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A propos de complotisme, suite des entretiens avec Jacques BAUD

-Jacques BAUD, dans nos trois précédents entretiens, il a été brièvement question de complotisme et de conspirationnisme. Or ces termes sont devenus un outil pour lutter contre la liberté d’expression. Comment définiriez-vous le complotisme?

Jacques BAUD: -En fait, le « complotisme » est devenu un anathème que l’on utilise sans en comprendre le sens, au contenu flou, qui permet simplement de rejeter les informations qui déplaisent. C’est devenu une manière de « blasphémer » contre un discours officiel. Or, c’est un concept bien défini, que j’essaie d’ailleurs d’expliquer dans mon ouvrage.

Les principaux critères, qui permettent de déterminer le caractère « complotiste » d’une théorie reposent sur une action coordonnée:
– En fonction d’une stratégie ou d’un calcul machiavélique en vue d’un objectif défini, qui peut être répréhensible;
– Par une institution, une élite, un petit groupe ou une minorité ;
– De manière furtive ou clandestine.

Tout comme le terrorisme, le complotisme (ou conspirationnisme) n’est pas une doctrine, c’est une méthode. Elle est basée sur l’affirmation que des événements sont le résultat de complots ou, plus largement, qu’ils sont le résultat d’une démarche volontaire ou l’expression d’une logique. Elle aboutit à attribuer une cause unique à des faits avérés.

Le complotisme peut comprendre des « fake news » ou « fausses informations », mais d’une manière générale, il s’en distingue en ce qu’il utilise souvent des informations qui sont vraies : c’est alors le lien établi entre elles qui est souvent faux.

Par exemple, on affirme volontiers qu’une des causes principales du mécontentement en Belarus est « la gestion désastreuse de la pandémie par un président ouvertement corona-sceptique ». Que le président soit « corona-sceptique » semble assez évident, mais qu’il ait géré l’épidémie de manière désastreuse est un mensonge. En effet, un simple examen des chiffres montre que le Belarus avait – au moment de cette affirmation, le 22 juillet – une mortalité 4x inférieure à celle de la Suisse et une létalité par cas confirmé (CFR) 6,25x inférieure à celle de la Suisse. Or, selon l’OMS, le CFR est un indicateur pour évaluer la mise en œuvre des mesures de santé publique : au 20 septembre, avec un CFR de 1%, le Belarus fait 3,6x mieux que la Suisse et 7,1x mieux que la France ! L’accusation est donc fausse et l’objet d’une construction de type complotiste : on associe les fanfaronnades (avérées) du président Loukachenko (vodka comme remède, etc.) à l’affirmation (fausse) d’une « gestion désastreuse » pour créer une logique (artificielle) qui légitime la contestation au Belarus.

Malgré qu’elle ne soit pas démontrée par les faits, cette accusation de « gestion désastreuse » a circulé dans presque tous les  médias qui soutiennent la politique de Donald Trump. Les médias plus factuels ont exprimé plus de circonspection.

Merci d’avoir abordé la problématique biélorusse. Dans le prochaine partie de notre entretien, nous examinerons les techniques utilisées par le complotisme, avec des cas concrets.

 

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COVID-19, essai de 13e synthèse à la « blacklivesmatter »

La situation que nous vivons toutes et tous en lien avec le virus dont on guette déjà la deuxième vague, met bien du monde, comme on dit, à cran.

Qu’on le veuille ou non, la pression s’exerce et se ressent.

Que cela soit dans n’importe quel lieu où le port du masque est obligatoire, on vous rappelle de manière péremptoire quand elle n’est pas agressive, que le masque doit se porter sur le nez et non dessous.

Jusque là, on reste dans l’ordinaire.

Mais lorsque, dans un établissement de soins, une patiente de passé 90 ans se fait rappeler à l’ordre parce que son masque ne couvre pas son nez et que ladite patiente, proche et chère parente, dit  Je n’arrive pas à respirer, j’étouffe ?

Eh bien c’est très simple, l’infirmière lui rétorque, devant témoins ahuris, ça m’est égal, je préfère que vous mouriez étouffée que de faire entrer le COVID dans la maison de repos. 

Cette scène s’est déroulée en France.

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Sous nos latitudes démocratiques…

Que cela soit sous forme littéraire ou pour ce blog, écrire est depuis de nombreuses années, pour moi, une seconde nature.

Qu’on l’apprécie ou non, rien de plus normal, les goûts et les couleurs…

Mais que mon parcours littéraire soit reconnu en Russie, entre autre, intrigue dans le meilleur des cas, me rend très suspecte sinon.

Il se trouve qu’un participant à la présentation de l’un de mes recueils de nouvelles, ce 17 septembre, a mentionné les constantes rééditions de mes livres en Russie.

Et de souligner que dans ce pays, seuls les grands classiques sont publiés en édition bilingue.

Il se reconnaîtra, sensible à ses remarques, je l’ai remercié tant je suis plutôt habituée à devoir me justifier au vu de ce qui circule en boucle sur la Russie, de plus en plus souvent ramenée à son seul Président.

En février dernier, j’ai découvert comment le droit de s’exprimer s’appliquait dans mon pays quand mon blog a été brutalement fermé par le groupe de presse qui l’accueillait.

Voici que sept mois plus tard, j’expérimente à nouveau la liberté d’expression selon la définition qu’en ont certains journalistes suisses qui forment un groupe sur Facebook.

J’en étais devenue membre, j’en suis désormais exclue, mieux, je n’y ai carrément plus aucun accès.

Je ne suis pas journaliste, ma formation en Lettres m’a amenée à étudier les littératures russe, allemande et française avant de me spécialiser en analyse de discours et en épistémologie de la linguistique.

J’ai mené des travaux de recherche dans cette discipline et enseigné dans différents établissements à Genève et à l’Université de Turin au préalable.

Il semble néanmoins que ce parcours professionnel ait contribué à me rendre « conspirationniste ».

C’est en effet ainsi que j’ai été perçue dans ce milieu médiatique helvète si tolérant qu’il recourt aux mêmes méthodes que celles qu’il n’hésite jamais à fustiger lorsqu’elles concernent d’autres pays.

Le sens du débat contradictoire, dans cette très savante mouvance, s’exerce de telle manière que le couperet tombe sur toute tête qui menace son confort ou sa paresse intellectuel(le), à choix.

Et cela s’appelle liberté d’expression, et cela se vit sous nos latitudes démocratiques.

Culture, société, Voix

Et puis soudain, juillet 1983…

En ce 17 septembre où l’un de mes recueils de nouvelles va être présenté tout à l’heure à la librairie JULLIEN, au coeur de la Vieille Ville de Genève, permettez ce retour sur un parcours littéraire étranger à ce blog.

C’était un dimanche ensoleillé de juillet 1983 où, prise de nostalgie, j’ai contemplé le vide. Je n’y ai lu de nouvelles de personne et ce sont elles qui m’ont inspirée. Plus tard, ce sont celles de rien ni de nulle part qui m’ont incitée à poursuivre cette lecture et c’est sans fin qu’elle s’est révélée.

Pour qui les connaît, oui, je cite là les titres de quatre de mes livres, Nouvelles de personne, Nouvelles de rien, Nouvelles de nulle part, Nouvelles sans fin. De quoi y est-il question, me demande-t-on souvent. De vies qui se déroulent à l’ombre ou en marge d’autres, fantasques parfois cocasses, tragiques ou sans issue.

Toutes sont traitées sur le même mode, sans complaisance mais non sans tendresse. Anti-héros, victimes d’eux-mêmes ou d’un entourage peu amène, les personnages qui les incarnent réagissent selon leur caractère ou selon les circonstances. Leur destin?

Se dérouler au mieux, de l’aube au crépuscule et des crépuscules aux aubes qui les suivront.

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Covid-19, essai de douzième synthèse

Regardez la carte qui figure en capture d’écran pour illustrer ce sujet!

La plus grande partie des régions françaises déclarées zones vertes par rapport au degré de contagiosité du virus Sars-Cov2 sont celles qui côtoient la Confédération helvétique.

Réalité ou petit arrangement avec elle pour ménager les intérêts entre voisins, on n’en sait rien.

Cela dit, quand on lit ce qu’a vécu le personnel hospitalier qui témoigne des conditions dans lesquelles il a dû travailler, en tous les cas en France, on réalise que si le virus n’est pas une fiction, sa gestion complexe voire paradoxale n’a pas arrangé la situation!

Quant aux témoignes qu’on trouve dans nos médias de ce qu’endurent des familles dont l’un des membres a été testé positif, on mesure sans difficulté le véritable parcours de combattant que certaines d’entre elles ont à mener.

Autant de constats qui amènent à mesurer à quel point règne parfois l’incohérence mais aussi l’absence d’humilité à le reconnaître.

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Quand un passé kagébiste n’est pas bon à rappeler

On ne rêve même pas quand on lit cet article, non. Il vaut la peine de découvrir le lyrisme de BHL, sa ferveur à défendre tant de personnalités!

Parmi elles, la journaliste biélorusse, lauréate du Prix Nobel de littérature en 2015, journaliste dont, curieusement, on rappelle bien moins souvent le passé que celui de tant d’autres.

Journaliste qui, en son temps, dressait les louanges du fondateur de la Tcheka, ancêtre du KGB et de l’actuel FSB dont on se plaît toujours à rappeler que Vladimir Poutine en était.

Et pourquoi ne pas procéder de même avec celle qui promettait de venir avec son fils honorer sur sa tombe, la mémoire de Félix DZERZHINSKI comme indiqué ici?

Cet homme qu’elle porte en telle estime, préoccupé de traquer les « ennemis du peuple » semble davantage mu par une volonté d’extermination que de salut pour toute personne qui n’entrerait pas dans les rangs dictés par les Soviets.

Certes, à cette époque, l’actuelle Nobel de littérature était peut-être obligée d’admirer les héros de la Révolution? Ou alors, ne souhaitait pas mettre en péril les avantages reçus par son appartenance à l’Union des Ecrivains?

Quoi qu’il en soit, ce passé soviétique lui a tout de même profité, ne serait-ce que pour ses activités de journaliste. Qu’elle soit devenue, désormais, une référence quasi incontournable de l’Occident la protège de tout regard trop indiscret…

Quant à la formule désormais consacrée d’« opposant no 1 » pour identifier Alexeï NAVALANY, c’est à force d’être inlassablement répétée qu’on espère -et qu’on risque bien de- la faire entrer une fois pour toutes dans les cerveaux.

Ainsi va notre monde et son philosophe en chemise blanche qui l’arpente et discourt sur sa partie « libre », celle d’un Occident tellement défenseur de droits que la répression lui serait inconnue ou peu s’en faut.

A la bonne heure!

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Jacques BAUD réagit à la critique de son livre par Pascal BONIFACE

-Jacques Baud, après avoir suivi la vidéo que Pascal BONIFACE a postée sur Youtube et qui est consacrée à son appréciation de votre livre « Gouverner par les FAKE NEWS », j’ai souhaité avoir votre réaction. Vous avec bien voulu accepter d’en faire part et je vous en remercie.

Jacques BAUD: -En fait, je doute un peu de sa sincérité lorsqu’il affirme avoir lu l’ouvrage. Il n’y a pas un point de juste dans sa critique : il ajoute des éléments qui n’y sont pas, conteste les aveux de l’ex-directeur de la CIA, m’attribue des intentions que je n’ai pas, et n’a manifestement pas compris la finalité de l’ouvrage – pourtant décrite en toutes lettres –, pour finalement le trouver « trop systématique » !

Or, c’est précisément le manque de systématique dans notre manière de traiter l’information, que je critique dans cet ouvrage. En reprenant point par point :

  • Il affirme que la thèse de mon ouvrage est que « les gouvernements occidentaux font des fausses informations pour justifier leurs interventions ». C’est faux ! En fait, la thèse du livre est écrite en toutes lettres dans l’introduction et postule que les décisions occidentales sont le plus souvent basées sur des informations partielles, partiales, souvent erronées et très souvent invérifiées. D’ailleurs l’exemple qu’il donne de la guerre en Irak ne se trouve pas dans mon livre, car ce n’est pas le propos. Je n’affirme pas que les gouvernements créent de vrais mensonges, mais qu’ils utilisent de fausses vérités.
  • Il conteste l’affirmation selon laquelle les Soviétiques sont entrés en Afghanistan à cause de l’action des Etats-Unis. Mais comme je l’écris dans le livre, cette affirmation ne vient pas de moi, mais de l’ancien directeur de la CIA Robert Gates, qui l’écrit dans ses mémoires. En fait, les Soviétiques ne voulaient pas intervenir en Afghanistan et avaient résisté aux demandes répétées du gouvernement afghan de l’aider à stabiliser la situation. La décision américaine déstabiliser le gouvernement afghan dès le début 1979, en soutenant clandestinement la rébellion islamiste (Moudjahidin) a eu pour conséquence de stimuler un terrorisme qui commençait à déborder dans les républiques du sud de l’URSS. Je me rappelle d’ailleurs que nous avions de très nombreux messages – alors SECRET – qui faisaient état d’un terrorisme islamiste, dans les districts militaires du Nord Caucase et du Turkestan. C’est probablement ce qui a incité les Soviétiques à finalement intervenir. Il s’agissait bien sûr de soutenir le régime en place (bien qu’ils aient éliminé le président Amin) mais aussi (et peut être, surtout) de protéger leur frontière Sud. Ce qui explique que parmi les premières troupes terrestres engagées en Afghanistan on trouvait les troupes de gardes-frontières du KGB. L’affirmation de Robert Gates sera plus tard confirmée par les déclaration de l’ancien conseiller à la Sécurité Nationale Zbigniew Brezinski.
  • Quant au Liban, il conteste mes doutes sur le lien automatique que l’on fait aujourd’hui entre le Hezbollah et les attentats de Beyrouth contre les contingents français et américains, en octobre 1983. Pourtant, alors membre des « services », je me rappelle très bien que personne n’était en mesure de dire qui avait perpétré ou commandité les attentats. On a tenté d’expliquer par la suite qu’il s’agissait d’une vengeance de l’Iran pour le soutien apporté par la France et les Etats-Unis à l’Irak dans le Golfe. Mais en fait, on n’en sait rien et cela n’est qu’une hypothèse. On notera que le contingent italien (alors déployé entre les deux autres) n’a pas été visé. Pourtant l’Italie apportait elle aussi un soutien à l’Irak, notamment en lui fournissant des mines (qui ont fait tant de dégâts parmi les fantassins iraniens) et contribuait à la construction de la capacité nucléaire irakienne. Donc l’hypothèse de la vengeance iranienne n’est pas très cohérente. L’hypothèse la plus probable, est que des milices (chiites ?) ont voulu se venger ou pousser les contingents français et américains à cesser de participer aux opérations aux côtés de milices pro-gouvernementales. De fait, en s’associant avec des acteurs locaux, ces contingents n’étaient plus considérés comme des forces d’interposition, mais étaient devenus des parties au conflit. C’était clairement une erreur de stratégie de la France et des États-Unis (pour des raisons différentes). Mais il est évidemment difficile d’accepter que les attentats auraient résulté d’une erreur de stratégie !
  • Notons que les attentats ont été revendiqués par le Mouvement de la Révolution Islamique Libre (MRIL), une organisation inconnue, qu’on n’a jamais pu associer formellement au Hezbollah. De plus, comme je l’écris dans le livre, Caspar Weinberger, secrétaire à la Défense en 1983, déclarera en 2001 qu’on ne savait toujours pas qui étaient les auteurs des attentats!
  • Quant au fait que le Hezbollah existait déjà en avant 1985, c’est une pure spéculation : aucun document officiel ou publication spécialisée entre 1982 et 1985 (date de sa création officielle) ne le mentionnait. D’ailleurs, même les Américains – si rapides à désigner des groupes comme terroristes – n’ont porté le Hezbollah sur leur liste des organisations terroristes qu’en août 1997.
  • On notera par ailleurs, que le gouvernement français n’a considéré la branche armée du Hezbollah comme mouvement terroriste qu’en 2013, soit 30 ans plus tard ! Dans des circonstances d’ailleurs très discutables ! La décision a été prises après l’attentat de Burgas (Bulgarie) en 2013, où les Israéliens prétendaient que le Hezbollah en était l’auteur. Or il s’est avéré plus tard, que le procureur bulgare qui instruisait l’affaire a finalement retiré le Hezbollah de l’acte d’accusation, car aucun élément n’incriminait le Hezbollah dans cet attentat. Pourtant ni la France, ni l’Union Européenne ne sont revenues sur leurs décisions. Ce qui souligne ma thèse que des décisions importantes sont prises sur des informations erronées ou inexactes.
  • Pascal Boniface suggère que je réfute le fait que Bachar al-Assad soit un criminel de guerre. C’est tout simplement faux et cela ne figure nulle part dans mon ouvrage. En revanche, je conteste l’affirmation selon laquelle il chercherait à éliminer son propre peuple (ce qui n’a aucun sens) ainsi que la qualité et l’origine des informations et des chiffres qu’on avance pour affirmer et justifier cette accusation, et qui proviennent exclusivement de l’opposition (y compris pour les organisations internationales).
  • Quant à l’usage d’armes chimiques en Syrie, Pascal Boniface prétend que je cherche à nier que Bachar al-Assad les ait utilisées. C’est inexact. Je constate simplement – et décris en détail – qu’en août 2013, Obama ne s’est pas joint à Hollande, parce que son service de renseignement militaire (la Defense Intelligence Agency – DIA) avait des informations convaincantes que l’emploi d’armes chimiques à la Ghouta n’était probablement pas le fait du gouvernement, mais plutôt des rebelles. Concernant les deux incidents de Khan Sheykhoun (2017) et Douma (2018), le lecteur pourra constater que je conclus qu’on n’en sait rien… ce qui n’a pas empêché les Occidentaux de frapper la Syrie, avant même que des commissions d’enquête aient fait leur travail.
  • Je relève également dans mon livre qu’en avril 2017, soit deux jours après l’incident de Khan Sheykhoun, Pascal Boniface affirmait sur France 5, qu’il n’y avait « aucun doute » que Bachar al-Assad y avait utilisé des armes chimiques. Mais c’était probablement faux, puisque le président Emmanuel Macron, 10 mois plus tard, en février 2018, déclarait que « nous n’avons pas de manière établie par nos services la preuve que des armes chimiques proscrites par les traités ont été utilisées contre les populations civiles ». A la même époque, le général Matthis, alors secrétaire à la Défense américain, déclarait lui aussi que les services américains n’avaient aucune preuve de l’usage d’armes chimiques par l’armée syrienne en 2013 et 2017. Deux mois plus tard, après l’incident de Douma en avril 2018, Emmanuel Macron affirme détenir des preuves de l’utilisation d’armes chimiques, mais le même jour, le général Matthis affirme que les services américains sont toujours à la recherche de ces preuves….

Pour chaque point qu’il évoque dans sa vidéo, Pascal Boniface nie les affirmations d’acteurs de première main ou crée des certitudes à partir d’hypothèses. Je ne voudrais pas utiliser les mots « négationnisme » ou « complotisme » (car il n’a certainement pas d’intention politique ici), mais techniquement, il s’agit du même phénomène. C’est exactement ce que je dénonce dans mon ouvrage.

En fait, il n’a pas compris l’essence de l’ouvrage : contrairement à ce qu’il suggère, je ne dis pas qu’il faut douter de ce disent les gouvernements, mais des éléments qu’ils utilisent pour décider. Car en créant des certitudes à partir de suppositions et réarrangeant les faits, nous poussons nos gouvernements vers des décisions inappropriées et des interventions contraires au droit international aux conséquences imprévisibles.

A la différence d’un chercheur, l’analyste de renseignement produit des documents sur lesquels seront fondées des décisions. Ainsi, un chercheur comme M. Boniface peut se permettre de travailler sur des hypothèses sur la base d’intuitions, de présomptions ou de suppositions, c’est légitime, c’est son travail et c’est utile. Mais pour l’analyste de renseignement, le travail commence là où se termine celui du chercheur : il doit étayer son produit par des faits.

Or, paradoxalement, les faits sont une denrée rare. Les recueillir est un problème majeur dans des conflits complexes, avec des acteurs très différents, aux structures changeantes et quasi-impénétrables parce que très petites. Or, pour différentes raisons, les services de renseignement ont beaucoup moins d’agents sur le terrain qu’on ne l’imagine. C’est d’ailleurs la même chose pour la presse : pour faire des économies, on préfère avoir des « correspondants » qui glanent des informations, le plus souvent dans les rangs de l’opposition. Il en résulte que notre image du conflit n’est restituée qu’à travers un seul prisme : elle est donc partielle, mais – surtout – souvent partiale.

L’absence de faits ou de transparence sur les faits est la porte ouverte au complotisme. Techniquement, le complotisme est le fait de combler les manque d’informations en « réassemblant » les faits en fonction d’une logique et d’objectifs arbitraires. La création d’un « califat mondial » par les islamistes, la « domination du monde » par les juifs, l’élimination du peuple syrien par Bachar al-Assad, etc. sont typiquement des objectifs qui ont été imaginés par quelques obscurs chercheurs, qui ne sont confirmés par aucun élément concret, mais tendent à influencer des individus et des gouvernements.

Mon livre va exactement à l’opposé : il montre ce que l’on sait, ce que l’on ne sait pas, et ce que l’on sait mais ne veut pas voir. Il n’a pas pour objectif de blanchir ou disculper X ou Y, mais de montrer que les décisions de nos gouvernements sont trop souvent basées sur des informations très fragiles et très discutables. La crise du CoViD-19 n’échappe d’ailleurs pas au phénomène, même si elle ne fait pas l’objet du livre.

J’ai donc construit mon livre comme le fait un professionnel du renseignement et un lecteur averti pourra noter que le livre privilégie les sources officielles et de première main, en écartant toutes les informations provenant de sources liées à des extrêmes politiques ou complotistes.

Mon livre est en fait un plaidoyer pour un meilleur usage des services de renseignement, que les décideurs ignorent trop souvent pour prendre des décisions guidées par l’émotion. Car pour moi, déclarer qu’il n’y a aucun doute, alors qu’on ne connait pas l’état de la situation est non seulement intellectuellement malhonnête, mais aussi dangereusement excessif. Les présomptions qui deviennent certitudes engendrent des décisions qui nous conduisent souvent à agir au mépris du droit international, à pratiquer la torture, à frapper des populations civiles de manières disproportionnée, comme l’ont d’ailleurs dénoncé certains militaires français déployés en Syrie. En 2019, les Nations Unies ont observé qu’en Afghanistan les militaires internationaux tuaient plus de civils que ne le font les djihadistes ! On marche sur la tête !

Il est important de ne pas confondre nos sentiments, nos sympathies ou antipathies de citoyen avec les éléments de décision d’un gouvernement. Quoiqu’on pense d’un régime, l’émotion est rarement une solution. Si vraiment on voulait un changement de régime en Iran ou au Venezuela, il suffirait de lever toutes nos sanctions, car ce sont elles qui permettent à ces régimes d’entretenir une cohésion derrière eux. En Afghanistan, mon chauffeur (pachtoune), à la question de savoir ce qu’il pensait des Taliban, me répondait : « Nous n’aimons pas les Taliban, mais s’il faut choisir entre eux et les Occidentaux, nous les choisirons eux ! » Tout est dit.

Notre manière émotionnelle de traiter les crises ne résout rien. Mon expérience montre que dans les nombreux conflits dans lesquels j’ai été témoin, on aurait pu sauver des milliers de vies si on avait eu un doute avant d’agir.

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Communiquer…

La caricature à laquelle est ramenée toute personne qui ose ne pas maudire la Russie, pour ne pas parler d’elle, c’est l’absence de rigueur intellectuelle qui la signe.

Y réagir, c’est refuser que l’approximation quand il ne s’agit carrément pas d’affabulation, ne prenne le pas sur toute autre exigence.

Mais à l’heure où « communiquer » est devenu une priorité, se répandre en considérations sans autre souci que celui de frapper l’opinion est le but visé.

Parce que, s’assurer que les propos tenus soient fondés ne tourmente pas plus que cela. Qui se soucie de déontologie sinon pour la rappeler à autrui?

Ne pas se laisser prendre à ce jeu-là, depuis le temps que je m’y attache, relève du combat de Sisyphe. L’abandonner n’est pas encore de mise.

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Quel professionnalisme!

Il n’aura pas fallu longtemps pour que les entretiens avec Jacques BAUD que j’ai publiés ici, me valent d’être de facto cataloguée.

Dans le cadre d’une « mise  à jour » d’un article qu’il lui a consacré, le journaliste Antoine Hasday fait allusion à ces entretiens et me présente ainsi:

«  déboutée de sa plainte en diffamation contre la chercheuse Cécile Vaissié qui avait évoqué sa proximité avec les réseaux du Kremlin »…

Ce même journaliste avait rendu compte, pour Slate, du procès qui nous a opposés, cinq autres plaignants et moi, à cette « chercheuse »  et à son éditrice.

Que mes recueils de nouvelles soient traduits en russe et publiés à Moscou depuis 2004, pour ces personnes si au fait, apparaît impossible sans soutien financier du Kremlin.

C’est ce que Cécile VAISSIE, dans son ouvrage « Les Réseaux du Kremlin en France » a laissé entendre, c’est ce que ce que ce « journaliste » relaie.

Comme je l’ai indiqué ici, un procès en appel nous attend, Cécile VASSIE, son éditrice et cinq des plaignants sur les six que nous étions au départ.

Il va de soi que ce « journaliste »  n’en fait pas mention.

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COVID-19, essai de 11e synthèse

Petite parenthèse covidienne et nouvel essai de synthèse en attendant la suite de nos entretiens avec Jacques Baud.

A découvrir comment chaque pays décrète tel ou tel autre à (haut) risque en termes de contagiosité virale, on comprend que la situation se complique.

Deux cantons suisses, ceux de Genève et de Vaud sont déconseillés par Berlin aux Allemand(e)s, dans le même temps, la Suisse place certaines régions de France sur sa liste rouge.

Autrement dit, ces cantons décommandés aux Allemand(e)s et soumis à la décision fédérale, limiteront eux-même leur accès à tout voyageur venant de certaines régions de France.

Faute de quoi la quarantaine les attendra.

Quant à l’Espagne, placée depuis un certain temps déjà sur liste rouge en Suisse, il semble que la vie s’y déroule de manière moins dangereuse que celle dont nos médias rendent compte.

A dire vrai, la perception que chaque pays a et donne de l’autre ne favorise pas vraiment l’ouverture.

Tandis que la lutte contre les nationalismes fait rage, que le mondialisme est rabâché à tout va, se fermer à ses voisins paraît plutôt paradoxal.

Mais bon, ce virus a ses secrets que la raison ne connaît pas encore…