oblasts (ou provinces) de Donetsk et de Louhansk ont proclamé leur indépendance. France et Allemagne ont bien essayé d’aider Ukraine et Russie à négocier et à trouver un terrain d’entente : d’où le premier protocole de Minsk en septembre 2014 et les accords de Minsk 2 en février 2015. Certains points de ces accords exigeaient que les territoires de l’est de l’Ukraine gagneraient en autonomie ; mais cela ne fut pas fait.

Les presses française et suisse de l’époque ont, je crois, informé de manière assez objective leurs lecteurs de la complexité des relations entre l’Ukraine de Kiev, le Donbass et la Russie Et ils ont donné la parole à des personnalités politiques qui ne défendaient aucun camp, sauf celui de la paix. Ajoutons que l’Allemagne, en 2014, continuait à acheter du gaz russe bon marché, énergie essentielle au développement de son industrie, qu’elle avait construit avec la Russie le gazoduc Nord Stream 1 (en fonction à partir de 2011) et qu’elle planifiait avec la même Russie la construction de Nord Stream 2, ceci au grand dam des Etats-Unis, de la Pologne et de l’Ukraine. Les relations entre l’Allemagne de Schröder et la Russie de Poutine étaient au beau fixe !

Progressivement, les media mainstream occidentaux ont développé un discours anti-Poutine et anti-russe, discours qui s’est renforcé depuis l’invasion de l’Ukraine en février 2022. Cette invasion est inexcusable mais il est regrettable que la Russie soit considérée aujourd’hui en Occident comme la seule responsable du conflit. Heureusement qu’Internet nous donne la possibilité de nous connecter à de petites chaines indépendantes, qui tentent de nous donner des vues moins manichéennes, plus équilibrées sur le conflit Ukraine-Russie. 

–  Penses-tu irréductible la fracture entre Ukraine et Russie, sinon Occident et Russie ?

– Depuis Pierre le Grand au XVIIe siècle, la Russie a connu des périodes de rapprochement politique et économique avec l’Europe occidentale suivies de périodes de refroidissement des relations, sans mentionner les conflits guerriers avec la France napoléonienne, avec la France et l’Angleterre lors de la guerre de Crimée, avec la Pologne lors de la guerre russo-polonaise de 1919 – 1921 et avec les Reich allemands lors des deux guerres mondiales.

Au XIXe siècle, les échanges culturels entre la Russie et le monde occidental se sont approfondis. Le monde francophone surtout a découvert la beauté et l’intensité des écrits des écrivains russes ainsi que celles des œuvres musicales de leurs nombreux compositeurs. Puis, au début du XXe siècle, s’ajoute l’admiration occidentale pour les Ballets russes et pour des peintres iconiques tels que Kandinsky ou Chagall.  

Même durant la guerre froide, entre les années 1946 et 1975, près d’un tiers des Français et des Italiens ont régulièrement voté pour le parti communiste local, parti qui portait l’espoir d’une société plus juste, plus égalitaire, plus sociale.

Ce que je rappelle, ce sont les liens culturels et économiques profonds qui se sont tissés entre la Russie et l’Europe occidentale depuis quelques siècles, avec bien sûr des hauts et des bas. Ce qui m’amène à penser que la fracture actuelle entre Russie et Occident, du moins l’Europe occidentale, ne peut être que temporaire.

Un rapprochement entre Russie et Europe occidentale ne pourra se faire qu’au détriment de la politique actuelle du gouvernement ukrainien. Il faudra bien que l’Ukraine de Kiev reconnaisse aux territoires russophones de l’Est au moins un statut de pleine autonomie au plus un rattachement à la Russie, comme c’est déjà le cas pour la Crimée. Mais seule une Union Européenne forte, beaucoup moins dépendante des Etats-Unis, sera à même d’entamer une réconciliation avec son voisin russe.

–  Merci beaucoup, Michel, d’avoir bien voulu répondre à mes questions. 

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« Tout le soutien qu’elle a besoin »

Dans son discours, lu (!), lors de la conférence de presse qu’il a donnée avec son homologue polonais à Varsovie, on retrouve le souci du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères à soigner son expression.

En témoigne ce qui est dit à la minute 6,54 de la vidéo indiquée ici en lien.

J’insiste, oui, car j’espérais des nombreuses réactions à ses fautes de français, relevées d’ailleurs dans un média, qu’elles l’inciteraient à faire relire et corriger ses discours.

Rien de cela, le représentant de la diplomatie française tient à afficher ses lacunes et à déshonorer sa fonction sinon bien plus encore.

Monsieur Séjourné n’est pas n’importe qui auquel on peut sans problème pardonner un usage déficient de sa langue maternelle. Monsieur Séjourné est le chef de la diplomatie française.

Laquelle serait la question à poser depuis la réforme du corps diplomatique décrétée le 16 avril 2022.

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Question sur un déclin

Depuis pas mal de temps déjà, on lit ou on entend parler du déclin sinon de la décadence de l’Occident. Le déclarer est une chose, le constater, une autre.

Pour ce qui me concerne, j’ai plutôt préféré éviter de tomber dans cette vision peu réjouissante de la partie du monde à laquelle j’appartiens par mes racines, par mon éducation, ma formation et mes valeurs.

Or quand on considère qu’un homme qui ne maîtrise pas sa langue maternelle est nommé à un poste qui incarne l’image de son pays, force est de devoir se résoudre, non seulement à la déclaration de déclin mais à son constat.

Certes, l’Occident ne se résume pas à la France. Ni la France à ce nouveau ministre de l’Europe et des Affaires étrangères. Il n’en demeure pas moins en place. Et que ses bévues ne soient pas passées inaperçues laisse envisager différentes suites.

De quel ordre reste la question.

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« C’est pas moi qui décidera »

Le nouveau ministre de l’Europe et des Affaires étrangères parle un français, comment dire, singulier? Un exemple en a été donné dans le précédent sujet de ce blog, en voici un autre.

« C’est pas moi qui décidera », décrète ici Monsieur Séjourné.

Certes, il n’a pas été nommé ministre de la culture. La rue de Valois a hérité de Rachida Dati. Il n’en demeure pas moins chef de la diplomatie française.

Alors, bien sûr que les actes comptent plus que les paroles.

Doit-on pour autant négliger l’inaptitude manifeste d’un haut responsable à manier la langue du pays dont il défend les intérêts?

On n’est pas dans l’image, là, on est dans la réalité de la France au pouvoir.

 

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La France en marche

Le tout fraîchement nommé chef de la diplomatie française, en visite à Kiev, s’est exprimé sur les raisons de sa présence dans cette capitale.

Parmi elles, « voir ce qu’ont besoin aujourd’hui les Ukrainiens ».

Toute démarche envers un peuple en souffrance honore qui l’entreprend. Ne la discutons pas ici!

En revanche, espérer d’un haut représentant de la France qu’il maîtrise l’usage de sa langue, serait-ce trop demander?

Non, Monsieur le Ministre, on ne dit pas « voir ce qu’ont besoin aujourd’hui les Ukrainiens ».

Au regard d’autres dérives, une faute de français est si peu de chose…

Et ce d’autant que ses deux cents ans de reconnaissance comme langue de la diplomatie occidentale ont vécu! Dans ce cas, vogue la galère et vive la France!

 

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De son passé prestigieux à son avenir hasardeux, la diplomatie française à l’œuvre

Au Quai d’Orsay, la France vient de se pourvoir d’un ministre qui, de son propre aveu, n’est pas diplomate de formation.

Est donc titulaire d’un pouvoir un homme qui ne maîtrise pas le domaine où il exerce.

Conférer une autorité à un être dépourvu des compétences requises pour qu’il l’établisse, comme illustration du fameux principe de Peter, on ne peut mieux.

Le français aura été la langue de la diplomatie occidentale deux cents ans durant. Reste à la France le souvenir d’un passé prestigieux et l’invention d’un avenir hasardeux.

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2024

Au seuil de cette nouvelle année, comme le veut la tradition, nous partageons de bons voeux!

En ces temps brouillés, accompagnés de propos qui chargent ou déchargent selon la tendance à suivre quand elle n’est pas imposée, il est souvent difficile de se situer.

Prôner l’objectivité, viser la paix restent des voeux pieux.

Les émettre contribuerait-il à ce qu’elles adviennent, sans doute pas. Mais ne pas les émettre contribue assurément à cautionner de mortels venins.

Dans ce cas, osons l’espoir, pour l’année qui s’ouvre!

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En ce 25 décembre

En ce 25 décembre, je partage avec plaisir ce que je considère comme un cadeau.

En effet, à l’heure où il est si difficile d’exposer un autre point de vue sur la Russie que celui qui doit dominer à tout prix et à n’importe quelle condition, je reçois tel un présent, la publication de mon courrier dans l’édition papier de la Tribune de Genève de ces 23-24-25 décembre.

Le titre est de la rédaction, tout comme la mention d’ « écrivaine » apposée à mon nom.

Que la paix revienne entre la Russie et l’Ukraine? Un voeu qui paraît de plus en plus pieux mais ne pas l’énoncer serait succomber au fatalisme en ce jour de Noël, même désormais célébré selon le calendrier occidental, par celles et ceux qui rejettent tout de la Russie.

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Moscou, début décembre 2023

Je reviens d’un très bref séjour à Moscou où je suis allée découvrir mon dernier livre traduit en russe par Alla Beliak et publié, comme les cinq précédents, en édition bilingue russe-français. Par un concours de circonstances inattendu, cet ouvrage, inspiré par le grand compositeur Sergueï Rachmaninov, paraît l’année où est célébré le 150e anniversaire de sa naissance.

J’ai eu l’occasion de discuter avec diverses personnes de ce qu’elles ressentaient, de ce qu’elles vivaient. Rien de fanatique, dans ce que j’ai entendu, juste des réalités rappelées et en général négligées par nos élites médiatiques. Par exemple, le nombre de familles déchirées, quand des membres des unes prennent les armes pour un camp et les autres pour le camp adverse.

Celles et ceux qui suivent ce blog savent combien de fois j’ai évoqué la guerre fratricide menée dans le Donbass depuis 2014. Des centaines et des centaines de sujets y ont été consacrés. Et mon très bref séjour moscovite m’a une fois encore confirmé que des peuples que rien ne devait à ce point soulever les uns contre les autres, sont désormais ennemis.

La faute aux Russes, bien sûr. Et ça suffit, plus besoin de s’interroger,  Stepan Bandera peut avoir sa grande avenue à Kiev, les livres d’Histoire le consacrent, tout va bien, son passé nazi serait une fable. Pourquoi se casser la tête et chercher à comprendre? La russophobie dominait l’espace médiatique depuis une dizaine d’années et c’est peu dire, elle l’envahit maintenant.

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Instants de lecture, espaces de paix

À l’heure où il est assez courant de déplorer que « les gens ne lisent plus », difficile de ne pas apprécier cette image saisie par le photographe Paul Godefroy lors de la présentation de FILIGRANES chez BE Design, 12-14, rue Etienne-Dumont dans la Vieille Ville de Genève.

Avec Sylvie Bleeckx, Florence Lamb, Christelle Villégier, Olivier Junod et Andrés Moya, Paul Godefroy a accompagné de son talent, cet ouvrage dont il a été question dans le précédent sujet de ce blog. Chaque artiste a contribué selon sa sensibilité et sa perception des textes, à agrémenter le livre dont la conception revient à Olivier Junod.

Olivier est le descendant de la famille JULLIEN dont la librairie porte le nom. Véritable institution, elle a été fondée en 1839 par Jean-Alexandre Jullien et son épouse Jeanne-Elisabeth, née Favre. La plus ancienne de Genève sinon de Suisse, elle est incontournable par les trésors qu’elle recèle.

Alors, ne manquez surtout pas de l’honorer de votre visite comme s’y est employé ce journaliste de passage à Genève et venu de loin, Raj Aditya-Chaudhuri, qui a fixé ce bel instant où Olivier Junod et moi recevions les premiers exemplaires de FILIGRANES. Et bien sûr, si le coeur vous en dit, ne manquez pas de vous le procurer chez JULLIEN, Place du Bourg-de-Four à Genève!