Un ami m’a transmis des lignes publiées par un journal autrefois dit « de référence », je veux parler du grand quotidien suisse Le Temps.
Ces lignes sont signées du nom d’un philosophe qui intervient régulièrement dans ce journal, Martin Morend.
Il y est question de ce poncif récurrent sur la Russie et qui a la peau aussi dure que peuvent être vides les considérations qui s’y arrêtent.
Ce poncif ? L’âme russe…
Et notre philosophe de broder, avec un interlocuteur de circonstance, on ne saisit pas trop la raison de ce dialogue tandis qu’il paraît dans la rubrique « Opinion » du grand quotidien helvète.
Le titre de ce joyau, Exclusif: un philosophe pro-russe nous parle!
Comme ce morceau de bravoure philosophique sinon d’anthologie journalistique est réservé aux abonnés, je ne puis que vous en livrer un extrait. À vous d’apprécier la production de ce représentant de l’élite universitaire, intellectuelle et culturelle suisse:
– Mon Dieu! Mais que peut donc faire l’Occident pour régénérer son âme, pour échapper à son amour de la Matière? Dites-nous: que faire!?
– (Rires) Vous posez la même question angoissée que Lénine en 1902. Que faire? Pour vous, c’est très simple: vous devez convertir la Matière en Âme, trouver le moyen de la transsubstantier!
– Vous pensez que les Allemands sauront y faire? Ou les Californiens? Et s’ils n’ont pas les bonnes machines-outils, les bons serveurs, qu’allons-nous devenir?
– Дурак! Il suffit de sacrifier la Matière. Si Poutine sait une chose, c’est bien que vous en êtes incapables. Que vous puissiez avoir l’audace d’un sacrifice, cela lui semble tout à fait impossible. Mieux vaut encore imaginer un rond carré qu’une Europe ou une Suisse qui se ferait souffrir pour un plus grand bien! Pourtant, le salut tient à cette équation simpliste: savoir perdre pour gagner, souffrir pour l’emporter. Sans agir, sans se sevrer du gaz et dire non aux avoirs mal acquis, vous vous enfoncerez toujours plus dans la tourbe de votre mauvaise conscience et de l’opulence tranquille.
– Ô, la terrible image!
– Au final, vous préférez les morts à la chute, ne serait-ce que d’un point, de votre saint PIB. En cela, vous êtes déjà condamnés: peu importe le nombre de chars que vous enverrez, les nombres de secours que vous ferez choir du ciel, le nombre de milliards pour refaire ponts et routes. Tout cela est vain du point de vue de l’âme.
– Non! C’est quand même quelque chose! Ça ne peut pas n’être rien du tout!
– C’est rien dans la mesure où cela ne vous transforme pas. A un moment donné, il faut arrêter les calculs, peser le pour et le contre devient en soi un crime. Mais pourquoi je vous dis tout cela, moi? De toute façon, comment vos Berset & Cassis pourraient comprendre cette idée? Ils ne le peuvent pas. Ils ne peuvent saisir une pensée qui ne soit pas un odieux compromis ou qui n’ait pas la forme répugnante d’un arrangement.
– Je n’en peux plus! Qu’on fasse venir Sponville!
– Comment attendre de la laine qu’elle devienne de l’acier? De l’anthracite du diamant? Ils diront: «tout seul on ne peut pas grand-chose…», «nous ne sommes pas de mauvais élèves…», «et nos intérêts?», «et notre éthique du secret?» S’il y a une collégialité, c’est une collégialité de lâches dont la «formule magique» ne vise qu’une chose: escamoter l’audace politique! Le tour est joué, passez muscade! Vous voilà devenus neutres.
– Pitié! Saisissez-le, faites taire ce forcené! (Ils le saisissent). Très bien. Cher lecteur… Hum, ça va? Tu as passé une belle après-midi? Ne crois rien de ce qui a été dit, retire ces paroles de ton cerveau et dis-toi plutôt: il est bon de consommer la Matière; l’économie, ainsi, tourne; la démocratie est une bonne et belle chose qui progresse toujours vers le Bien; la neutralité est active et juste, trop d’audace et de parti pris mène toujours au désastre; on peut penser à soi sans être égoïste, la peur est une émotion rationnelle… Enfin, plus simplement: lis les journaux.
Le Temps nous a habitués à nous présenter une Russie, disons, à sa façon. Cela le regarde. Mais tout autant celui de publier pareil dédain de toute réflexion digne de ce nom. Car ici, ce n’est pas même la Russie qui est mise à mal, c’est l’intelligence!