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Incurie diplomatique

De ce qui se passe à côté de chez nous, au coeur de l’Europe, chaque jour qui passe nous livre son flux d’informations.

Qu’elles soient celles de médias mainstream ou d’autres, considérés alternatifs sinon de propagande ou de désinformation, dire de leurs contenus qu’ils varient relève de l’euphémisme.

Seule constante observable, la destruction de plusieurs dizaines de milliers de vies humaines et un nombre incalculable de dégâts matériels en tous genres.

Sinistre bilan auquel s’ajoutent exactions, viols, tortures et crimes.

S’en prendre à la responsabilité de tel ou tel Chef d’Etat, c’est afficher un parti pris. Et désigner un coupable à titre individuel, c’est s’obstiner à nier la faillite totale de la diplomatie.

Quelque soit la nationalité des victimes, on meurt en Ukraine de l’incurie diplomatique qui a entouré huit ans de guerre dans le Donbass.

Et cette incurie est aussi criminelle que l’est la désinformation qui alimente l’hostilité d’un camp envers un autre.

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Marek Halter, sa lettre à Vladimir Poutine

Un fidèle commentateur de ce blog, « Charles 05 » pour ne pas le nommer, a posté en commentaire sous le précédent sujet, l’interview qu’a accordée Marek Halter à Patrick Simonin.

C’était le 1er juin, dans le cadre de son émission  » L’invité », diffusée sur TV5Monde.

Cet interview fait suite à une lettre qu’a adressée l’écrivain français au Président russe, le 18 mai dernier. Le grand quotidien Les Echos en a reçu copie qu’il a publiée dans son édition de ce 31 mai.

Marek Halter est dans son rôle. Celui d’un homme de Lettres qui les honore tandis que d’autres confondent en très douteux mélanges, politique et culture.

Dans le contexte lourd que nous vivons, que les meilleures intentions soient considérées et entendues!

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Place à la diplomatie sur TF1 / LCI, mort en direct à Donetsk

Saluons TF1 / LCI d’avoir pris l’initiative d’interviewer Sergueï Lavrov, le ministre russe des affaires étrangères. Que l’on apprécie ou pas les réponses qu’il apporte aux questions que lui pose, ici, Liseron Boudoul, au moins lui a-t-on donné la parole.

Car au vu du contexte, il est devenu évident que la voix de la Russie, la voix du Kremlin pour qui préfère l’appeler ainsi, ne rencontre plus grande audience et c’est peu dire.

Avoir rappelé, sur ce blog et à de nombreuses reprises, comment le gouvernement ukrainien avait tué sa propre population 8 ans durant m’a valu, on le sait, d’être considérée comme relai de la propagande russe.

Qu’à cela ne tienne, si la vie de milliers de civils, enfants, adultes, personnes âgées, invalides a été considérée sans importance majeure pour autant de ces experts et invités de plateaux de télévision, de studios de radio ou de colonnes de journaux ou de magazines, c’est avec leur conscience qu’ils ont à s’arranger.

Car cautionner le déni vaut complicité.

Par l’ostensible indifférence manifestée envers les souffrances d’innocents,  je le répète, 8 ans durant, ces désormais juges, censeurs et procureurs de la Fédération de Russie ont révélé leur profond mépris.

Mépris du sens même des valeurs dont ils se réclament, celles liées à la « défense de droits humains ».

Alors pour qui serait encore réceptif à un autre type de reportages que ceux qui nous sont diffusés sur les horreurs -russes avant tout- de la guerre en Ukraine, voici de quoi vous faire une idée peut-être plus nuancée?

Cette jeune femme nous fait vivre en direct comment, en se rendant dans une épicerie d’un quartier tranquille et sans histoire de Dontetsk, un grand-père laissera derrière lui une épouse effondrée et leurs petits-enfants.

Sans compter le magasin détruit et tout à l’entour.

Alors oui, on le sait, c’est la Russie qui est l’agresseur. Mais pourquoi donc l’armée ukrainienne tue-t-elle les siens? Et pas seulement dans ce lieu si tranquille mais partout dans les régions du Donbass qui ont défendu leur culture, leur langue et leurs valeurs?

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Une célébration -ou non- de Pentecôte et de quoi méditer

En ce 5 juin, les chrétiens célèbrent la Pentecôte.

Ce terme qui désigne la fête qui a lieu le cinquantième jour après celle de Pâques, vient directement du grec ancien, devenu πεντηκοστή ημέρα en grec moderne.

De fait, non seulement le terme mais aussi le sens de la fête sont-ils souvent moins bien connus.

Parmi les nombreux articles qui expliquent ce qu’est la Pentecôte, en voici un, d’accès libre, qui était paru dans Le Figaro du 25 mai 2015.

Son intérêt réside aussi dans les commentaires.

Quoi qu’il en soit, c’est en ce jour de Pentecôte que les Etats-Unis découvrent une nouvelle tuerie encore.

Ce pays, loué par la publicité des années 1950 comme celui du  « way of life », nous offre, là, une image dont il appartient bien sûr à chacune et à chacun de vous d’en penser ce qui lui convient.

En cette fête de l’Esprit, pour qui s’y intéresserait encore, voilà en tous les cas de quoi méditer.

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Quand la diplomatie honorait encore la Suisse

Il y aura bientôt un an, Genève accueillait les Présidents Biden et Poutine. La diplomatie avait encore son mot à dire. Même si nombreuses ont été les réactions désenchantées.

Car bien sûr que la violence fait partie intégrante de l’être humain mais se résoudre à ce constat, c’est donner d’emblée perdant le dialogue. C’est considérer vain tout ultime espoir d’échange.

À partir de là, jugements et condamnations peuvent toujours tomber, quand ce ne sont pas les répliques au « coup pour coup ».

Face à une tension maximale, prôner le respect mutuel reste, hélas, sans grand écho. Ne pas renoncer à le faire entendre malgré tout, cet écho, c’est oeuvrer à l’apaisement.

Et le rappeler autant de fois que le commande le coeur ET la raison, c’est refuser de donner des bons et des mauvais points à tel ou à tel camp.

Mais qui entend encore ce point de vue quand se déchaîne la passion?

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« La plus grande, la plus vieille démocratie au monde »…

Voici qui passionne les foules et qui nous vient de ce pays dont il est courant d’entendre ou de lire qu’il serait « la plus grande, la plus vieille démocratie au monde ».

Il s’agit d’un procès. Pas celui de Tartempion contre X ou l’inverse, non, celui qui a opposé deux « stars », Johnny Deep et Amber Heard.

Et de cette même « plus grande démocratie au monde », nous vient une autre actualité, celle d’une nouvelle fusillade, ce 2 juin, perpétrée cette fois dans un hôpital.

Se présenter comme parangon de valeurs démocratiques impliquerait-il pareils exemples? À suivre ou non, cela n’est pas précisé mais pas interdit non plus.

Se délecter d’un procès qui met aux prises deux « célébrités » aux moeurs étalées à tout va, allumer des bougies, déposer fleurs et peluches pour exprimer la douleur après des tueries, est-ce donc là se montrer « démocrate »?

Et d’autant se dresser comme pas un contre les « dictatures » qui  bafoueraient les droits humains?

Que ces cas cités plus haut soient ceux d’individus, certes! Mais ils n’en sont pas moins emblématiques d’un pays qui se présente comme « gardien de la démocratie dans le monde ».

En rester perplexe? Un euphémisme!

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Parce que l’espoir n’a cessé de m’animer…

Hier, dans un sujet de ce blog, j’ai évoqué le cas d’école d’une ambassade de Suisse qui a choisi de céder à la remarque postée par un blogueur sur un réseau social plutôt que de mener une réflexion d’ordre disons… diplomatique.

Par gain de paix, ai-je indiqué, je préférais taire le nom de la capitale du pays où le fait avait eu lieu.

Parce que l’espoir n’a cessé de m’animer de voir enfin s’apaiser les tensions qui entourent tout ce qui, de près ou de loin, concerne la situation en Ukraine.

Tant de personnes s’érigent expertes! Tant d’autres vous livrent leur point de vue tandis que la vie s’en va dans des dizaines de milliers de foyers, où qu’ils se trouvent!

De quelque nationalité soient-ils, ces morts sont le fait de crispations sinon d’indifférences observées par les chancelleries occidentales.

Depuis huit ans qu’on meurt dans le Donbass, aucune d’entre elles n’a oeuvré à la paix.

Aucune.

Et c’est ce qui rend la situation en Ukraine d’autant plus tragique. L’oubli total des vies sacrifiées sur l’autel d’intérêts politiques, économiques ou « géostratégique ».

Prendre parti n’est pas de mise, ici. Juste rappeler l’échec cuisant de la diplomatie.

Et que la Suisse propose -encore- ses services de médiation alors qu’elle se range à l’avis d’un blogueur qui recommande à l’une de ses ambassades de retirer son drapeau au risque qu’il soit confondu avec celui de la Croix-rouge, autant oublier…

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Qu’on m’explique!

Un drapeau à croix blanche sur fond rouge vu du ciel peut-il se confondre avec un drapeau à croix rouge sur fond blanc, pour qu’il ait été conseillé, par un blogueur (!), à l’ambassade de Suisse de le retirer du toit du bâtiment où il flottait jusque là?

Par gain de paix, je ne dirai pas dans quelle ville ce conseil a été donné. Et suivi, surtout!

Alors que la capitale en question, contrairement à d’autres villes du pays, n’est pas menacée, il a été estimé prudent de ne pas tenter l’ennemi qui, selon ce blogueur conseilleur de l’ambassade de Suisse, aurait pu la confondre … avec un hôpital.

Parce que les hôpitaux arboreraient des drapeaux à croix blanche sur fond rouge ou disons, à croix rouge sur fond blanc? Quoi qu’il en soit, selon ce blogueur conseilleur, ce sont là des cibles visées par l’ennemi.

Qu’une ambassade prête attention à pareil conseil et donc, retire son drapeau, là, vraiment, je cale. Raison de mon appel car c’est un article de la Tribune de Genève qui a évoqué l’affaire.

L’article est réservé aux abonnés.

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« Nous marchons vers la guerre comme des somnambules », la tribune d’Henri Guaino

Hier, dans mon sujet de blog évoquant les voix, en France, qui s’élèvent contre la montée en puissance du bellicisme de la part de l’Europe, j’ai mentionné la tribune d’Henri Guaino, parue le 13 mai dernier dans Le Figaro.

L’article étant réservé aux abonnés, je vous transmets ci-après le texte reçu par courriel de la part du site Notre France. Il a suscité la polémique, comme il se doit, à vous d’en juger:

Henri Guaino : «Nous marchons vers la guerre comme des somnambules»
Tribune d’Henri Guaino parue dans Le Figaro du 13 mai 2022

Nous marchons vers la guerre comme des somnambules.

J’emprunte cette image au titre du livre de l’historien australien Christopher Clark sur les causes de la Première Guerre mondiale: Les Somnambules, été 1914: comment l’Europe a marché vers la guerre.

«Le déclenchement de la guerre de 14-18, écrit-il, n’est pas un roman d’Agatha Christie (…) Il n’y a pas d’arme du crime dans cette histoire, ou plutôt il y a en a une pour chaque personnage principal. Vu sous cet angle, le déclenchement de la guerre n’a pas été un crime, mais une tragédie.» En 1914, aucun dirigeant européen n’était dément, aucun ne voulait une guerre mondiale qui ferait vingt millions de morts mais, tous ensemble, ils l’ont déclenchée. Et au moment du traité de Versailles aucun ne voulait une autre guerre mondiale qui ferait soixante millions de morts mais, tous ensemble, ils ont quand même armé la machine infernale qui allait y conduire.

Dès le 7 septembre 1914, après seulement un mois de guerre, le chef du grand état-major allemand qui avait tant plaidé pour que l’Allemagne attaquât avant d’être attaquée écrivait à sa femme: «Quels torrents de sang ont coulé (…) j’ai l’impression que je suis responsable de toutes ces horreurs et pourtant je ne pouvais agir autrement.»

«Je ne pouvais agir autrement»: tout était dit sur l’engrenage qui mène à la guerre. Engrenage qui est d’abord celui par lequel chaque peuple se met à prêter à l’autre ses propres arrière-pensées, ses desseins inavoués, les sentiments que lui-même éprouve à son égard. C’est bien ce que fait aujourd’hui l’Occident vis-à-vis de la Russie et c’est bien ce que fait la Russie vis-à-vis de l’Occident. L’Occident s’est convaincu que si la Russie gagnait en Ukraine, elle n’aurait plus de limite dans sa volonté de domination. À l’inverse, la Russie s’est convaincue que si l’Occident faisait basculer l’Ukraine dans son camp, ce serait lui qui ne contiendrait plus son ambition hégémonique.

En étendant l’Otan à tous les anciens pays de l’Est jusqu’aux pays Baltes, en transformant l’Alliance atlantique en alliance anti-Russe, en repoussant les frontières de l’Union européenne jusqu’à celles de la Russie, les États-Unis et l’Union européenne ont réveillé chez les Russes le sentiment d’encerclement qui a été à l’origine de tant de guerres européennes. Le soutien occidental à la révolution de Maïdan, en 2014, contre un gouvernement ukrainien prorusse a été la preuve pour les Russes que leurs craintes étaient fondées. L’annexion de la Crimée par la Russie et son soutien aux séparatistes du Donbass ont à leur tour donné à l’Occident le sentiment que la menace russe était réelle et qu’il fallait armer l’Ukraine, ce qui persuada la Russie un peu plus que l’Occident la menaçait. L’accord de partenariat stratégique conclu entre les États-Unis et l’Ukraine le 10 novembre 2021, scellant une alliance des deux pays dirigée explicitement contre la Russie et promettant l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan, a achevé de convaincre la Russie qu’elle devait attaquer avant que l’adversaire supposé soit en mesure de le faire. C’est l’engrenage de 1914 dans toute son effrayante pureté.

Comme toujours, c’est dans les mentalités, l’imaginaire et la psychologie des peuples, qu’il faut en chercher l’origine. Comment la Pologne, quatre fois démembrée, quatre fois partagée en trois siècles, comment la Lituanie annexée deux siècles durant à la Russie, la Finlande amputée en 1939, comment tous les pays qui ont vécu un demi-siècle sous le joug soviétique ne seraient-ils pas angoissés à la première menace qui pointe à l’Est? Et de son côté, comment la Russie, qui a dû si souvent se battre pour contenir la poussée de l’Occident vers l’Est et qui est déchirée depuis des siècles entre sa fascination et sa répulsion pour la civilisation occidentale, pourrait-elle ne pas éprouver une angoisse existentielle face à une Ukraine en train de devenir la tête de pont de l’occidentalisation du monde russe? «Ce ne sont pas les différences, mais leur perte qui entraîne la rivalité démente, la lutte à outrance entre les hommes» dit René Girard. Menacer ce par quoi le Russe veut rester russe, n’est-ce pas prendre le risque de cette «rivalité démente»?

L’Occident voit trop la nostalgie de l’URSS et pas assez, le slavophilisme, c’est-à-dire la Russie éternelle telle qu’elle se pense avec ses mythes. Alexandre Koyré a consacré un livre profond (1), à ce courant dont sont nées la grande littérature et la conscience nationale russes au début du XIXe siècle quand «le nationalisme instinctif aidant, un nationalisme conscient avait fini par voir entre la Russie et l’Occident une opposition d’essence». Le slavophilisme, ce sentiment de supériorité spirituelle et morale face à l’Occident, est dans le cri du cœur de Soljenitsyne devant les étudiants de Harvard en 1978: «Non, je ne prendrais pas votre société comme modèle pour la transformation de la mienne.» Cette Russie-là ne voit peut-être pas la guerre en Ukraine comme une guerre d’invasion mais comme une guerre de sécession. Sécession du berceau du monde russe, de la terre où s’est joué tant de fois le sort de la Russie, où elle a repoussé les Polonais et les armées de Hitler. Sécession politique, culturelle et même spirituelle depuis qu’en 2018 l’Église orthodoxe ukrainienne s’est affranchie de la tutelle du patriarcat de Moscou. Et les guerres de sécession sont les pires.

Une chose en tout cas est certaine: cette guerre est, à travers l’Ukraine martyrisée, une guerre entre l’Occident et la Russie qui peut déboucher sur un affrontement direct par une escalade incontrôlée. La guerre, c’est, depuis toujours, la libération de tout ce qu’il y a dans la nature humaine de sauvagerie et d’instinct meurtrier, une montée aux extrêmes qui finit toujours par emporter malgré eux les combattants comme les dirigeants. Ni Churchill, ni Roosevelt, n’avaient pensé qu’un jour ils ordonneraient de bombarder massivement les villes allemandes pour casser le moral de la population, ni Truman qu’il finirait en 1945 par recourir à la bombe atomique pour casser la résistance japonaise. Kennedy en envoyant quelques centaines de conseillers militaires au Vietnam en 1961 ne pensait pas que huit ans plus tard l’Amérique y engagerait plus d’un demi-million d’hommes, y effectuerait des bombardements massifs au napalm, et serait responsable du massacre de villages entiers.

Si la guerre froide n’a pas débouché sur la troisième guerre mondiale, c’est d’abord parce qu’aucun de ses protagonistes n’a jamais cherché à acculer l’autre. Dans les crises les plus graves, chacun a toujours fait en sorte que l’autre ait une porte de sortie. Aujourd’hui, au contraire, les États-Unis, et leurs alliés, veulent acculer la Russie.

Quand on agite devant elle la perspective de l’adhésion à l’Otan de la Finlande, de la Suède, de la Moldavie et de la Géorgie en plus de celle de l’Ukraine, quand le secrétaire américain à la Défense déclare que les États-Unis «souhaitent voir la Russie affaiblie au point qu’elle ne puisse plus faire le genre de choses qu’elle a faites en envahissant l’Ukraine», quand le président des États-Unis se laisse aller à traiter le président russe de boucher, à déclarer que «pour l’amour de Dieu, cet homme ne peut pas rester au pouvoir» et demande au Congrès 20 milliards de dollars en plus des 3 milliards et demi déjà dépensés par les États-Unis pour fournir en masse des chars, des avions, des missiles, des canons, des drones aux Ukrainiens, on comprend que la stratégie qui vise à acculer la Russie n’a plus de limite.

Mais elle sous-estime la résilience du peuple russe, comme les Russes ont sous estimé la résilience des Ukrainiens. Acculer la Russie, c’est la pousser à surenchérir dans la violence. Jusqu’où? La guerre totale, chimique, nucléaire? Jusqu’à provoquer une nouvelle guerre froide entre l’Occident et tous ceux qui, dans le monde, se souvenant du Kosovo, de l’Irak, de l’Afghanistan, de la Libye, pensent que si la Russie est acculée, ils le seront aussi parce qu’il n’y aura plus de limite à la tentation hégémonique des États-Unis: l’Inde qui ne condamne pas la Russie et qui pense au Cachemire, la Chine qui dénonce violemment «les politiques coercitives» de l’Occident parce qu’elle sait que si la Russie s’effondre elle se retrouvera en première ligne, le Brésil qui, par la voix de Lula, dit «une guerre n’a jamais un seul responsable», et tous les autres en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique qui refusent de sanctionner la Russie. Tout faire pour acculer la Russie, ce n’est pas sauver l’ordre mondial, c’est le dynamiter. Quand la Russie aura été chassée de toutes les instances internationales et que celles-ci se seront désintégrées comme la SDN au début des années 1930, que restera-t-il de l’ordre mondial?

Trouver un coupable nous conforte dans le bien-fondé de notre attitude, et dans le cas présent, nous en avons un tout désigné, un autocrate impitoyable, incarnation du mal. Mais le bien contre le mal, c’est l’esprit de croisade: «Tuez-les tous et Dieu reconnaîtra les siens.» Au lieu de faire entendre sa voix pour éviter cette folie et arrêter les massacres, l’Union européenne emboîte le pas des États-Unis dans l’escalade de leur guerre par procuration. Mais que feront les Européens et les États-Unis au pied du mur de la guerre totale? Avec les obus nucléaires et les armes nucléaires tactiques de faible puissance, la marche n’est plus si haute. Et après? Après, tout peut arriver: l’engrenage tragique de la violence mimétique que personne n’aurait voulu mais auquel tout le monde aurait contribué et qui pourrait détruire l’Europe et peut-être l’humanité ou la capitulation munichoise des puissances occidentales qui ne voudront peut-être pas risquer le pire pour l’Ukraine, ni même peut-être pour les pays Baltes ou la Pologne. Souvenons-nous de l’avertissement du général de Gaulle en 1966 lors de la sortie du commandement intégré de l’Otan: «La Russie soviétique s’est dotée d’un armement nucléaire capable de frapper directement les États-Unis, ce qui a naturellement rendu pour le moins indéterminées les décisions des Américains, quant à l’emploi éventuel de leur bombe.»

Où est la voix de la France, de ce «vieux pays, d’un vieux continent qui a connu les guerres, l’occupation, la barbarie», qui le 14 février 2003 à l’ONU disait non à la guerre en Irak, qui en 2008 sauvait la Géorgie et s’opposait à l’adhésion de celle-ci et de l’Ukraine à l’Otan et qui plaiderait aujourd’hui pour la neutralisation d’une Ukraine qui n’aurait vocation à n’entrer ni dans l’Otan, ni dans l’Union européenne, en écho à l’avertissement lancé en 2014 par Henry Kissinger: «Si l’Ukraine doit survivre et prospérer, elle ne doit pas être l’avant-poste de l’une des parties contre l’autre. Elle doit être un pont entre elles. L’Occident doit comprendre que pour la Russie l’Ukraine ne pourra jamais être un simple pays étranger.» C’est par sa neutralisation que la Finlande a pu demeurer libre et souveraine entre les deux blocs pendant la guerre froide. C’est par sa neutralisation que l’Autriche est redevenue en 1955 un pays libre et souverain.

Faire aujourd’hui des concessions à la Russie, c’est se plier à la loi du plus fort. N’en faire aucune, c’est se plier à la loi du plus fou. Tragique dilemme. Un dilemme comme celui-ci, vécu dans la Résistance par le poète René Char (2):

«J’ai assisté, distant de quelque cent mètres, à l’exécution de B. Je n’avais qu’à presser la détente du fusil-mitrailleur et il pouvait être sauvé! Nous étions sur les hauteurs de Céreste (…) au moins égaux en nombre aux SS. Eux ignorant que nous étions là. Aux yeux qui imploraient partout autour de moi le signal d’ouvrir le feu, j’ai répondu non de la tête (…) Je n’ai pas donné le signal parce que ce village devait être épargné à tout prix. Qu’est-ce qu’un village? Un village pareil à un autre?» Et nous, que répondrons-nous aux regards qui nous imploreront d’arrêter le malheur quand nous l’aurons fabriqué?

Nous marchons vers la guerre comme des somnambules.

Henri Guaino

 

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Croisade des uns pour détestation des autres, des voix s’élèvent, en France, les écoutera-t-on?

De nombreuses voix, en France au moins, s’élèvent pour dire le malaise et le terme est faible par rapport à une situation mortifère. Je veux, bien sûr, parler de la guerre en Ukraine et de la manière dont il nous en est rendu compte dans nos médias.

Diffuser une information équivaut, pour nombre d’entre eux, à livrer un parti pris.

De la part de groupes privés, cela se légitime, de la part d’institutions publiques, non. Car pour la divergence d’opinion dont elles devraient se faire l’écho, on reste souvent perplexe tant les points de vue émis se rejoignent.

Mais on le sait, nos démocraties privilégieraient la liberté de pensée, la liberté d’expression, rien à voir avec la propagande que distilleraient ces « régimes » politiques taxés de « dictatures ».

Nous disposerions donc de l’insigne privilège de pouvoir partager autant de visions du monde ailleurs interdites. La fierté de le ressasser à plus soif est telle qu’elle jette sans état d’âme aux orties qui se risquerait à le nuancer sans même le contester.

Dans ce qui ressemble à un cri du coeur, Caroline Galactéros énonce ce qu’il en est de pareille attitude occidentale. Dans une tribune au large retentissement, Henri Guaino a fait part de véritables préoccupations.

Au moins deux anciens ministres des Affaires étrangères, Hubert Védrine et Dominique de Villepin se sont exprimés, qui les entendra? Qui prêtera attention à ce qu’énoncent autant de personnalités d’envergure?

Se carrer dans le déni d’une Ukraine qui ne compterait pas de bataillon d’obédience plus que douteuse, qui n’aurait pas, huit ans durant, tiré sur son propre peuple, qui n’aurait aucun oligarque installé ici ou là, loin du quotidien qui brise autant de vies des leurs?

Rappeler ces réalités, c’est résister à l’insensée croisade d’un Occident déchaîné par la détestation qu’il voue à un pays. Car non, ce n’est pas à son seul Président qu’il s’en prend. C’est aux 145 millions de citoyens que compte la Fédération de Russie.

Sauf à la renier, tel ce diplomate en poste à Genève dans le cadre de la Mission russe à l’ONU et désormais sous bonne garde policière. Ses compatriotes, eux et sans distinction, sont accusés de crimes de guerre comme on le constate à Davos.

Car il va de soi que seule la Russie est criminelle. Les huit ans d’ignominies commises par les Présidents Poroshenko et Zelenski dans le Donbass n’étant que des cadeaux pour les braves, sans doute.

Quant aux autorités de Davos, des Grisons et de mon pays, leur sens de tolérance parle pour elles.