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Washington, le Capitole au coeur de complotismes? Décryptage avec Jacques Baud

-Jacques Baud, dans le cadre de nos entretiens sur le complot,  le complotisme et le conspirationnisme, quelles réflexions vous inspirent les événements récents de Washington ?

Jacques BAUD: -Le mandat de Trump s’achève : quatre ans d’un « règne » guidé par l’opportunisme, le mensonge et la sottise. Durant ces quatre ans, aux États-Unis et en Europe, les dirigeants et nos médias ont craché sur l’héritage des « Lumières » en encourageant un « despotisme peu éclairé », qui trouve toute sa « consécration » dans le désastre de la gestion de la crise de la CoViD.

Les images du 6 janvier à Washington ont provoqué – à juste titre – l’indignation générale. Mais en fait, les partisans « pro-Trump », n’ont fait que répéter la mécanique bien rodée de l’administration Trump : on conteste les résultats d’élections, afin de provoquer des manifestations et des violences. 

Ça ne vous rappelle rien ? A Hong Kong, lorsque les manifestants « pacifiques » financés par l’administration Trump, ont vandalisé le Parlement de Hong Kong en juin 2019, aucun média ou politicien occidental s’est ému. 

Lorsque Trump affirme qu’il y a eu fraude lors de la présidentielle et qu’il a gagné l’élection, on répond – avec raison – qu’il ment. Mais, lorsque l’opposante biélorusse Svetlana Tikhanovskaïa affirme avoir gagné les élections en août 2020, on la croit sans discuter et sans aucun élément de preuve. Pourtant, le résultat de l’élection est cohérent avec les scrutins précédents. Et même s’il est possible qu’il y ait eu des fraudes au niveau local, elles n’ont jamais été démontrées. Durant 29 ans, les élections au Belarus ont été systématiquement observées par les experts de l’OSCE ; or, en août 2020, l’OSCE n’a pas envoyé d’observateurs, malgré la demande du Belarus (on a évoqué le « retard » de l’invitation du Belarus à l’OSCE, mais c’est faux, car non seulement le Belarus avait annoncé plus de 6 mois à l’avance des élections et envoyé une invitation formelle, cette dernière n’est pas nécessaire). Donc on ne vérifie pas, on affirme qu’il y a eu fraude et cela suffit à déclencher un processus de violence.

Au Venezuela, l’administration Trump fait encore mieux : l’opposition ne participe pas aux élections pour affirmer ensuite qu’elles ont été truquées. En 2018, Juan Guaidó, le Navalny vénézuélien, financé par les États-Unis, était pratiquement inconnu avant que Trump et son administration ne le sortent de son anonymat. Car, comme je l’ai expliqué dans mon ouvrage « Gouverner par les Fake News », il n’a jamais été élu et s’est retrouvé à la tête de l’assemblée parlementaire simplement par le jeu des présidences tournantes et des vacances à la tête de son parti…  Comme au Belarus, l’invitation adressée au début septembre par Nicola Maduro à l’Union Européenne pour observer les élections de décembre a été déclinée par l’UE : plus facile ainsi de déclarer l’élection illégitime…

Quant au cas Navalny, nous en avons déjà parlé…

-En effet et je renvoie nos lectrices et nos lecteurs aux sujets de ce blog indiqués ici et, en lien.

Jacques BAUD: -Donc les événements de Washington ne sont que la continuation de pratiques (des mêmes personnes) que nous avons très largement acceptées – voire encouragées – dans d’autres pays…

Pour mettre en évidence l’hypocrisie de médias et de journalistes corrompus et à l’éthique professionnelle douteuse, rappelons ici que durant ses quatre ans de présidence, on a prétendu que Trump était sous l’influence de Poutine, qu’il y avait entre eux une connivence, que « Poutine adore Trump », que Poutine aurait cherché à le faire réélire, car il y aurait une « alchimie positive » entre eux, au point que Trump préfèrerait Poutine à ses partenaires de l’OTAN. 

Pour mettre un peu d’objectivité dans ces élucubrations examinons cette « amitié » que Trump a vouée à Poutine ces dernières années, et comment il l’a remercié d’avoir « facilité » son élection en 2016 :

Des soldats américains déployés dans plusieurs pays d’Europe (02.2017)

Les premiers chars américains débarquent en Europe pour se déployer à l’est (01.2017)

Trump tire 59 missiles de croisières contre la Syrie (04.2017)

Trump refuse à ExxonMobil la levée des sanctions contre la Russie (04.2017)

Pour Poutine, l’arrivée de Trump a dégradé les relations russo-américaines (04.2017)

Trump encourage la vente de gaz naturel auprès des clients de la Russie (07.2017)

Donald Trump promulgue les nouvelles sanctions contre la Russie (08.2017)

Trump inscrit RT comme “agent étranger” (09.2017)

US ‘to restrict Russian military flights over America’ (09.2017)

Washington interdit aux agences fédérales l’antivirus Kaspersky (12.2017)

Kaspersky : le président Donald Trump promulgue une loi interdisant l’utilisation des produits de l’éditeur au sein du gouvernement (12.2017)

Trump autorise la vente d’armes létales à l’Ukraine (12.2017)

Russie: nouvelles sanctions américaines, le dirigeant tchétchène visé (12.2017)

Washington accuse la Russie d’aider la Corée du Nord (01.2018)

Pour les États-Unis, la Chine et la Russie sont de plus grandes menaces que le terrorisme (02.2018)

Syrie : des combattants russes tués par des frappes américaines ? (03.2018)

Trump ordonne la fermeture du consulat de Russie à Seattle (03.2018)

Affaire Skripal: Trump ordonne l’expulsion de 60 Russes (03.2018)

Pour faire face à la Russie, les Etats-Unis déploient leur armée en Europe de l’est (04.2018)

Trump critique l’Allemagne pour le projet Nord Stream 2 (04.2018)

Washington sanctionne des « oligarques » proches de Poutine (04.2018)

Trump lance des frappes ciblées en Syrie avec la France et le Royaume-Uni (04.2018)

Tensions entre les États-Unis et la Russie autour de la Syrie : vers un retour de la Guerre froide ? (04.2018)

Aluminium. Le géant russe Rusal, sanctionné par Washington, dévisse à la Bourse (04.2018)

Iran : la Russie « profondément déçue » par la décision de Trump (05.2018)

Trump demande à ses alliés d’accroître leurs dépenses militaires à… 4% du PIB (07.2018)

Otan: Trump affirme à Macron qu’il n’y a « pas de rupture » avec l’Europe (07.2018)

Affaire Skripal. Washington annonce de nouvelles sanctions contre Moscou (08.2018)

Etats-Unis : signature d’un budget record pour le Pentagone (08.2018)

Donald Trump prêt à lancer son armée de l’espace (08.2018)

Les États-Unis sanctionnent la Chine pour ses achats d’avions Su-35 et de systèmes S-400 auprès de la Russie (09.2018)

L’Inde acquiert des systèmes antiaériens russes, malgré les avertissements de Washington (10.2018)

Trump se retire d’un traité nucléaire avec la Russie (10.2018)

Donald Trump va infliger de nouvelles sanctions à la Russie (11.2018)

Tensions entre la Russie et l’Ukraine : Trump annule une rencontre avec Poutine (11.2018)

Ingérence électorale: sanctions américaines contre des agents russes (12.2018)

Affaire Skripal : les Etats-Unis imposent de nouvelles sanctions financières à la Russie (08.2019)

Les États-Unis sortent officiellement du traité de désarmement sur les armes nucléaires FNI (08.2019)

Les États-Unis vont déployer 1000 soldats en Pologne, selon Trump (06.2019)

Donald Trump approuve les sanctions américaines à l’égard des entreprises collaborant au gazoduc Nord Stream 2 (01.2020)

Les États-Unis sanctionnent Rosneft Trading S.A. pour sécuriser les ressources naturelles du Venezuela (02.2020)

Trump annonce le retrait du traité Ciel ouvert, accusant Moscou de le violer (05.2020)

Trump confirme pour la première fois une cyberattaque américaine contre la Russie (07.2020)

Traité New Start : Washington rejette l’offre «inacceptable» de Poutine (10.2020)

Les États-Unis se retirent officiellement du traité « Ciel ouvert » (11.2020)

La Russie accuse un navire américain d’avoir violé ses eaux territoriales (11.2020)

Les États-Unis sanctionnent la Turquie pour l’achat de missiles russes S-400 (12.2020)

Pompeo accuse la Russie de « semer le chaos » autour du bassin méditerranéen (12.2020)

Les Etats-Unis vont fermer leurs consulats en Russie (12.2020)

Les Etats-Unis accentuent les sanctions contre le gazoduc Nord Stream 2 (01.2021)

Si vous vous demandez pourquoi nos medias n’inspirent aucune confiance, que prolifèrent les théories du complot, que le public ne montre plus d’intérêt pour s’impliquer dans nos démocraties, vous avez la réponse. Les médias, autrefois surnommés « 4e pouvoir », n’en sont devenus que le prolongement négatif, en soutenant des gouvernements qui financent les opposants dans d’autres pays, qui ne respectent pas le droit international, qui mentent sur leurs propres actions pour échapper au verdict des urnes, etc…

A méditer

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Affaire Navalny, la vidéo et autres questions posées à Jacques Baud dans le cadre de nos entretiens

-Jacques BAUD, dans le précédent sujet de ce blog consacré au blogueur russe Alexeï Navalny, vous nous avez fait part de diverses informations de grand intérêt pour comprendre comment nos médias relatent   ce qui concerne celui qu’ils s’ingénient – à tort, nous l’avons aussi vu- à considérer comme « principal opposant » du Kremlin. En lien avec la tentative d’empoisonnement qui l’a visé à l’été 2020, c’est une vidéo postée le 21 décembre dernier qui a à nouveau défrayé la chronique de nos médias « mainstream ». Quelle est votre lecture de ce nouvel épisode de l’affaire?

Jacques BAUD: -Le 21 décembre est publiée une vidéo montrant Navalny téléphonant à l’un de ses « empoisonneurs » du FSB. La vidéo fait un « buzz », mais en réalité on ne connait pas l’identité réelle de l’interlocuteur de Navalny, et rien ne démontre qu’il soit réellement un agent du FSB. En admettant qu’il le soit, pourrait-il ainsi s’exprimer librement avec un inconnu au téléphone et donner des détails sur une opération qui serait vraisemblablement classifiée ? En admettant que cet « agent » ait été chargé de la surveillance de Navalny, n’aurait-il pas reconnu sa voix au téléphone ? etc., etc. Par ailleurs, nous avons déjà évoqué la méthodologie pour le moins discutable utilisée par Bellingcat pour identifier les agents russes : définir un profil et chercher les individus qui correspondent à ce profil, mais sans pouvoir le relier matériellement à l’action qu’on lui attribue. On pourrait entrer ici dans de très nombreux détails qui montrent que Bellingcat ne connait ni le fonctionnement, ni la structure des services de sécurité russes et que dès lors sa méthode conduit très vraisemblablement à de faux résultats. D’ailleurs, au contraire de certains médias peu scrupuleux qui relaient la théorie du complot, CNN – qui a enquêté sur place – avoue qu’elle n’a pas été en mesure de confirmer les accusations de Navalny…

Le média Meduza, a questionné quatre avocats pour savoir si la vidéo de Navalny apportait la preuve que le FSB aurait tenté de l’empoisonner. Tous s’accordent pour déclarer que même si techniquement une vidéo peut être utilisée comme preuve, que le contenu de cette vidéo peut prêter à toutes les manipulations et est très insuffisante pour prouver quoique ce soit.

Quant à Bellingcat, auquel se réfèrent régulièrement des conspirationnistes d’extrême-droite, Conspiracy Watch, Antoine Hasday, et de nombreux journaux occidentaux comme Le Temps ou la Tribune de Genève, un document interne britannique de l’Integrity Initiative (le programme d’influence du gouvernement britannique, qui finance – en partie – Bellingcat) sur la lutte contre la désinformation russe, daté de juin 2018, le juge de la manière suivante :

Bellingcat a été quelque peu discrédité, à la fois en répandant lui-même de la désinformation et en étant prêt à produire des rapports pour quiconque est prêt à payer.

Ce qui remet en perspective l’affirmation de l’Institut de Hautes Etudes Internationales et du Développement (IHEID) selon laquelle « Les enquêtes de Bellingcat ne reposent pas sur des fuites ou des hacks, mais sur des informations de sources ouvertes librement disponibles », ce qui est manifestement faux, comme ici et ici. D’ailleurs, en l’occurrence, le magazine Foreign Policy affirme que Bellingcat est une forme de « prête-nom » pour la politique américaine et cite Marc Polymeropolous, ex-vice-directeur des opérations de la CIA en Europe et en Eurasie, qui déclare : « Je ne veux pas être trop dramatique, mais nous adorons ça ! »

Donc, au final, nous n’en savons rien et ceux qui prétendent savoir ou excluent d’emblée des possibilités alternatives sont soit des menteurs, soit des individus qui voient des complots partout (complotistes). Les différents rapports sur cet empoisonnement, publiés par l’hôpital de la Charité, par l’OIAC, par l’Allemagne, la Suède ou la France, sont basés sur les échantillons biomédicaux (prélèvements de sang et d’urine) et aucun ne confirme le mode d’empoisonnement, ni ne fait référence aux bouteilles ou aux sous-vêtements. L’affirmation selon laquelle il s’agirait de Novitchok est clairement abusive en l’état. Quant au lien avec les services secrets russes il est au mieux circonstanciel, et non factuel, car à ce stade, rigoureusement rien – pas même la conversation de Navalny – ne permet de lier les autorités russes à une tentative d’empoisonnement.

Dans ce contexte, on peut raisonnablement se demander si le risque politique que Navalny constitue pour le gouvernement russe est à la mesure du risque politique de tenter son élimination. C’est pourquoi, il est tout aussi raisonnable de penser que « d’autres acteurs », touchés par ses enquêtes sur la corruption – notamment dans les milieux de la criminalité organisée – pourraient avoir un intérêt existentiel à le supprimer… D’ailleurs, la Tribune de Genève, qui défend généralement des théories complotistes concernant la Russie, constate que Navalny a « des centaines d’ennemis parmi lesquels des individus déterminés ». Dès lors, pourquoi exclure toutes les hypothèses autres que celles impliquant le gouvernement russe, notamment le crime organisé ? J’aimerais bien savoir qui paie ces journalistes!..

Le problème dans ces affaires n’est pas tellement de savoir qui a tort ou qui a raison, mais le fait que des situations inexpliquées deviennent la base pour des décisions politiques. Exactement, comme le font Conspiracy Watch et le journaliste Antoine Hasday : ils créent des certitudes à partir de situations peu claires, on attribue ainsi aux gens exactement l’opposé de ce qu’ils voulaient dire ou faire initialement, donnant ainsi du crédit à la corruption des mécanismes de décision que je tente de dénoncer. C’est la définition même du complotisme. On ne lutte pas contre les tyrannies en en établissant d’autres. On ne lutte pas contre les abus en ne tolérant que les nôtres. On constate que ceux qui prétendent lutter pour la démocratie et les droits de l’Homme, ne font souvent que relayer des idées extrémistes qui radicalisent l’action au lieu de privilégier le dialogue et la diplomatie. Nous y reviendrons dans notre entretien sur la guerre de l’influence.

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Affaire Navalny, quelques questions à Jacques BAUD dans le cadre de nos entretiens

-Jacques BAUD,  dans nos entretiens dont je rappelle le lien qui renvoie à l’ensemble des sujets que nous avons abordés, il a été question de complot, de complotisme, de conspirationnisme et de guerre d’influence. Dans laquelle de ces catégories placeriez-vous la tentative d’empoisonnement qui a visé le blogueur russe Alexeï Navalny que nos médias s’obstinent à nous présenter comme « principal opposant » de Vladimir Poutine alors que de longue date, toutes celles et ceux qui savent ce qu’il en est du poids politique réel de cet homme, ne cessent de rappeler qu’il dépasse pas même les doigts d’une seule main et que, de fait, Navalny ne représente aucun « danger » pour le Kremlin. Mais il semble que le mettre en cause importe vu que, récemment encore, il a été rappelé qu’il était « dans le collimateur du Kremlin », selon RFI pour ne citer que ce site tandis que Le Monde y va aussi de sa version.

Quel est votre regard sur cette affaire et sur son traitement médiatique occidental?

Jacques BAUD: – Comme nous l’avons vu, les médias occidentaux relaient la propagande américaine. Les phénomènes inexpliqués sont presque automatiquement attribués à une cause unique et indiscutable : des « complots » ourdis par les services secrets – sous la conduite directe des dirigeants – pour éliminer les individus qui ne leur plaisent pas. En fait, c’est la définition exacte du « complotisme »

Ainsi, en août 2013, plusieurs médias francophones comme BFMTV, Atlantico ou la Tribune de Genève, et anglo-saxons, comme The Telegraph, USA Today ou CNBC répercutent la propagande de l’extrême-droite sud-coréenne et annoncent que Kim Jong-Un aurait fait fusiller sa petite amie Hyon Song-Wol… Mais cette dernière réapparait en mai 2014 à la télévision, contraignant certains à reconnaitre la piteuse qualité de leur travail journalistique ! En juin 2019, le journal britannique The Mirror constatera que les rapports sur sa disparition avaient été « beaucoup exagérés » !… Ah bon ?

En mai 2015, BFMTV, Le Point, RTL et d’autres médias annoncent que Kim Jong-Un aurait fait empoisonner sa tante Kim Kyong-Hui parce qu’elle se serait opposée à la construction d’un « acquaparc » ! Pourtant, en janvier 2020, elle réapparait en public aux côtés de Kim Jong-Un, et la BBC évoque même qu’elle aurait un nouveau rôle au sein du régime.

Durant la présidence de Donald Trump, nos médias diffusent ses mensonges et soutiennent – sans aucune analyse critique – sa politique de discorde internationale, corollaire de la doctrine de l’ « America First ». En février 2016, les médias, dont la Tribune de Genève, annoncent l’élimination du général Ri Yong-Gil, chef d’état-major de l’Armée populaire… mais il réapparait quelques mois plus tard, au Congrès du Parti communiste … avec une promotion !

Le 31 mai 2019, la presse occidentale – comme France 24, le New York Times, Reuters et d’autres – annonce que Kim Jong-Un « aurait fait exécuter des collaborateurs » pour « se venger », dont Kim Hyok-chol (principal négociateur du sommet avec le président Trump). Mais le même jour, Kim Hyok-Chol est vu en public alors qu’il assiste à un spectacle réalisé par son épouse.

Il y a donc de « bons complotismes » (comme ceux qui attribuent des complots à la Russie, à la Chine, à l’Iran, etc.) et de « mauvais complotismes » (qui mettent en doute les attributions de complots à la Russie, etc.)

L’affaire Navalny, qui a défrayé la chronique ces derniers mois, fait partie de ce « complotisme de bon aloi », propagé par nos médias. Rappel des faits : le 20 août 2020, l’opposant russe Alexeï Navalny souffre de douleurs lors du vol qui le ramène de Tomsk à Moscou. L’avion fait alors un atterrissage d’urgence à Omsk afin de permettre son hospitalisation d’urgence. Le 22 août, à l’initiative d’une ONG allemande, Navalny est transporté en Allemagne, pour être hospitalisé à la clinique de La Charité à Berlin jusqu’à sa sortie en octobre. L’entourage de Navalny, et les médias occidentaux accusent le gouvernement russe d’avoir tenté d’empoisonner l’opposant. En décembre, Navalny met en ligne une vidéo le présentant en train de téléphoner à l’un de ses empoisonneurs avec l’assistance de l’organisation Bellingcat.

Mais qu’en est-il en réalité ? Tout d’abord, qui est Alexeï Navalny ?

Les médias de propagande occidentaux le présentent comme « chef de file » ou « leader » de l’opposition. Pourtant, comme le reconnait les Checknews du journal Libération, c’est simplement l’opposant le plus visible. On utilise le prétexte son Fond de Lutte contre la Corruption (FBK) pour le présenter comme un démocrate, mais on en est bien loin : en 2007, il est expulsé du parti de centre-droite « Yabloko » en raison de ses « activités nationalistes » à tendance racistes. Ses idées ultra-nationalistes et d’extrême-droite, l’apparentent davantage à ce que l’on appelle un « populiste » en Occident : la vidéo où il met en scène le fait d’abattre un migrants tchétchènes en Russie est éloquente. D’ailleurs, c’est en drainant les votes des extrêmes de droite et de gauche – qui ne sont pas assez nombreux séparément pour participer à des élections – qu’il a mis au point le concept de « smart voting ». Ainsi, son « succès » aux municipales de Moscou en 2013, où « il » obtient 27% (et non 30%, comme le prétend Wikipédia), est, en fait, celui d’une coalition très disparate politiquement et dont les rivalités internes sont très fortes, même si les extrêmes finissent par se ressembler.

En réalité, sa popularité est faible. Un sondage effectué entre le 20 et le 26 août 2020 (juste après « l’empoisonnement ») par le Centre Levada (financé par les Américains et considéré en Russie comme « agent étranger ») montre la différence de popularité entre Vladimir Poutine et Alexeï Navalny.

Par ailleurs, les sondages effectués par l’institut indépendant VCIOM à la fin août 2020, après la tentative « d’empoisonnement » de Navalny, montrent une légère augmentation de l’approbation de l’action du président Poutine.

En fait, la popularité de Navalny dans les médias occidentaux lui nuit plus qu’elle ne le sert : les Russes tendent à y voir une marionnette de l’Occident. Par ailleurs, il faut également mentionner ici que Navalny – qui a commencé sa carrière comme « dépeceur » d’entreprises (en revendant les branches les plus lucratives et en abandonnant les autres) est sous le coup de plusieurs inculpations pour détournements de fonds et blanchiment d’argent. C’est important, car dans le cadre de ces procédures, il n’est pas habilité à quitter le territoire russe.

Cela étant, la manière dont il a été empoisonné reste un mystère.

-Justement, que disent les différentes versions qui ont été livrées de cette tentative d’empoisonnement?

Jacques BAUD: -Dans une première version, son entourage affirme qu’il a été empoisonné en buvant du thé à l’aéroport de Tomsk. Mais problème : on constate que le thé lui a été servi par un de ses proches. Son entourage évoque alors une deuxième version : un empoisonnement avec les bouteilles d’eau bues à l’hôtel. Ces bouteilles sont récupérées à l’hôtel le 20 août par l’équipe de Navalny, restée à Tomsk. Le Sun publie la vidéo en effaçant les commentaires de la femme de chambre appelant à ne rien toucher avant l’arrivée de la police, afin de cacher que la scène de crime présumée a été altérée. Dès lors, l’intégrité de la chaine de traçabilité n’est plus assurée ; ce que les partisans de la théorie du complot ne mentionneront évidemment pas. L’entourage de Navalny prétendra avoir apporté les bouteilles en Allemagne pour analyse. Mais les « scans » des bagages examinés à l’embarquement – dont les photos ont été publiées par le média privé REN TV (appartenant pour 30% au groupe RTL) – ne montrent aucune bouteille (qui aurait de toute façon été confisquée), tandis que les caméras de surveillance montrent qu’une proche de Navalny achète de l’eau dans un distributeur automatique après le contrôle des bagages. De toutes façons, selon la BBC, Navalny n’aurait rien ingurgité d’autre que son thé à l’aéroport ce matin-là. Par ailleurs, on pourrait s’étonner du fait que ces bouteilles n’aient jamais été soumises aux médecins qui soignaient Navalny à Omsk et qui auraient – théoriquement – pu aider à éclairer son traitement…

Les partisans de Navalny avancent alors une troisième version : l’empoisonnement des slips de Navalny, révélée par le très médiatisé appel de Navalny (aidé des activistes de Bellingcat), à un « agent du FSB », diffusé en boucle sur les médias occidentaux.

-Et de ce poison, qu’en sait-on exactement? Y a-t-il une part des choses à faire entre sa réalité et ce qui en est énoncé dans la majorité de nos médias?

Jacques BAUD: -Tout d’abord, je dois vous dire que comme spécialiste en armes chimiques de l’Armée, je n’avais jamais entendu parler du Novichok avant 2006, avec la publication du livre de Vil Mirzayanov, un de ses concepteurs. Et pour cause : c’est un toxique de combat qui n’a jamais été adopté par l’URSS/Russie et qui n’a été qu’un produit de la recherche soviétique dans les années 80, rapidement abandonné en raison de sa difficulté à être manipulé sur le champ de bataille. Depuis le début des années 90, les laboratoires qui l’avaient développé appartiennent à des républiques indépendantes. Mais le Novitchok a été synthétisé par certains pays occidentaux comme l’Allemagne, les États-Unis, la Tchécoslovaquie, l’Ukraine ou la Grande-Bretagne à des fins diverses.

Le Novichok a été révélé au grand public par l’affaire Skripal en 2018. C’est un toxique qui fait partie de la catégorie des toxiques innervants (également appelés « neurotoxiques » ou « nervins » dans l’armée suisse). Comme vous le savez, nos muscles se contractent grâce à l’acétylcholine (ACh) libérée dans les synapses de nos nerfs moteurs, et se relâchent grâce à l’effet d’une enzyme qui « neutralise » l’acétylcholine : l’acétylcholinestérase (AChE). Les neurotoxiques agissent en inhibant l’AChE. Autrement dit, les muscles se contractent et ne se relâchent plus : c’est une crampe généralisée, qui bloque le cœur et la respiration, provoquant la mort. Il existe plusieurs sortes de neurotoxiques : les agents G (comme le sarin), les « moins » toxiques, dont la dose létale est de l’ordre de 1mg ; les agents V (comme le VX) un peu plus toxiques, avec une dose létale de l’ordre de 0,5-0,1mg ; et les agents de type Novichok, dont la dose létale est d’environ 0,2-0,1mg. On parle donc de quantités infimes, qui peuvent tuer un individu en moins de deux minutes. Cela étant, les inhibiteurs d’AChE ne sont pas propres aux neurotoxiques de combat : on les trouve également dans les insecticides (à partir desquels ont été développé les toxiques de combat) et dans certains traitements contre des maladies neurologiques. En 2019, à la demande de la Russie, les formules de quatre agents apparentés au Novichok ont été ajoutées à la liste de l’Organisation pour l’Interdiction des Armes Chimiques (OIAC).

-Jacques BAUD,  merci de ces précisions de première importance. Dans ce sens, que pouvez-vous nous dire de ces tentatives d’empoisonnement qui ont visé les Skripal et Navalny? Sont-elles du même ordre? Et si non, en quoi différent-elles selon vous?

Jacques BAUD: -Le jeudi 20 août, à Omsk, Navalny est hospitalisé d’urgence. Ses symptômes sont très différents de ceux des Skripal en 2018. Contrairement à ce que suggère la presse occidentale (comme la RTS), le coma ne résulte pas de l’empoisonnement, mais de la décision des médecins de le mettre en coma artificiel afin de faciliter son oxygénation (selon le même principe que les malades de la CoViD-19). Compte tenu de ses symptômes, les médecins le traitent immédiatement contre un empoisonnement, mais les tests réalisés ne montreront pas de traces d’inhibiteurs d’AChE, comme le montrent les photos publiées par le média d’opposition russe Meduza, basé en Lettonie. A la demande d’une ONG allemande, et malgré son interdiction de quitter le territoire russes pour des raisons judiciaires, les autorités russes donnent leur accord pour qu’il soit traité en Allemagne. Il est transporté en avion le vendredi 21 dans l’après-midi.

Selon le New York Times, à peine Navalny arrivé en Allemagne, des agents de la CIA américaine et du MI6 britannique étaient auprès des autorités allemandes pour leur donner des détails sur les agents russes « impliqués ».

Le 24 août, dans un communiqué de presse, l’hôpital de la Charité déclare que les analyses cliniques « indiquent une intoxication par une substance du groupe des inhibiteurs de cholinestérase ». Pourtant les médecins d’Omsk n’en n’avaient pas détecté. Alors : complot ? Non, pas forcément. Comme l’explique le média d’opposition Meduza, les médecins allemands ont cherché à prouver un empoisonnement, alors que les médecins russes ont cherché la cause de la maladie. Le média constate qu’ils n’ont donc pas cherché – ni trouvé – la même chose, ce qui est cohérent.

L’Allemagne fait alors une demande d’assistance à l’OIAC, qui envoie une équipe pour prélever des échantillons de sang et d’urine à des fins d’analyse le 6 septembre.

Le 14 septembre, le gouvernement allemand publie une déclaration dans laquelle il informe qu’il a chargé des laboratoires suédois et français d’analyser des prélèvements faits sur Navalny. Il affirme que sur la base de prélèvements sur Navalny, un « laboratoire spécial » (en fait : l’Institut für Pharmakologie und Toxikologie der Bundeswehr (IPTB) de Munich) a réalisé un test toxicologique qui a fourni « la preuve irréfutable d’un agent neurotoxique chimique du groupe Novichok », confirmé par les laboratoires français et suédois.

Comme dans le cas de l’affaire Skripal, en 2018, le gouvernement allemand n’est pas en mesure d’affirmer que le toxique est d’origine russe. En 2018, Gary Aitkenhead, directeur du laboratoire de Porton-Down s’était opposé à ce que le Novichok soit attribué à la Russie, c’est pourquoi, le 12 mars, devant le Parlement, Teresa May avait dû utiliser la formulation « d’un type développé par la Russie », qui sera reprise par la suite par l’OTAN. Le 20 mars Boris Johnson mentira en affirmant qu’Aitkenhead avait confirmé l’origine russe du Novichok. Naturellement, les médias occidentaux complotistes ne reflèteront pas cette nuance, la Tribune de Genève ajoutant même un « point Godwin » en affirmant que les agents VX ont été « conçus par l’Allemagne nazie », ce qui est faux (mais vrai pour le Sarin).

Le 6 octobre, l’OIAC publie son rapport et observe :

Les biomarqueurs de l’inhibiteur de la cholinestérase trouvés dans les échantillons de sang et d’urine de M. Navalny ont des caractéristiques structurelles similaires à celles des produits chimiques toxiques appartenant aux tableaux 1.A.14 et 1.A.15, qui ont été ajoutés à l’annexe sur les produits chimiques de la Convention à la Vingt-quatrième session de la Conférence des États parties en novembre 2019. Cet inhibiteur de la cholinestérase ne figure pas dans l’annexe sur les produits chimiques de la Convention.

Le rapport conclut que Navalny « a été exposé à un produit chimique toxique agissant comme un inhibiteur de la cholinestérase ». Le biomarqueur est nommé dans la version classifiée du rapport, mais pas l’inhibiteur de la cholinestérase, qui ne figure pas sur la liste des produits considérés comme arme chimique.

Le 12 décembre 2020, le Times de Londres, suivi par le New York Post et DW, affirment que Navalny a été l’objet d’une seconde tentative d’empoisonnement « par le Kremlin » à l’hôpital d’Omsk avant son départ pour l’Allemagne. Cette accusation n’est rendue possible que parce que les proches de Navalny cachent des informations.

Car le 22 décembre, dans la revue médicale The Lancet, les médecins allemands publient leur rapport préparé par David Steindl, spécialiste des pathologies musculo-squelettiques et Kai-Uwe Eckardt, spécialiste du diabète et des greffes rénales. On y apprend alors que le vendredi 21 août, 31 heures après l’hospitalisation de Navalny, un médecin allemand est à Omsk aux côtés de Navalny, et qu’au moment de son transport « son état s’est légèrement amélioré ». Les partisans de Navalny – et les complotistes de tout poil – ont évidemment caché ce détail afin d’accuser les médecins russe de complicité « avec le pouvoir ». Ainsi, les médecins russes ont non seulement stabilisé Navalny, mais leur traitement a été efficace : les proches de Navalny et les médias ont donc menti (une fois de plus).

Quant à l’affirmation que les médecins russes « l’ont probablement gardé en Sibérie assez longtemps pour qu’on ne puisse plus déceler le poison », elle est fréquemment avancée par les complotistes (c’est-à-dire : qui voient des complots partout) d’extrême-droite, et des journalistes à l’éthique douteuse. En fait, sur le média d’opposition Meduza, un expert de l’OIAC met en doute cette accusation et affirme que les inhibiteurs de la cholinestérase se fixent sur la cholinestérase et restent ainsi dans le corps plus de trois à quatre semaines. Donc, en gardant moins de deux jours Navalny, les médecins russes n’ont pas cherché à cacher quoique ce soit, contrairement à ce qu’affirment des journalistes incultes.

-Merci, Jacques BAUD, de ces informations fort intéressantes dont la suite sera publiée dans le prochain sujet de ce blog. En attendant, je relève que vous citez en référence Meduza, le média d’opposition qui appartient à Mikhaïl Khodorkovsky, « le plus célèbre prisonnier de Russie » comme le rappelle cet article récemment paru et dans lequel est exposé le programme politique de Khodorkovsky. Cette source médiatique dont vous usez ici à plusieurs reprises est du plus grand intérêt en ceci qu’elle indique à quel point la situation politique est autrement plus complexe que celle que nous vendent nos journalistes et leurs habituels experts.

Culture, Politique, société, Voix

Nouvelle sortie éditoriale en France, nouvelle levée d’omerta…

La littérature a-t-elle vocation à se muer en espace de règlements de compte d’ordre familial quand ce n’est pas en cour de justice fictive?

Le public est-il sollicité comme lecteur d’une oeuvre, comme jury d’un acte condamnable ou comme voyeur lorsqu’on lui expose les méfaits d’une personnalité publique?

Car enfin, c’est à lui que le livre est soumis, c’est à lui que le livre s’adresse. Et qu’il soit le plus nombreux possible, ce public, est évidemment aussi la raison du moment éditorial retenu.

A propos de son beau-père qui a commis l’inceste non pas sur elle mais sur son frère jumeau, Camille Kouchner déclare vouloir l’« enfermer dans un livre »

On croit lire Vanessa Springora qui a usé de ces termes mêmes lorsqu’elle s’est exprimée au sujet de Gabriel Matzneff.

Deux ouvrages, deux parutions début janvier, à un an d’intervalle.

Résultat?

Certains cercles parisiens en vue sont concernés. L’an dernier, d’ordre littéraire et politique, cette année, d’ordre médiatique et-politique.

Avec, à la clé, l’illusion qu’« enfermer dans un livre »  changera quoi que ce soit?

Culture, Politique, société, Voix

2020-2021!

Qu’un brin d’espoir et qu’un zeste de rêve vous accompagnent vers l’année à venir!

L’espoir ferait vivre, selon le proverbe…

Quant au rêve, le temps qu’il se déroule emporte ailleurs…

Bonne et heureuse année à toutes et à tous!

 

Economie, Histoire, Politique, société, Voix

Entretiens avec Jacques BAUD, la guerre d’influence et la désinformation, 3e partie.

-Jacques BAUD, vous revenez sur la gestion de la pandémie due au coronavirus pour évoquer les liens entre monde politique et monde médical. A titre d’exemple, vous citez le cas du vaccin russe. Merci de nous expliquer en quoi vous le considérez victime de désinformation.

Jacques BAUD: -En Occident, la crise de la CoViD engendre un mécontentement généralisé. Les gouvernements se sont montrés totalement incohérents : ils accusaient la Chine de cacher l’épidémie, mais n’en ont tiré aucune conséquence sur leur propres préparatifs. Par la suite, incapables de formuler des stratégies d’action et trop arrogants pour s’inspirer du modèle chinois, leurs réactions ont été des suites de va-et-vient stériles, voire destructeurs.

Le monde médical s’avère incapable de respecter sa déontologie et se fait la voix des gouvernements et de leurs errements. Les déclarations de médecins sur l’utilité (ou non) des masques et des confinements (ou non), sur les mutations (ou non) du virus, etc. n’ont fait que susciter la méfiance et ouvrir la porte au complotisme.

Pour paraitre maitriser la situation, les dirigeants européens utilisent plusieurs recettes. La première est vieille comme le monde : créer des ennemis extérieurs. La Chine et la Russie, héritières de régimes autoritaires sont des cibles idéales. La Chine a été la première touchée par le virus.

Mais la Russie a été touchée très tardivement comme le montre le graphique placé en illustration de notre entretien.

En mars 2020, la presse occidentale affirme que la Russie « court au désastre » et prédit son effondrement, tandis que le chercheur Arnaud Dubien, directeur de l’Observatoire franco-russe, affirme que « sans doute y a-t-il comme partout ailleurs une sous-estimation des cas » : c’est un mensonge, car il n’en sait rien. En fait, après avoir rapidement mis en place des mesures de prévention et des structures de traitement, la Russie présente un taux de létalité très faible. Rappelons qu’au 27 décembre, la Russie a deux fois moins de cas et trois fois moins de morts par habitants que la France !

Après l’avoir accusée de mentir sur sa mortalité, on a tenté de montrer qu’elle « trichait » dans la course au vaccin. Le 16 juillet 2020, le Royaume-Uni, les Etats-Unis et le Canada accusent un groupe de hackers russes, « appartenant presque certainement aux services de renseignement russes » de tenter de voler des données relatives à la recherche sur un vaccin . En fait, ces pays n’en savent rien du tout et mentent : outre le fait que le groupe de hackers APT29 n’a jamais pu être associé de manière formelle aux services russes, le fond de l’affaire est sujet à caution :

  • Premièrement, la Russie développe aussi un vaccin et le 13 juillet, elle venait de conclure avec succès la première phase de tests . Apparemment, certaines personnalités auraient même déjà été vaccinées, une information qui n’est cependant pas confirmée et probablement confondue avec les tests de la phase 2 alors en cours…
  • Deuxièmement, le Times de Londres révèle que « R-Pharm, basé à Moscou, a déclaré être convenu avec AstraZeneca, le géant britannique de la pharmacie, de fabriquer le vaccin qu’il développe avec l’Université d’Oxford ».

On ne voit pas vraiment pourquoi un laboratoire travaillant avec un partenaire britannique (et apparemment avec une certaine avance) chercherait à lui voler des données… En fait, cet incident témoigne de l’incapacité des services occidentaux à détecter l’origine des attaques informatiques …

C’est peut-être cette accusation qui a poussé Vladimir Poutine à annoncer, le 11 août, que la Russie avait développé son propre vaccin baptisé « Spoutnik V ». La désinformation occidentale s’empare de la nouvelle. Tout d’abord, on fustige l’appellation « Spoutnik », qui fait manifestement référence à un succès de la technologie soviétique ; mais en décembre 2020, personne ne s’offusquera lorsque les Britanniques baptiseront « V-Day » et les Américains « D-Day », le premier jour de leurs vaccinations, en se référant à la Seconde guerre mondiale …

Plus sérieusement, on affirme que la Russie a « validé » ou « approuvé pour utilisation » le vaccin, « alors même que les essais cliniques ne sont pas terminés » ; NBC News suggère que la Russie pourrait « sauter la phase 3 » de la procédure, tandis que Reuters affirme que le vaccin pourrait être distribué dès octobre 2020 . Donald Trump va même plus loin en imposant des sanctions aux laboratoires russes qui ont participé à la réalisation du vaccin , sous prétexte qu’ils participeraient à des programmes d’armes chimiques et bactériologiques !

On affirme que le vaccin russe n’a pas suivi les protocoles de tests habituels. C’est de la désinformation. En fait, anticipant l’attaque des médias occidentaux contre ce vaccin, les autorités russes ont établi un site web qui en donne tous les détails , mais manifestement les journalistes se sont limités à recopier la propagande américaine et des compagnies pharmaceutiques occidentales sans le consulter. On accuse Vladimir Poutine de brûler les étapes en « validant » le vaccin. C’est faux. Il a simplement dit que le vaccin a été « enregistré », afin de pouvoir mener la phase 3 des essais cliniques avec plusieurs milliers de volontaires. Le magazine Valeurs Actuelles affirme même que le vaccin serait distribué dès la fin du mois (d’août 2020) . C’est un mensonge, car le certificat d’enregistrement du vaccin (alors disponible en ligne) précise qu’il n’y aura pas de distribution généralisée autorisée avant le 1er janvier 2021 . Malgré la disponibilité de documents officiels, la désinformation se prolonge sur les plateaux de télévision en France, où des « scientifiques » affirment, sans savoir, en politisant la question. Sur France 5, le Dr Patrick Berche affirme que l’annonce de Poutine est « inadmissible », suggérant que le vaccin n’a pas été testé . Il ment : outre les détails donnés sur le site du vaccin russe (mais qu’il n’a manifestement pas lus), la revue médicale The Lancet – qui soumet ses articles à un examen par des experts avant publication – détaille la procédure de tests et juge que le vaccin est sûr et apporte une bonne immunité.

Le 28 novembre, dans l’émission « Télématin »  de France 2, Luc Lacroix, correspondant à Pékin, relativise l’efficacité de 91,4% annoncée pour le vaccin russe, car il n’aurait été « calculé que sur 39 patients », et qu’il aurait été « homologué avant la fin des essais cliniques ». La seconde affirmation est fausse, comme nous venons de le voir, et la première est un mensonge : dans un communiqué officiel du 24 novembre (en français !), les autorités russes informent que:

Le calcul de l’efficacité a été basé sur l’analyse des données concernant 18 794 volontaires ayant reçu leurs première et deuxième injections du vaccin Spoutnik V ou du placebo qui a été effectuée au deuxième point de contrôle, à savoir le 23 novembre 2020 : seuls 39 volontaires tombés malades, conformément au protocole d’étude clinique.

En novembre 2020, la firme AstraZeneca annonce que son vaccin n’aura qu’une efficacité de 62%. La cause en est son vecteur adénoviral issu du chimpanzé, qui provoque une réaction immunitaire qui nuit à l’efficacité globale du vaccin. La Russie offre alors de partager le vecteur adénoviral humain du Spoutnik V avec la firme britannique afin de sauver son vaccin… Mais les medias occidentaux restent très discrets sur cette offre et préfèrent mentir  sur les « vols de données », sur la capacité de la Russie à produire un vaccin, etc…

Mais dans ce climat de désinformation, la Chine n’est pas oubliée, et on lui reproche sa « diplomatie du vaccin ». Le 8 décembre 2020, dans l’émission « C dans l’air », le Dr Patrick Berche, membre de l’académie de médecine, affirme que la Chine n’a publié « aucune » donnée sur son vaccin . Il ment: quelques secondes plus tard, la Dr Prof. Anne-Claude Crémieux rétablit la vérité en affirmant que depuis avril-mai 2020, les Chinois ont publié les résultats de leurs travaux pour l’élaboration du vaccin et des tests. On constate donc, que même les scientifiques politisent la science à des fins de désinformation, et on s’étonne qu’ils n’aient plus de crédit !..

-Jacques BAUD, merci de vos éclairages! A toutes fins utiles, je rappelle à nos lectrices et à nos lecteurs, la liste de l’ensemble de nos 13 entretiens publiés sur ce blog.

Economie, Politique, société, Voix

Entretiens avec Jacques BAUD, la guerre d’influence et la désinformation, 2e partie

-Jacques BAUD, en complément à notre précédent entretien, vous tenez à apporter encore quelques remarques relatives à ce qui s’énonce dans nos médias dits mainstream, du coronavirus et de la Chine.

Jacques BAUD:-Au début 2020, les Occidentaux reprochent à la Chine de cacher des informations sur l’origine et l’importance de l’épidémie. Boris Johnson évoque la Chine comme un « Etat-pariah ». En réalité, la Chine tente de comprendre l’épidémie. Entre le 15 janvier et le 3 mars 2020, en fonction de sa connaissance des symptômes et de la fiabilité des tests, la Chine ajuste 7 fois sa définition des cas, en augmentant à chaque fois leur nombre, démontrant qu’elle ne tente pas de dissimuler quoique ce soit.

A la mi-mars 2020, Robert Redfield, directeur du Center for Disease Control (CDC) américain, confesse devant une commission du Congrès que les Etats-Unis ne sont pas en mesure de distinguer les victimes de la grippe et celles du coronavirus, qui ont été enregistrées comme des victimes de la grippe. Ainsi, malgré les information disponibles sur le virus et l’épidémie, les Américains font moins bien que les Chinois ! Zhao Lijian, porte-parole du ministère des affaires étrangères chinois, saisit l’occasion pour répondre aux accusations américaines. Il ironise que le virus aurait dès lors tout aussi bien pu être importé à Wuhan en septembre 2019 lors des 7e JMME, par un participant américain. Il tweete:

Le CDC est pris la main dans le sac ! Quand le patient zéro est-il apparu aux États-Unis? Combien de personnes sont infectées? Quels sont les noms des hôpitaux? Ce pourrait être l’armée américaine qui a amené l’épidémie à Wuhan. Soyez transparent! Rendez vos données publiques! Les États-Unis nous doivent une explication!

Il n’en faut pas plus pour que les médias occidentaux et des journalistes peu scrupuleux décontextualisent le tweet et clament que la Chine diffuse des théories du complot. Pourtant, contrairement à ce qu’ils affirment, cela n’a jamais été la position officielle du gouvernement chinois, mais une simple « réponse du berger à la bergère » : le tweet est accompagné d’une séquence vidéo qui montre que les accusations américaines sont purement spéculatives.

Quant à l’hypothèse des JMME, elle n’a pas son origine en Chine, mais au Canada et bien que probablement fausse, elle n’est pas complètement incongrue. En mai 2020, en France, des athlètes militaires prétendent avoir eu des symptômes après les jeux, mais l’information est démentie par le ministère des Armées:

La délégation française a bénéficié d’un suivi médical, avant et pendant les jeux, avec une équipe médicale dédiée composée de près d’une vingtaine de personnels. Il n’y a pas eu, au sein de la délégation française des JMME, de cas déclarés auprès du Service de santé des armées (SSA) de grippes ou d’hospitalisation pendant et au retour des JMME, pouvant s’apparenter, a posteriori, à des cas de Covid-19.
À ce jour et à notre connaissance, aucun autre pays représenté au JMME de Wuhan n’a par ailleurs rapporté de tels cas.

Quant à l’idée que l’épidémie soit originaire des États-Unis, elle n’est pas complètement absurde, même si ce n’est probablement pas le cas. En marge de ces accusations contre la Chine, les laboratoires américains ont une solide réputation de laisser-aller et de négligence. En octobre 2001, l’attaque terroriste à l’Anthrax avait immédiatement été attribuée à l’Irak. Sur le plateau de la RTS, j’ai été opposé à un « expert » français qui affirmait la responsabilité irakienne, alors que l’on savait déjà que les responsables étaient aux Etats-Unis. De fait, l’attaque avait été perpétrée par un expert de l’US Army Medical Research Institute of Infectious Diseases (USAMRIID) à Fort Detrick. Après cet incident, la crainte d’une attaque terroriste a poussé les États-Unis à établir rapidement une dizaine de laboratoires de niveau BSL/P3 et 4. Au fil des années, des centaines d’incidents de sécurité y ont été observés : entre 2006 et 2013, pas moins de 1 500 incidents avec des agents pathogènes ont nécessité la prise en charge médicale de plus de 800 cas! L’US Government Accountability Office (GAO) – l’équivalent américain de la Cours des Comptes – a constaté des dizaines de défaillances avec des agents pathogènes. Le 2 août 2019, à la suite d’une série d’incidents de sécurité avec des agents pathogènes de nature imprécisée (« select agents »), mais qui incluent le SARS, l’USAMRIID est fermé. Il est réouvert en 2020 avec l’apparition de la CoViD-19.

Cela étant, l’idée d’une contagion importée en Chine n’est pas absurde, puisque certaines recherches indiquent que le virus aurait circulé en Occident bien avant que les Chinois ne le détectent : en Espagne en mars 2019, en France et en Italie en décembre 2019. En mai 2020, sur BFMTV, le Dr Yves Cohen déclare qu’un homme aurait été testé positif à Paris le 27 décembre 2019 ; pourtant, il n’a pas voyagé, et la seule personne ayant pu l’infecter est sa femme, qui est asymptotique.

-J’ai, en effet appris d’une de mes relations, qu’elle avait été atteinte, en décembre 2019, d’un virus dont aucun médecin n’a réussi à lui dire ni l’origine ni le nom car il a été déclaré « inconnu » .Cette personne a souffert de violentes poussées de fièvre alors que jamais elle n’avait connu de températures aussi élevées, a dû être hospitalisée d’urgence pour une pneumonie dont on ignorait tout de ce qui avait pu la déclencher.

Jacques BAUD: -De fait, les éruptions épidémiques inexpliquées ne sont pas rares : en septembre 2018, 150 cas de pneumonie inexpliquée avaient été signalés à Brescia (Italie) et une pneumonie virale d’origine inconnue avait éclaté le 30 juin 2019 en Virginie (Etats-Unis). En 2020, malgré une information initiale considérablement plus élevée qu’en Chine, les pays occidentaux restent incapables d’identifier « leurs » propres « patients zéro ». Ainsi, en Italie, le 10 mars 2020, l’Institut Supérieur de la Santé avouait qu’il n’était pas possible de reconstruire la chaine de transmission de tous les patients. À la fin mars, un groupe de chercheurs italiens conclut que le SARS-CoV-2 était présent en Italie au 1er janvier 2020, et qu’il y circulait probablement déjà en décembre 2019 ; mais on est toujours incapable d’identifier le « patient zéro ».

A la fin avril 2020, les États-Unis ont 1,2 million de cas et 70 000 morts, et Donald Trump accentue sa pression sur la Chine en cherchant à convaincre le monde qu’elle est responsable. Alors que le gouvernement chinois y voit une question scientifique, les États-Unis – et les Occidentaux – cherchent à politiser l’origine du virus, essentiellement pour dissimuler leur négligence. Donald Trump va même jusqu’à prétendre que la Chine exploite la crise du coronavirus pour empêcher sa réélection ! Sur FOX News, le général Jack Keane affirme que:

Le président Xi Jinping a «militarisé» la propagation du coronavirus dans le monde pour détruire les économies occidentales et écraser sa concurrence.

Il évoque des mesures de rétorsion et des réparations. Une situation curieuse, car malgré un recul de plusieurs semaines et une meilleure connaissance de la CoViD-19, les pays occidentaux ont laissé le virus proliférer vers d’autres pays. Ainsi, Scott Morrison, premier ministre australien, affirme que la majorité des cas en Australie proviennent des États-Unis. Les premiers cas en Mongolie et au Sénégal sont venus de France; ceux du Nigéria et de la Jordanie sont venus d’Italie; et celui du Panama provient d’Espagne… En outre, les Américains ont la mémoire courte, car la pandémie de H1N1 en 2009, qui a fait entre 100 000 et 400 000 morts, était originaire… des États-Unis !

Alors qu’en décembre 2020, France 24 affirme que la Chine « cultive les zones d’ombre » sur l’origine de la pandémie, la célèbre revue Nature n’évoque pas de problèmes politiques, mais des difficultés d’ordre scientifique. La célèbre revue s’appuie sur une étude espagnole qui relève la présence du SARS-CoV-2 en Espagne en mars 2019 déjà, et affirme:

L’enquête initiale à Wuhan éclairera des études à plus long terme sur les origines de la pandémie, qui pourraient emmener les enquêteurs hors de Chine. (…)
Un nombre croissant d’experts pensent que les ancêtres immédiats ou proches du SRAS-CoV-2 sont plus susceptibles d’exister chez les chauves-souris en dehors de la Chine.

En fait, dès le 3 janvier, la Chine informe régulièrement Hong Kong, Macao et Taïwan (qu’elle considère comme des prolongements de son territoire), et invite des délégations à Wuhan. Le 4 janvier, le directeur du Center for Disease Control (CDC) chinois prend personnellement contact avec son homologue américain afin d’établir un canal d’échange d’informations avec les États-Unis. Mais nos médias n’en parleront pas. Contrairement aux pays asiatiques (y compris les plus grands ennemis de la Chine, comme la Corée du Sud, le Japon ou Taiwan) les Occidentaux n’ont pas voulu écouter les Chinois.

En fait, les médias – comme nous le verrons dans le cas du terrorisme – ont obscurci notre vision, ouvrant ainsi un espace au complotisme et aux fausses nouvelles, qui ont très largement contribué à la mauvaise compréhension du problème. Nous avons déjà évoqué les affirmations peu éclairées et mensongères du quotidien Le Temps (en français : désinformation), qui fustigeait la « gestion désastreuse » de la crise par le gouvernement du Belarus. Les chiffres qui apparaissent sur le graphique qui illustre ce sujet parlent d’eux-mêmes…

Culture, Religions, société, Voix

En cette veille de Noël

A vous toutes et tous et aux vôtres, Chère lectrices et Chers lecteurs,

je vous souhaite un Joyeux Noël!

Où que vous vous trouviez et entouré(e)s de qui que ce soit de votre entourage proche ou moins proche pour célébrer cette fête,

qu’elle vous soit, à toutes et à tous, heureuse et sereine!

Histoire, Politique, société, Voix

LA GUERRE D’INFLUENCE ET LA DESINFORMATION, SUITE DES ENTRETIENS AVEC JACQUES BAUD

-Jacques BAUD, dans nos précédents entretiens sur la guerre d’influence, nous nous sommes arrêtés sur l’influence, sur les mesures actives, la propagande et la censure. Aujourd’hui nous abordons la désinformation. Comment la définissez-vous au regard de la propagande, par exemple?

Jacques BAUD: -Dans le langage courant, on tend à associer les termes « propagande » et « désinformation », voir à les confondre. Or, comme nous l’avons vu, la propagande a pour objet l’accentuation d’informations (souvent justes), alors que la désinformation implique la production et la diffusion délibérée de fausses informations pour induire en erreur. Dans la hiérarchie des termes, la désinformation se situe un peu au-dessus de la propagande. En d’autres termes, on peut utiliser la propagande à des fins de désinformation : en projetant plus de lumière sur événement on peut avoir l’objectif d’induire en erreur.

Par exemple, la publicité est souvent une forme de propagande, en mettant en lumière les avantages d’un produit, mais n’a pas nécessairement pour but de tromper sur ce produit (ce qui serait illégal).

Menée au niveau politique ou stratégique, la désinformation n’est pas un geste gratuit, mais contribue à atteindre un objectif. Durant la guerre froide, nous avions deux systèmes politiques qui cherchaient à s’imposer à l’autre, par la guerre ou par la politique : l’un parce qu’il se considérait comme étant « dans le sens de l’Histoire » ; l’autre parce qu’il voyait le système communiste comme « contre nature ». C’est d’ailleurs pour cette raison que l’on parlait de « guerre froide ». Aujourd’hui, la situation est très différente : les pays communistes sont devenus les chantres du capitalisme et n’ont plus comme objectif d’imposer leur « système ». Sans doute cherchent-ils à montrer leur meilleur côté, mais l’idée que la Chine cherche à « contrer et d’affaiblir le modèle des démocraties libérales et occidentales et d’imposer un modèle autoritaire et dictatorial partout », comme le prétend Isabelle Lassere du Figaro, dans « C Dans l’air », est tout simplement fantaisiste. Aujourd’hui, la Chine s’est dotée d’un outil de production à sa dimension, et cherche à l’utiliser au profit de sa croissance… exactement comme nous le faisons.

A la fin janvier 2020, le président Trump tweete :

La Chine s’est efforcée de contenir le coronavirus. Les États-Unis apprécient beaucoup leurs efforts et leur transparence. Tout ira bien. En particulier, au nom du peuple américain, je veux remercier le Président Xi !

La situation est alors rapportée par la presse de manière relativement objective.

Mais à la fin mars, le bilan des morts aux Etats-Unis et en France, rattrape celui de la Chine… Il faut trouver des explications au désastre qui s’annonce et disculper des autorités politiques et sanitaires négligentes.

Le discours officiel à l’égard de la Chine change alors totalement : la guerre est déclarée. On prétend que les autorités chinoises ont menti et minimisé l’importance de l’épidémie, notamment en arrêtant des donneurs d’alerte et en les réduisant au silence. C’est faux. On affirmera que les services de renseignement américains avaient détecté l’épidémie en novembre 2019 déjà, ce qui s’est avéré faux. Le parti Républicain élabore une discipline de langage qui affirme que « Le Parti communiste chinois a provoqué cette pandémie » et que la Chine a « prétendu que la maladie ne pouvait pas être transmise ». Le 30 mars, la très médiatique Karine Lacombe affirme que les premiers décès chinois sont survenus en décembre 2019 déjà : elle se base sur les « résiliations massives de dizaines de milliers de lignes [téléphoniques] » à Wuhan. Elle ment : le même jour, Associated Press démonte cette « fake news » dans un « fact checking », et explique qu’il s’agit de résiliations de services liés à l’arrêt de certaines activités lors du confinement. Cela n’empêchera pas d’autres « experts », comme Philippe Dessertine de répéter ce mensonge sur France 5 en novembre 2020. Le 14 avril, l’ « experte » Valérie Niquet, de la Fondation pour la Recherche Stratégique, affirme dans un article, que le virus serait apparu en Chine en octobre 2019 déjà. Pourtant le 30 mars, CNews annonçait que la « patiente zéro » aurait été identifiée et aurait eu ses premiers symptômes le 10 décembre 2019.

En fait, ces « experts » n’en savent rien, mais exploitent leur caution scientifique à des fins de désinformation. Car à la fin décembre 2019, la Chine fait face simultanément à une épidémie de grippe d’une ampleur inédite et à des cas de « pneumonie non-diagnostiquée ». Le 26 décembre, la Dr Zhang Jixian, spécialiste des maladies respiratoires, constate le phénomène, sans pouvoir l’expliquer, et donne l’alerte afin que des analyses plus poussées soient faites. Le 30 décembre, la commission médicale de Wuhan émet une alerte pour une « pneumonie non diagnostiquée » et déclenche des mesures d’urgence « de niveau 2 ». Cette alerte est relayée par le réseau américain ProMED. Ce n’est qu’après cela qu’intervient le « célèbre » Dr Li Wenliang, qui est ophtalmologue, qui transmet des extraits du dossier d’un malade et l’image de son scanner par WeChat à d’anciens collègues de sa faculté de médecine sur un forum privé, en affirmant qu’il s’agissait du SARS.

En fait, non seulement il viole le secret médical, mais ses informations sont fausses : le SARS est 20-100x plus mortel que le SARS-CoV-2, et la Chine ne compte pas encore un seul mort. Dans cette situation, les autorités chinoises ne veulent pas créer la panique : Li est interpellé (et non arrêté) et on lui fait promettre (par écrit) de ne plus diffuser de fausses nouvelles. Mais les médias occidentaux en feront une icône pour dénoncer la dictature chinoise. En revanche, la Dr Zhang – qui est la véritable donneuse d’alerte de l’épidémie – a été récompensée par les autorités chinoises.

Le 31 décembre, la Chine informe l’OMS officiellement, sans en connaitre le virus, ni ses mécanismes de transmission. Ce n’est que le 7 janvier qu’il sera identifié sous l’appellation 2019-nCov, modifiée plus tard pour celle de SARS-CoV-2. Le premier mort chinois sera enregistré le 9 janvier.

Le 1er décembre 2020, CNN publie des documents prétendument confidentiels démontrant les mensonges chinois. Le même jour, dans son journal de 12h30 la RTS affirme que « Le 10 février, la Chine annonce 2478 nouveaux cas confirmés de CoViD mais le dossier obtenu par CNN et authentifié par 6 experts indépendants révèle 5918 nouveaux cas effectivement enregistrés à cette date là ». Le 2 décembre, dans l’émission « C dans l’air », Caroline Roux présente un reportage qui reprend l’information de CNN en affichant « 2478 cas déclarés » et « 5918 cas recensés ». La RTS, et France 5 mentent : c’est de la manipulation. En fait, les documents de CNN décomposent le nombre de 5918 : 2 345 « cas confirmés », 1 772 « cas diagnostiqués cliniquement » et 1 796 « cas suspects ». Donc en annonçant 2478 « cas confirmés » (comme on le fait internationalement), la Chine n’a pas menti ! Ceci étant, à cette date (10 février) les critères pour définir un « cas » (notamment en regard des cas asymptomatiques) sont peu clairs, c’est pourquoi le 12 février le gouvernement chinois ajuste ses critères et annonce 14 000 cas de plus, démontrant qu’il n’y avait pas de volonté de cacher l’ampleur de l’épidémie.

Sur la foi des documents de CNN,  la RTS,  « C dans l’air » affirment que « la Chine aurait dissimulé des informations dès le début (…) début décembre, lorsque toute l’attention est portée sur Wuhan alors que deux ville du Hubei comptabilisent plus de malades ». C’est à nouveau un mensonge destiné à faire croire que la Chine avait déjà une épidémie de CoViD bien développée en décembre. En fait les documents de CNN ne parlent pas de CoViD, mais de l’épidémie de grippe dans les villes de Yichang et Xianning!

Ces journalistes ne sont que des propagandistes, dignes de ceux des grandes heures de la guerre froide et qui s’abreuvent des « fake news » propagées par Trump ! Car en réalité, les documents de CNN sont plus nuancés :  Au moment où le virus serait apparu pour la première fois, les documents montrent qu’une autre crise sanitaire  se déroulait: le Hubei faisait face à une importante épidémie de grippe. Selon les documents, cela a entraîné une augmentation du nombre de cas jusqu’à 20 fois le niveau enregistré l’année précédente, plaçant d’énormes pressions supplémentaires sur un système de santé déjà sollicité.

Mais évidemment, ni la RTS, ni France 24, ni France 5 ne mentionnent ce passage !… Et ce n’est qu’un échantillon des innombrables falsifications faites par nos médias, afin de suggérer que le désastre de la CoViD est le résultat d’une machination venant de Chine… ce qui – selon le prestigieux journal Lancet est loin d’être démontré à ce stade !

D’ailleurs, en avril 2020, des scientifiques honnêtes, comme Anne-Claude Crémieux, professeure à l’hôpital St Louis (Paris) et Yves Gaudin, virologue et directeur de recherche au CNRS, rappellent que la Chine n’a pas fait de rétention d’information au début de l’épidémie.

Comme on le constate, la désinformation est l’usage combiné de fausses informations (inventées), de suppression d’informations (réelles) et de la création artificielle d’intentions (complotisme)… C’est la raison pour laquelle les citoyens n’ont plus confiance dans leurs médias, ouvrant ainsi la porte à toutes sortes de théories fumeuses (complotistes) à leur tour !…

Dans un prochain entretien, nous examinerons les cas de la Russie et de l’Iran, qui sont tout aussi édifiants !

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La France et ses Présidents, toute une histoire… et l’Histoire!

La France et ses Présidents, toute une histoire et l’Histoire elle-même!

La veille du jour de deuil national décrété par le Président Macron en hommage à son prédécesseur, feu le  Président Giscard d’Estaing, un autre de ses prédécesseurs fait face à la justice.

Le Procureur du Parquet National Financier (PNF) requiert quatre ans d’emprisonnement pour l’ex-Président Sarkozy dont deux avec sursis.

Il nuance ainsi:

« ces réquisitions justes ne sauraient jeter un voile opaque sur l’engagement d’une vie ».

Et Le Monde de commenter: «  C’est la première fois qu’une peine de prison est requise contre un ancien président sous la Ve République. Dans l’affaire des emplois fictifs, le parquet avait demandé à l’époque la relaxe pour Jacques Chirac, qui avait été finalement condamné. ».

De quoi méditer, en ces temps covidiens auxquels doit ou tente de faire face l’actuel Président de la République française.