Ceci n’est pas une colonne de blindés.
Ceci s’appelle de l’aide humanitaire.
Plus de cent camions du Ministère russe des Situations d’urgence ont apporté des vivres et du matériel de première nécessité aux habitants des régions de Donetsk et de Lougansk, dans l’est de l’Ukraine.
Pendant ce temps-là, tous les médias occidentaux commentent l’inauguration d’un salon militaire près de Moscou.
On évoque, en vrac, le retour de la guerre froide ou de ses relents, la crainte des pays de’Europe de l’est et du nord quand on ne se moque tout simplement pas des gesticulations nucléaires de Vladimir Poutine:
http://www.liberation.fr/monde/2015/06/17/les-gesticulations-nucleaires-de-vladimir-poutine_1331557
Et puis, bien sûr, on s’inquiète.
Pas de savoir comment survivent les habitants de Lougansk et de Donetsk privés de tout et auxquels est venu en aide ce convoi humanitaire russe.
Non, on s’inquiète de l’activité militaire russe.
http://www.letemps.ch/Page/Uuid/15b19c90-1529-11e5-96f4-d5eb39d18cde/Moscou_va_renforcer_sa_force_de_frappe_nucléaire
donbass
Une pleine page de la Tribune de Genève de ce 5 juin a été consacrée à la démarche du photographe genevois, Niels Ackermann.
Animé par l’envie de montrer l’Ukraine sous un nouveau jour, estimant le prisme des médias et du public assez formaté et compris à travers des sujets sur la guerre, la révolution ou la corruption, le Genevois a lancé une campagne de crowdfunding sur la plate-forme de We Make It.
En dix jours, le photographe a recueilli plus de CHF 10.000.- alors qu’il s’attendait à recevoir CHF 6.000.- en quarante-cinq jours.
Niels Ackerman vit à Kiev depuis peu. Il évoque la révolution de la dignité et souhaite contribuer aux efforts pour créer une nouvelle Ukraine.
Une autre campagne d’appel au don vient d’être lancée, elle, par un journaliste français auquel trois sujets de ce blog ont été consacrés.
Laurent Brayard, on l’aura compris, développe un autre regard sur l’Ukraine que celui de Niels Ackermann.
Cependant, tout comme le photographe genevois, le journaliste français voit l’espoir et la vie dominer l’horreur. Il a évoqué, ici-même, ce qu’il a partagé avec la population du Donbass et l’immense solidarité qu’il a connue au milieu d’êtres privés de tout ou peu s’en faut.
Laurent, lui aussi, a envie de contribuer aux efforts pour créer une nouvelle Ukraine. Quel que soit le destin de ce pays durement frappé, la démarche de Laurent Brayard l’honore.
Il s’en explique ici et on lui souhaite le même succès que celui remporté par le Genevois, Niels Ackermann.
La lecture des articles que Laurent Brayard a consacrés au Donbass invite à lui poser d’autres questions, tant son approche tranche avec ce que l’on peut apprendre de la situation sur place.*
Ainsi s’entretient-il avec la conservatrice du Musée d’archéologie et de paléontologie de Donetsk -ou plutôt de ce qu’il en reste tant son patrimoine historique et culturel a été détruit- et elle lui dit n’éprouver point de haine pour les Ukrainiens, que leurs écoles dans le Donbass continuent à enseigner la langue ukrainienne comme capital commun mais qu’elle ne comprend pas ceux de l’Ouest, cet acharnement.
-Laurent, ces propos semblent rejoindre vos observations relatives à la distorsion que vous avez observée entre forces militaires en présence et populations concernées. N’est-ce pas là une constante que l’on observe dans tout conflit?
-A mon sens, il faut rappeler que si j’ai été impressionné par cette leçon de démocratie dans le Donbass, comme, par exemple, lors de ma rencontre avec un couple de personnes âgées vivant dans la Novorossia et clamant haut et fort être pour l’Ukraine unique de Porochenko, ou encore par la déclaration que vous citez de cette conservatrice du musée de Donetsk, mon sentiment est que les populations dans le Donbass, les gens que j’ai rencontrés, veulent effectivement la paix. Mais attention, pas à n’importe quel prix.
S’ils sont très motivés pour obtenir leur indépendance, beaucoup d’entre eux me disaient que l’autonomie, dans l’Ukraine actuelle qui pratique l’épuration ethnique, les persécutions politiques, les enlèvements et l’assassinat de dissidents, serait le plus grand malheur qui puisse arriver après celui d’une éventuelle et catastrophique défaite du Donbass et le carnage que tout cela entraînerait. Donc la paix, oui, mais comme je l’ai dit ailleurs, dans l’honneur et la dignité. Dans le Donbass, ces gens m’ont tous dit qu’ils étaient effarés par la folie de ceux de l’Ouest, par cette hystérie collective de l’Euromaïdan et qu’ils étaient choqués par le massacre d’Odessa suivi de tant de meurtres, de viols et de pillages. Ils se souviennent de la Grande Guerre patriotique, ils se souviendront des exactions commises longtemps encore.
Cela dit, oui, les populations civiles sont toujours les victimes innocentes et tragiques de n’importe quelle guerre, celle-ci, peut-être plus que tout autre.
-Laurent, en conclusion d’un de vos articles*, vous écrivez Pour moi ma décision est prise. Comme l’ambassadeur français à Prague en 1939 demandait la nationalité tchèque alors que les divisions allemandes forçaient la frontière, je demande la nationalité du Donbass. Je préfère partager le sort de braves gens que de me taire et suivre tacitement des politiques qui déshonorent leurs charges et à travers elle, la France, chaque jour qui passe.
Est-ce le fait de vous être rendu au Donbass qui vous a inspiré ces mots?
-Notre gouvernement, le régime présidentiel si peu démocratique qu’est celui de la France, a trahi depuis longtemps son Peuple, pis encore, en soutenant, dans le monde, des dictatures, en trempant les mains dans le sang d’autres peuples.
Nos dirigeants ont montré qu’ils avaient déchiré le contrat populaire entre eux et la Nation, ils ont écrasé au pied toutes les valeurs républicaines, trahi notre histoire, notre pays et mieux encore, à l’exemple du TAFTA qui arrive en France, ils ont achevé quasiment de réduire notre pays, sensé être celui des Droits de l’Homme, à une caricature, une pantomime ridicule. Songeons que, suite au référendum sur le traité européen en 2005, nous avions répondu NON… mais qu’une poignée d’oligarques a fait fi du résultat pour répondre OUI.
Quant à l’écho rencontré par mes articles, je reçois des soutiens de partout mais je ne m’illusionne pas sur la suite. Si ma voix était vraiment entendue, je serais bientôt en danger d’une manière ou d’une autre. La chasse aux opposants, à mon avis, ne tardera pas, dans les prochaines décennies, en France.
Lorsqu’un interlocuteur m’indique « mais que voulez-vous comme régime ? », je lui réponds immanquablement : « Mais fondons la République ! ». Toujours, je lis alors dans son regard l’incompréhension béate totale. Alors je le redis à nouveau, les gens du Donbass donnent un exemple, sachons ouvrir les yeux, faire preuve d’Humanité, défendre les valeurs démocratiques en supportant les peuples qui ont choisi leur indépendance. Sachons revenir à nos valeurs sacrées, sachons réveiller la Nation, ce qui se passe au Donbass est historique, ce qui pourrait se passer en France ne le serait pas moins !
-Encore une fois, Laurent, merci d’avoir répondu à nos questions.
-Merci à vous de m’avoir donné la parole, l’ostracisme, en France ,je connais!
* http://novorossia.today/donetsk-a-quelques-encablures-de-l-aeroport/http://novorossia.today/laurent-brayard-je-suis-alle-dans-le-donbass-et-j-accuse-le-gouvernement-francais/
Laurent Brayard est Français, journaliste, a vécu longtemps à Moscou. Il vient de publier un ouvrage consacré à la problématique ukrainienne, L’Ukraine le royaume de la désinformation.
De retour du Donbass, dans l’Est de l’Ukraine, il nous a livré ses impressions.
-Laurent Brayard, qu’avez-vous découvert dans cette région de l’Ukraine qui vous a le plus marqué ?
Le courage incroyable d’une population digne. La vie, pour elle, continue alors que les tirs d’artillerie ne cessent pas, surtout la nuit, sans compter l’ambiance des destructions dans la ville. Mais ces gens sont tellement incroyables qu’ils relèvent immédiatement les ruines, nettoient et remettent en état ce qui est possible de l’être. Au-delà des ruines, des routes défoncées et parsemées de cratères d’obus, au-delà des forces ukrainiennes aux portes de Donetsk, du Donbass, ces gens qui n’ont plus grand-chose, font preuve d’une extraordinaire solidarité. L’aide humanitaire arrive au compte-goutte de la Russie, du côté de l’Occident, les Ukrainiens pratiquent un blocus total, la situation sanitaire est mauvaise, la disette guette.
Dans une soupe populaire que nous avons visitée, on y partage la conserve de viande en 30 portions mélangées à du Kacha, à des céréales ou à un autre plat rudimentaire. La boîte de sardines est répartie en 20 portions… Il n’y avait qu’une semaine de réserves, et encore, sans plus de pâtes, quasiment rien, en fait.
Les habitants ont mis en place un pain « républicain » à 2,8 grivnas les 600 grammes, soit environ 10 centimes d’euros, une sorte de loi du Maximum (comme sous la Révolution française) pour empêcher les spéculateurs de proliférer. L’essence manque, beaucoup de magasins sont fermés, les banques ne fonctionnent plus, victimes du blocus et j’en passe. Mais quel courage ! Ces gens sont incroyables.
-Au-delà de l’émotion, certes et obligatoirement forte que vous avez dû ressentir, quelle analyse de la situation livreriez-vous?
Le front est tenu fermement, les Ukrainiens se renforcent chaque jour, ils reçoivent des instructeurs, énormément d’argent des USA et de l’Union européenne, achètent des armes malgré la situation économique grave qui les frappe également du côté de Kiev qui pourrait pourtant bien avoir la tentation d’écraser les Républicains du Donbass. Les Ukrainiens sont encouragés par l’inertie de l’Union européenne et par le grand soutien qu’ils reçoivent, par exemple, puissamment de France, du gouvernement, de personnalités politiques.
La trêve n’existe pas, en réalité, les Ukrainiens tirent tous les jours sur les positions des forces des deux Républiques de Donetsk et Lougansk. Ils espèrent l’embrasement et multiplient les provocations. L’affaire se décidera, soit dans un nouveau bain de sang voulu par Kiev, dont l’Union européenne et les Etats-Unis rendront coupable la Russie, soit par une nécessaire négociation finale mais cette fois avec les représentants des Républiques. Leurs habitants ont déjà choisi l’indépendance, mais en Europe il est dit que des élections doivent être tenues ! Elles ont déjà eu lieu, les citoyens ont proclamé leur liberté… par un référendum et élu un gouvernement.
Une intense vie politique et démocratique existe déjà dans le Donbass, il n’y a pas d’armée russe, c’est un mensonge éhonté, je suis allé jusqu’à 500 mètres de l’aéroport, à l’arrière immédiat du front, cela tirait. Pendant tout mon séjour je n’ai pas vu le moindre véhicule, bataillon, régiment ou division de l’armée russe.
Mais on persiste à dire que 50 000 soldats russes sont dans le Donbass ! C’est un terrible mensonge dont les gens du Donbass meurent.
-Un avenir plus stable est-il envisageable ? Et si oui, selon vous, qui semble le souhaiter vraiment?
A mon sens, oui, c’est possible, il faudra bien que tous s’assoient autour d’une table, il faudra bien que le Donbass soit reconnu indépendant, ces gens sont libres, ils ont choisi, ils ont décidé démocratiquement et sans la Russie. Soutenir le contraire est une absurdité totale. Que ces journalistes français qui le prétendent fassent comme moi, qu’ils s’y rendent et fassent leur travail, pour une fois ! Qu’ils ne donnent pas qu’une seule opinion, celle des Ukrainiens de la Junte de Kiev et alors nous pourrons espérer aussi changer les choses, ici, en France. Le combat du Donbass est le nôtre, ces gens soulèvent un immense espoir, celui de comprendre que nous aussi, nous avons été un peuple libre et que nous pouvons le redevenir, rappelons-nous que nous sommes les fils des Lumières, de la Déclaration des Droits de l’Homme et de la Résistance.
Quant à la paix, elle n’est souhaitée par aucun des deux camps, du point de vue des militaires, mais les peuples ukrainiens et russophones du Donbass aspirent massivement à la paix.
Toutefois, le sang a coulé, cette paix ne pourra se faire que dans le respect de l’intégrité morale, physique et idéologique des deux parties. Et cela signifie la reconnaissance de l’indépendance pour les deux Républiques.
-Merci, Laurent, d’avoir répondu à nos questions.
Merci à vous, Hélène, de m’avoir donné la parole.
Mais comment survivent ces femmes dont l’une raconte qu’elle a perdu son fils et que sa maison a été détruite par les forces démocratiques de Kiev, soutenues par nos gouvernements tout aussi démocratiques?
Et ce n’est pas avec les retraites non versées depuis des mois et des mois qu’elles parviendront à surmonter la misère dans laquelle la guerre les a plongées.
Avoir travaillé toute sa vie pour se voir interdire de toucher sa pension et de parler sa langue ne semble pas ébranler l’OSCE dont certains observateurs ont pourtant bien entendu les témoignages de femmes ukrainiennes.
On s’effondrait à moins, ici.
A voir, ici, cette visite de l’OSCE à Ouglegorsk:
Si nous leur avions fourni les armes dont ils ont besoin, ils n’auraient pas jugé nécessaire d’utiliser des bombes à sous-munitions. C’est en partie de notre faute, Lire la suite:
http://fr.sputniknews.com/international/20150206/1014397894.html#ixzz3RBuOObKF
C’est ainsi que John MacCain justifie son intention d’armer l’Ukraine à travers un projet de loi qu’il veut soumettre au Sénat.
Plus cynique, on ne meurt pas, dans le Donbass, on est déjà mort.
Pendant ce temps-là, en Occident, la plupart des médias persistent et signent: la Russie agresse.
Quant à son Président, nombre d’articles lui sont consacrés, tous aussi savants les uns que les autres.
C’est même dans sa tête qu’un philosophe se place pour publier un ouvrage que La Tribune de Genève annonce en encart de son édition de ces 7-8 février, photo à l’appui et libellé choisi: L’inquiétante idéologie de Vladimir Poutine.
Il est vrai que se mettre dans la tête d’un Mac Cain exige sans doute bien plus de courage à en suivre, ci-après, l’effet du cynisme:
Dans le19:30 de la RTS, le journaliste Marc Julmy commente l’absence de Vladimir Poutine de manière aussi objective que l’est celle de ses collègues de la chaîne de radio Espace2 lorsqu’ils évoquent la situation dans le Sud-Est de l’Ukraine.
Normal, on a bien compris que la Russie avait à peu près tout faux dans cette guerre qui perdure en dépit des cessez-le-feu et autres accords jamais respectés.
Il semblerait bien, toutefois, que depuis que les forces appelées « pro Russes » ou « séparatistes » ont repris l’avantage sur les forces loyalistes, les journalistes semblent très soucieux d’énoncer chaque jour le nombre de soldats tués sinon d’enfants à évacuer.
Et pourtant, alors que Kiev bombardait écoles, hôpitaux et bâtiments à l’aveugle, combien ont-ils été, ces mêmes journalistes, à rappeler que l’enfance était à évacuer?
Dans bien des cas, elle n’a tout simplement plus pu l’être, évacuée, cette enfance, brutalement perdue à jamais.
La terreur infligée aux habitants des villes sous contrôle loyaliste de Kiev, quel media en a rendu compte?
Et des envolées du président ukrainien Petro Poroshenko sur le sort qu’il réservera aux enfants du Donbass?
La présidente de la Confédération suisse, Simonetta Sommaruga qu’on voit longuement lui serrer la main dans le reportage cité plus haut, qu’en dirait-elle?
C’est avec l’accord de la personne qui m’a adressé le message ci-dessous que je le publie, tant la détresse dont ces lignes témoignent est forte.
Elle s’ajoute à l’écoeurement de bon nombre de mes compatriotes face à l’aptitude de certains de nos journalistes à persister dans la plus pure mauvaise foi.
Ce jour encore, sur la RTS, on entend dire que l’OSCE déplore plus de 5’000 morts en Ukraine dans la foulée de l’annexion de la Crimée.
Cette manière torve de présenter la mort de milliers de personnes en dit long sur la qualité de l’information. Pis, sur la neutralité de cette Suisse que j’ose encore aimer car elle est l’une de mes deux patries, l’autre étant la France.
La persistance avec laquelle certains médias occidentaux présentent la situation en Ukraine est aussi indécente que dommageable. Non seulement pour l’image qu’elle renvoie d’eux mais pour tous les citoyens qu’elle prend en otage de leur obsession à rendre la Russie responsable des ravages causés dans le Donbass.
Je me suis exprimée à cet égard dans l’interview que j’ai publiée ici même et à laquelle répondent, précisément, ces lignes:
Bonjour Mme Richard-Favre.
J’ai lu votre interview et cela me fait beaucoup de plaisir qu’il y a quelqu’un en Suisse qui comprend le vérité de cette horrible situation.
J’habite dans le canton de Vaud et il n’y a pas long temps que j’ai été naturalisée. Je veux faire quelques chose pour aider à la population de ma ville natale ou au moins d’informer des suisses de tout ce qui se passe au Donbass, parce que des gens de mon entourage ne savent même pas qu’est ce qui est Donbass.
Mes grands parents sont à Donetsk et ne veulent pas partir même s’ils sont bombardés tous les jours. C’est horrible quand tes proches peuvent mourir et tu n’as rien que de l’accepter, je ne l’aurait pas souhaiter à mon pire ennemi.
La ville où je suis née n’existe plus. L’atmosphère et la vie de Donetsk sont empoissonnées par des fascistes. Mon cœur cri des douleurs qui viennent de l’ignorance.
Je vous prie de m’aider à réaliser quelques chose pour la faveur de Donbass et de ses gens innocents.
En attente de votre réponse, veuillez agréez Mme Richard-Favre, mes salutations distingués.
Comme l’interview dont j’ai indiqué le lien dans un précédent sujet de blog a été publiée en russe, en voici la version française. Quatre questions m’ont été posées par le journaliste Arkadij BEINENSON.
Arkadij BEINENSON: -Vous participez à des groupes de discussion de soutien au Donbass. Quelle est votre motivation?
Plusieurs raisons expliquent mon engagement face à la situation en Ukraine.
Tout d’abord, en tant qu’écrivain et slaviste, il m’est impossible de demeurer insensible à ce qui concerne la Russie.
Ensuite, en tant que Suissesse, sachant que mon pays a présidé l’OSCE durant toute cette année 2014, il m’était à nouveau impossible de ne pas suivre avec la plus grande attention les événements qui se sont déroulés en Ukraine.
Enfin, vous savez qu’en cette année 2014, la Suisse et la Russie ont célébré le bicentenaire de leurs relations diplomatiques. Pour toutes ces raisons, j’avais de quoi ne pas me détourner de ce qui se passe en Ukraine.
Comme vous l’avez constaté, j’ai en effet suivi les publications de différents groupes de soutien au Donbass car j’ai estimé indispensable de m’informer autrement qu’à travers le seul biais des médias occidentaux.
Et puis, aussi, j’ai compris le sens du combat mené par ceux que l’Occident a appelés « pro-russes » ou « séparatistes ».
Ici, en Occident, les enjeux de cette lutte n’ont pas toujours été bien expliqués, c’est pourquoi j’ai eu à coeur de transmettre à mes compatriotes un autre point de vue que celui qui domine la plupart des médias.
–Estimez-vous objective, la manière dont les médias européens rendent compte de la situation dans le Donbass?
Rares sont les média occidentaux qui présentent la situation en Ukraine de manière objective. Il en existe, toutefois, qui osent se démarquer du regard porté par la majorité des journalistes ou autres chroniqueurs.
Ainsi trouve-t-on des sites d’information où s’expriment des spécialistes de questions liées à l’économie, à la finance ou à la géopolitique. De nombreuses personnes s’y réfèrent, qui comprennent que la manière dont la plupart des médias rendent compte de la situation est le plus souvent orientée. Dans ce sens, il est piquant de relever que la Russie est sans cesse accusée de livrer sa « propagande » tandis que l’Occident détiendrait à lui seul, la vérité de l’information.
Ce sont ces préjugés que je tente de combattre. Encore une fois, je ne suis ni politicienne ni journaliste. Je suis juste animée par le refus de diaboliser la Russie comme s’y emploient trop de commentateurs.
En effet, la perception de la Russie par l’Occident se limite très et trop souvent à des clichés, des approximations ou alors à des analyses qui visent à démontrer qu’elle est aux mains d’une clique d’oligarques inféodés à leur président tout puissant. Ainsi ne parle-t-on plus que de « la Russie de Poutine » alors que l’on sait qu’elle est celle de bien d’autres personnalités dont celle de l’ancien et dernier président de l’URSS, Mikhaïl Gorbachev. Je l’ai rappelé dans un de mes derniers sujets de blog qui a aussi été publié comme courrier par « La Tribune de Genève » et par « Le Temps ».
Cela dit, des débats contradictoires sont tout de même organisés par les médias et permettent des échanges de points de vue.
– A votre avis, quelle serait la « recette » à envisager pour résoudre la crise ukrainienne?
Pour ma part, je ne puis plus qu’espérer que la diplomatie vienne au secours d’une situation qui ne peut plus durer tant la souffrance et la violence y sont dévastatrices.
Là encore, je me suis exprimée et mes propos ont été relayés par « La Tribune de Genève »
–Des divers points de vue émis sur le déclenchement de la crise en Ukraine, lequel vous paraît déterminant?
Ce qui apparaît comme principal facteur ayant déclenché cette crise, est la pression exercée sur le Président Viktor Ianoukovich pour qu’il signe un accord avec Bruxelles.
Suite au refus qu’il y a opposé, de violentes manifestations se sont déroulées à Kiev, sur le Maïdan.
Les interprétations de ces troubles meurtriers ont été controversées. En effet, les lectures des uns et des autres sur la destitution du Président Viktor Ianoukovich ont divergé et c’est de cela que j’ai voulu rendre compte sur mon blog.
Il me tient à coeur, en effet, de refuser le seul angle de vue de l’auto-proclamée, « communauté internationale » qui n’a de cesse de charger la Russie et de la rendre responsable de tous les tragiques événements qui se sont déroulés par la suite en Ukraine.
Cette attitude de la part de l’Occident n’échappe toutefois pas à nombre d’observateurs et c’est tant mieux. Cependant, ceux-ci sont souvent et aussitôt vus comme victimes naïves de la « propagande » russe. Tout est bon pour stigmatiser la Russie.
Cela est parfaitement regrettable et n’apporte rien qui vaille tandis que tant d’appels au dialogue avec la Russie ont en même temps été lancés.
L’un d’eux date d’il y a plus d’un an et concerne la Syrie. L’autre a été émis cette année dans le cadre de la crise ukrainienne.
Puissent ces appels être entendus car la Russie n’a jamais été l’ennemie de l’Europe. Cette vision-là est insensée et mérite qu’on la combatte avant qu’il ne soit trop tard si ce ne l’est déjà.
Intenses combats près de l’aéroport de Donetsk ou ce qu’il en reste
Les attentats survenus à Paris les 7 et 9 janvier derniers ont choqué.
La France s’est alors élevée pour défendre une valeur qui lui est chère « la liberté d’expression ».
On a vu les rues de Paris noires de monde, on a chanté La Marseillaise comme jamais.
En Ukraine, lorsque les habitants du Donbass se sont soulevés pour défendre leurs valeurs, leur terre, leur Histoire, combien sont-ils, en France et ailleurs de par le monde, qui ont saisi le sens de leur mobilisation?
Quelques rares manifestations de soutien ont eu lieu tandis que dans nombre de médias occidentaux, on a persisté à traiter de « rebelle » et de « séparatiste », une population qui n’a eu à coeur que de défendre son « droit d’expression ».
Dans l’est de l’Ukraine, les russophones sont privés de leur langue maternelle. L’ukrainien a été imposé à tous.
Et au-delà de l’idiome, c’est la vie de cinq mille citoyens qui a été rayée de la carte.
Comment ne pas réagir?
Pour qui a suivi ce blog, c’est plus de cent vint sujets que j’ai consacrés à la situation en Ukraine depuis un peu plus d’un an.
C’est ce que j’explique dans cet interview qui m’a été demandée par le journaliste Arkadij Beinenson.
Publiée en russe, elle a été traduite du français par Roman Astvatsatourov.
http://baltnews.ee/authors/20150117/1013517554.html