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« Nous marchons vers la guerre comme des somnambules », la tribune d’Henri Guaino

Hier, dans mon sujet de blog évoquant les voix, en France, qui s’élèvent contre la montée en puissance du bellicisme de la part de l’Europe, j’ai mentionné la tribune d’Henri Guaino, parue le 13 mai dernier dans Le Figaro.

L’article étant réservé aux abonnés, je vous transmets ci-après le texte reçu par courriel de la part du site Notre France. Il a suscité la polémique, comme il se doit, à vous d’en juger:

Henri Guaino : «Nous marchons vers la guerre comme des somnambules»
Tribune d’Henri Guaino parue dans Le Figaro du 13 mai 2022

Nous marchons vers la guerre comme des somnambules.

J’emprunte cette image au titre du livre de l’historien australien Christopher Clark sur les causes de la Première Guerre mondiale: Les Somnambules, été 1914: comment l’Europe a marché vers la guerre.

«Le déclenchement de la guerre de 14-18, écrit-il, n’est pas un roman d’Agatha Christie (…) Il n’y a pas d’arme du crime dans cette histoire, ou plutôt il y a en a une pour chaque personnage principal. Vu sous cet angle, le déclenchement de la guerre n’a pas été un crime, mais une tragédie.» En 1914, aucun dirigeant européen n’était dément, aucun ne voulait une guerre mondiale qui ferait vingt millions de morts mais, tous ensemble, ils l’ont déclenchée. Et au moment du traité de Versailles aucun ne voulait une autre guerre mondiale qui ferait soixante millions de morts mais, tous ensemble, ils ont quand même armé la machine infernale qui allait y conduire.

Dès le 7 septembre 1914, après seulement un mois de guerre, le chef du grand état-major allemand qui avait tant plaidé pour que l’Allemagne attaquât avant d’être attaquée écrivait à sa femme: «Quels torrents de sang ont coulé (…) j’ai l’impression que je suis responsable de toutes ces horreurs et pourtant je ne pouvais agir autrement.»

«Je ne pouvais agir autrement»: tout était dit sur l’engrenage qui mène à la guerre. Engrenage qui est d’abord celui par lequel chaque peuple se met à prêter à l’autre ses propres arrière-pensées, ses desseins inavoués, les sentiments que lui-même éprouve à son égard. C’est bien ce que fait aujourd’hui l’Occident vis-à-vis de la Russie et c’est bien ce que fait la Russie vis-à-vis de l’Occident. L’Occident s’est convaincu que si la Russie gagnait en Ukraine, elle n’aurait plus de limite dans sa volonté de domination. À l’inverse, la Russie s’est convaincue que si l’Occident faisait basculer l’Ukraine dans son camp, ce serait lui qui ne contiendrait plus son ambition hégémonique.

En étendant l’Otan à tous les anciens pays de l’Est jusqu’aux pays Baltes, en transformant l’Alliance atlantique en alliance anti-Russe, en repoussant les frontières de l’Union européenne jusqu’à celles de la Russie, les États-Unis et l’Union européenne ont réveillé chez les Russes le sentiment d’encerclement qui a été à l’origine de tant de guerres européennes. Le soutien occidental à la révolution de Maïdan, en 2014, contre un gouvernement ukrainien prorusse a été la preuve pour les Russes que leurs craintes étaient fondées. L’annexion de la Crimée par la Russie et son soutien aux séparatistes du Donbass ont à leur tour donné à l’Occident le sentiment que la menace russe était réelle et qu’il fallait armer l’Ukraine, ce qui persuada la Russie un peu plus que l’Occident la menaçait. L’accord de partenariat stratégique conclu entre les États-Unis et l’Ukraine le 10 novembre 2021, scellant une alliance des deux pays dirigée explicitement contre la Russie et promettant l’entrée de l’Ukraine dans l’Otan, a achevé de convaincre la Russie qu’elle devait attaquer avant que l’adversaire supposé soit en mesure de le faire. C’est l’engrenage de 1914 dans toute son effrayante pureté.

Comme toujours, c’est dans les mentalités, l’imaginaire et la psychologie des peuples, qu’il faut en chercher l’origine. Comment la Pologne, quatre fois démembrée, quatre fois partagée en trois siècles, comment la Lituanie annexée deux siècles durant à la Russie, la Finlande amputée en 1939, comment tous les pays qui ont vécu un demi-siècle sous le joug soviétique ne seraient-ils pas angoissés à la première menace qui pointe à l’Est? Et de son côté, comment la Russie, qui a dû si souvent se battre pour contenir la poussée de l’Occident vers l’Est et qui est déchirée depuis des siècles entre sa fascination et sa répulsion pour la civilisation occidentale, pourrait-elle ne pas éprouver une angoisse existentielle face à une Ukraine en train de devenir la tête de pont de l’occidentalisation du monde russe? «Ce ne sont pas les différences, mais leur perte qui entraîne la rivalité démente, la lutte à outrance entre les hommes» dit René Girard. Menacer ce par quoi le Russe veut rester russe, n’est-ce pas prendre le risque de cette «rivalité démente»?

L’Occident voit trop la nostalgie de l’URSS et pas assez, le slavophilisme, c’est-à-dire la Russie éternelle telle qu’elle se pense avec ses mythes. Alexandre Koyré a consacré un livre profond (1), à ce courant dont sont nées la grande littérature et la conscience nationale russes au début du XIXe siècle quand «le nationalisme instinctif aidant, un nationalisme conscient avait fini par voir entre la Russie et l’Occident une opposition d’essence». Le slavophilisme, ce sentiment de supériorité spirituelle et morale face à l’Occident, est dans le cri du cœur de Soljenitsyne devant les étudiants de Harvard en 1978: «Non, je ne prendrais pas votre société comme modèle pour la transformation de la mienne.» Cette Russie-là ne voit peut-être pas la guerre en Ukraine comme une guerre d’invasion mais comme une guerre de sécession. Sécession du berceau du monde russe, de la terre où s’est joué tant de fois le sort de la Russie, où elle a repoussé les Polonais et les armées de Hitler. Sécession politique, culturelle et même spirituelle depuis qu’en 2018 l’Église orthodoxe ukrainienne s’est affranchie de la tutelle du patriarcat de Moscou. Et les guerres de sécession sont les pires.

Une chose en tout cas est certaine: cette guerre est, à travers l’Ukraine martyrisée, une guerre entre l’Occident et la Russie qui peut déboucher sur un affrontement direct par une escalade incontrôlée. La guerre, c’est, depuis toujours, la libération de tout ce qu’il y a dans la nature humaine de sauvagerie et d’instinct meurtrier, une montée aux extrêmes qui finit toujours par emporter malgré eux les combattants comme les dirigeants. Ni Churchill, ni Roosevelt, n’avaient pensé qu’un jour ils ordonneraient de bombarder massivement les villes allemandes pour casser le moral de la population, ni Truman qu’il finirait en 1945 par recourir à la bombe atomique pour casser la résistance japonaise. Kennedy en envoyant quelques centaines de conseillers militaires au Vietnam en 1961 ne pensait pas que huit ans plus tard l’Amérique y engagerait plus d’un demi-million d’hommes, y effectuerait des bombardements massifs au napalm, et serait responsable du massacre de villages entiers.

Si la guerre froide n’a pas débouché sur la troisième guerre mondiale, c’est d’abord parce qu’aucun de ses protagonistes n’a jamais cherché à acculer l’autre. Dans les crises les plus graves, chacun a toujours fait en sorte que l’autre ait une porte de sortie. Aujourd’hui, au contraire, les États-Unis, et leurs alliés, veulent acculer la Russie.

Quand on agite devant elle la perspective de l’adhésion à l’Otan de la Finlande, de la Suède, de la Moldavie et de la Géorgie en plus de celle de l’Ukraine, quand le secrétaire américain à la Défense déclare que les États-Unis «souhaitent voir la Russie affaiblie au point qu’elle ne puisse plus faire le genre de choses qu’elle a faites en envahissant l’Ukraine», quand le président des États-Unis se laisse aller à traiter le président russe de boucher, à déclarer que «pour l’amour de Dieu, cet homme ne peut pas rester au pouvoir» et demande au Congrès 20 milliards de dollars en plus des 3 milliards et demi déjà dépensés par les États-Unis pour fournir en masse des chars, des avions, des missiles, des canons, des drones aux Ukrainiens, on comprend que la stratégie qui vise à acculer la Russie n’a plus de limite.

Mais elle sous-estime la résilience du peuple russe, comme les Russes ont sous estimé la résilience des Ukrainiens. Acculer la Russie, c’est la pousser à surenchérir dans la violence. Jusqu’où? La guerre totale, chimique, nucléaire? Jusqu’à provoquer une nouvelle guerre froide entre l’Occident et tous ceux qui, dans le monde, se souvenant du Kosovo, de l’Irak, de l’Afghanistan, de la Libye, pensent que si la Russie est acculée, ils le seront aussi parce qu’il n’y aura plus de limite à la tentation hégémonique des États-Unis: l’Inde qui ne condamne pas la Russie et qui pense au Cachemire, la Chine qui dénonce violemment «les politiques coercitives» de l’Occident parce qu’elle sait que si la Russie s’effondre elle se retrouvera en première ligne, le Brésil qui, par la voix de Lula, dit «une guerre n’a jamais un seul responsable», et tous les autres en Asie, au Moyen-Orient, en Afrique qui refusent de sanctionner la Russie. Tout faire pour acculer la Russie, ce n’est pas sauver l’ordre mondial, c’est le dynamiter. Quand la Russie aura été chassée de toutes les instances internationales et que celles-ci se seront désintégrées comme la SDN au début des années 1930, que restera-t-il de l’ordre mondial?

Trouver un coupable nous conforte dans le bien-fondé de notre attitude, et dans le cas présent, nous en avons un tout désigné, un autocrate impitoyable, incarnation du mal. Mais le bien contre le mal, c’est l’esprit de croisade: «Tuez-les tous et Dieu reconnaîtra les siens.» Au lieu de faire entendre sa voix pour éviter cette folie et arrêter les massacres, l’Union européenne emboîte le pas des États-Unis dans l’escalade de leur guerre par procuration. Mais que feront les Européens et les États-Unis au pied du mur de la guerre totale? Avec les obus nucléaires et les armes nucléaires tactiques de faible puissance, la marche n’est plus si haute. Et après? Après, tout peut arriver: l’engrenage tragique de la violence mimétique que personne n’aurait voulu mais auquel tout le monde aurait contribué et qui pourrait détruire l’Europe et peut-être l’humanité ou la capitulation munichoise des puissances occidentales qui ne voudront peut-être pas risquer le pire pour l’Ukraine, ni même peut-être pour les pays Baltes ou la Pologne. Souvenons-nous de l’avertissement du général de Gaulle en 1966 lors de la sortie du commandement intégré de l’Otan: «La Russie soviétique s’est dotée d’un armement nucléaire capable de frapper directement les États-Unis, ce qui a naturellement rendu pour le moins indéterminées les décisions des Américains, quant à l’emploi éventuel de leur bombe.»

Où est la voix de la France, de ce «vieux pays, d’un vieux continent qui a connu les guerres, l’occupation, la barbarie», qui le 14 février 2003 à l’ONU disait non à la guerre en Irak, qui en 2008 sauvait la Géorgie et s’opposait à l’adhésion de celle-ci et de l’Ukraine à l’Otan et qui plaiderait aujourd’hui pour la neutralisation d’une Ukraine qui n’aurait vocation à n’entrer ni dans l’Otan, ni dans l’Union européenne, en écho à l’avertissement lancé en 2014 par Henry Kissinger: «Si l’Ukraine doit survivre et prospérer, elle ne doit pas être l’avant-poste de l’une des parties contre l’autre. Elle doit être un pont entre elles. L’Occident doit comprendre que pour la Russie l’Ukraine ne pourra jamais être un simple pays étranger.» C’est par sa neutralisation que la Finlande a pu demeurer libre et souveraine entre les deux blocs pendant la guerre froide. C’est par sa neutralisation que l’Autriche est redevenue en 1955 un pays libre et souverain.

Faire aujourd’hui des concessions à la Russie, c’est se plier à la loi du plus fort. N’en faire aucune, c’est se plier à la loi du plus fou. Tragique dilemme. Un dilemme comme celui-ci, vécu dans la Résistance par le poète René Char (2):

«J’ai assisté, distant de quelque cent mètres, à l’exécution de B. Je n’avais qu’à presser la détente du fusil-mitrailleur et il pouvait être sauvé! Nous étions sur les hauteurs de Céreste (…) au moins égaux en nombre aux SS. Eux ignorant que nous étions là. Aux yeux qui imploraient partout autour de moi le signal d’ouvrir le feu, j’ai répondu non de la tête (…) Je n’ai pas donné le signal parce que ce village devait être épargné à tout prix. Qu’est-ce qu’un village? Un village pareil à un autre?» Et nous, que répondrons-nous aux regards qui nous imploreront d’arrêter le malheur quand nous l’aurons fabriqué?

Nous marchons vers la guerre comme des somnambules.

Henri Guaino

 

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Tensions autour de l’Ukraine, un point de vue américain magistral à découvrir

Vous aimeriez comprendre les tensions autour de l’Ukraine?

Je ne saurais que vous recommander la lecture d’un article que l’une de mes relations – l’Universitaire Jean-Robert Raviot que je remercie vivement- a partagé sur un réseau social bien connu.

Ce point de vue émane d’un ancien ambassadeur américain en ex-Union soviétique.

Voici son analyse qu’il signe « Jack F. Matlock, served as US ambassador to the USSR (1987-1991). A member of the board of director of ACURA, he writes from Singer Island, Florida. »

Pour qui ne maîtriserait pas l’anglais, le recours à Google traduction vous permettra d’accéder au propos de cet homme qui, vraiment, vaut la peine d’être lu et relu tant on a droit à tout et n’importe quoi dans nos médias.

Comprendre, certes, ne changera peut-être rien à la situation. Mais contribue au moins à cesser de répandre inepties et absurdités.

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Suites de la tournée diplomatique d’Emmanuel Macron à Moscou, Kiev et Berlin

Hier, j’ai partagé avec vous une analyse de ce qui se joue autour de l’Ukraine.

Le déplacement d’Emmanuel Macron à Moscou, Kiev et Berlin aura au moins eu le mérite de susciter d’intéressantes réactions médiatiques en France.

Plusieurs sont à citer, parmi lesquelles celle de Yann Barthès, de Léa Salamé et Nicolas Demorand qui, tous trois, ont reçu le même invité, Dominique de Villepin.

C’est sans parti pris que je le cite, certains d’entre vous sachant sans doute qu‘un de mes ouvrages lui a été consacré.

Sans parti pris donc et ce d’autant que je ne partage pas tout ce qu’il dit. Entre autre le fait que, selon lui et il n’est pas le seul à le penser, la Russie supporterait mal que l’Ukraine offre une vitrine démocratique au regard de ce qu’elle-même représente.

Sur ce point-là, il y a vraiment de quoi discuter et on y reviendra.

En attendant, l’intervention de l’ancien Premier ministre français dans ces deux émissions destinées au grand public offre de quoi élargir un peu son horizon et alimenter sa réflexion sur une situation qui ne souffre plus d’être considérée de manière simpliste.

Le  Figaro, pour sa part, consacre un article éclairant sur la tournée diplomatique d’Emmanuel Macron.

On y lit, entre autre, le jeu d’influences auquel participent Etats-Unis, Grande-Bretagne, Allemagne et France et comment les entretiens du Président français avec ses homologues russe et ukrainien s’inscrivent en pareil contexte.

Au moins, grâce à cette initiative prise par le Président français, aura-t-on eu droit, dans les médias hexagonaux, à des considérations plus tempérées et moins réductrices sur la Russie et sa soi-disante volonté d’invasion de l’Ukraine.

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Comme si les démons du Kremlin s’en étaient pris à un pays dont les dirigeants ne souhaitaient que la démocratie…

Que de désinformation sur une situation grave qui a déjà fauché tant de vies, anéanti des familles, poussé d’autres à l’exil, condamné des enfants qui n’auront connu qu’une guerre larvée qui dure depuis bientôt huit ans et dont nos médias ne se sont plus souciés!

Je veux parler du conflit qui sévit dans le Sud-Est de l’Ukraine, à nos portes.

Des centaines de sujets de ce blog y ont été consacrés. Lequel d’entre nos médias qui s’époumonent en blâmes à l’encontre de la Russie, lequel d’entre eux a continué de se pencher sur le sort de populations sacrifiées sur l’autel d’intérêts qui les dépassent?

Parce qu’une guerre ne se mène jamais que d’un seul côté, évidence savamment omise par tant de « spécialistes ».

Comme si, par exemple, le massacre de la maison des syndicats à Odessa, le 2 mai 2014 n’avait jamais eu lieu. Comme si, ces « rebelles pro-Russes », brûlés vifs, enfermés dans le bâtiment, ne comptaient pas!

Comme si la mise à l’honneur d’un tristement célèbre Néo-Nazi à Kiev relevait du pur fantasme.

Comme si l’imposition de la langue ukrainienne en tant qu’unique idiome pour le pays dont une si grande partie de la population est russophone n’avait jamais été décrétée par le gouvernement!

Je ne peux m’empêcher de penser à ces femmes, à ces hommes, à ces enfants terrorisés à l’idée d’avoir à subir le feu. Des témoignages nous sont livrés mais curieusement, ils n’émanent que d’un seul camp. Celui qui risque d’être « envahi » par la Russie.

Et aux populations des Républiques indépendantes de Louhansk et de Donetsk, la peur leur serait-elle donc épargnée?

Mais qui ose encore penser que les victimes sont d’un seul côté et les coupables du seul autre? Serait-on encore assez naïf pour intégrer pareil récit idiot? Que nos médias d’Etat invitent donc enfin à s’exprimer des spécialistes qui ne soient pas inféodés à une doctrine!

Qu’ils offrent de quoi réfléchir plutôt que d’asséner leurs inepties! Oui, le terme convient, il a même valu sa démission à un haut-gradé allemand. Il en a été question ici, du sort advenu à ce Vice-Amiral.

Il serait grand temps de s’interroger sur ce qui justifie autant de parti pris contre la Russie.

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Tensions en Ukraine, regards

Voici un intéressant échange de points de vue que nous propose RT en français en relation avec les tensions qui mettent aux prises Ukraine et Russie, sans compter les autres qui s’en mêlent.

Je vous invite à le découvrir ici.

Au regard du battage médiatique occidental qui entoure la situation, il est bon de disposer d’autres considérations pour s’en faire une idée tandis qu’elle nous est présentée de façon si souvent unilatérale.

Même cette chaîne d’Etat qu’est la Radio Télévision Suisse oublie la déontologie à laquelle elle est soumise. Plus aucun souci d’objectivité ne l’anime lorsqu’elle diffuse, non plus de l’information mais de la propagande qui ne masque même plus sa russophobie.

De nombreux exemples ont été cités sur ce blog et transmis à ladite chaîne. En vain.

Il ne s’agit pas, encore une fois, de dire que la Russie est merveilleuse ou que son Président serait le meilleur. Non, il est juste question de rétablir un équilibre dans les conceptions qui en sont rendues journée faite par tant de nos journalistes.

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Ce 10 janvier, Etats-Unis et Russie se rencontrent à Genève

La photo qui illustre ce sujet date de juin 2021. Les Présidents Biden et Poutine se rencontraient à Genève.

Depuis lors, peut-être suivez-vous encore les commentaires diffusés par nos médias dits mainstream en relation avec la situation dans le sud-est de l’Ukraine qui a été au coeur des discussions entre les délégations états-uniennes et russes, ce 10 janvier à Genève.

« Peut-être » et « encore » car elles sont tellement invariables et, de fait, attendues, qu’on n’apprend à peu près rien de nouveau.

En gros et en résumé, Vladimir Poutine, ancien du KGB, leitmotiv usé jusqu’à la corde mais imparable au rappel, Vladimir Poutine donc, est un nostalgique de l’empire russe, a très mal vécu la fin de l’URSS et veut redonner sa puissance à la Fédération de Russie.

En conséquence de quoi, il masse ses troupes à la frontière ukrainienne. On pourrait aussi parler de frontière russe mais non, elle n’est qu’ukrainienne… Et cela semble suffire à expliquer une guerre qui n’en finit pas et qui se déroule à nos portes depuis huit ans bientôt.

La Radio Télévision Suisse (RTS), pour ne parler que d’elle, donne la parole à ses « envoyés spéciaux » qui nous montrent des images et des témoignages en provenance de villages proches de la ligne de front mais que d’un seul côté, celui des « séparatistes » étant ignoré.

Pour l’objectivité, on attendra.

Mais surtout, dire pourquoi les populations se sont révoltées, dans cette partie du Donbass, cela, on s’en garde bien. Imaginez la Suisse romande, la Suisse italienne et romanche soudain obligées de parler suisse allemand parce que des personnalités politiques de cette partie du pays auraient pris le pouvoir et imposé leur idiome à l’exclusion de tout autre dans le pays, vous pensez que les gens auraient été heureux?

C’est ce qui est arrivé en Ukraine lorsque l’ukrainien a été décrété seule langue du pays et que le russe n’a plus été admis comme langue officielle admise. En d’autres termes, toute une partie de la population du Donbass a été non seulement privée de sa langue maternelle mais s’est vue du jour au lendemain devoir accomplir toute démarche administrative ou autre en ukrainien.

Cherchez l’erreur et l’envahisseur!

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Alexeï Navalny, lauréat du Prix Sakharov 2021

Le prestigieux prix Sakharov, du nom du célèbre dissident soviétique Andreï Sakharov a été créé en 1988.

Doté d’une somme de 50’000 euros, il récompense chaque année « la liberté de l’esprit »  de personnes ou d’organisations défendant les droits de l’homme et les libertés fondamentales.

On a vu, ici, quels ont pu être les derniers lauréats et lauréates.

Le 26 octobre 2018, je m’étais adressée à la Conférence des présidents du Parlement européen. Le Prix Sakharov qu’elle avait décerné avait été attribué au cinéaste Oleg Sentsov.

Je vous invite à lire ce que j’avais écrit.

La récompense qui va, cette année, à Alexeï Navalny dont il a beaucoup été question sur ce blog et au sujet duquel Jacques Baud a publié un ouvrage, confirme la tendance.

La « liberté de l’esprit » est vraiment là où on la conçoit.

Histoire, Politique, Voix

Tensions entre Etats-Unis et Russie, reprise de nos entretiens avec Jacques BAUD

-Nos médias se félicitent de la politique étrangère de Joe Biden et pourtant, les tensions entre les États-Unis et la Russie ne semblent pas sapaiser ?

Jacques BAUD: -En effet ! Il est cocasse de voir Pascal Boniface se faire le chantre de « Super Biden » entre ses larmoiements pour n’être pas suffisamment invité dans les médias ! En fait, comme me l’avait dit à l’époque un de mes instructeurs de la CIA, les Européens comprennent très mal le système politique américain : il y a des Démocrates plus à droite que des Républicains et des Républicains plus à gauche que des Démocrates. C’est particulièrement vrai en matière de politique étrangère, que les Démocrates mènent généralement de manière plus agressive. Trente ans plus tard, c’est toujours vrai ! La composition de l’équipe de Biden l’indiquait déjà en 2020, mais en France, on ne voit bien que ce que l’on veut voir ! (Ce qui explique d’ailleurs les petits désagréments juridiques de certains, plus dus à leur méthode de travail qu’au fond de leur pensée… Je me comprends !)

La politique étrangère de Joe Biden est analogue à celle de Donald Trump : sans en avoir le côté flamboyant, elle est tout aussi chaotique. Ainsi, le 13 avril, lorsque Joe Biden propose à Vladimir Poutine un sommet pour discuter « toute une série de problèmes », les Russes répondent avec prudence et veulent voir si cette initiative reflète un réel souhait d’apaisement. Manifestement, les Russes ont mieux compris que Pascal Boniface, car le 14 avril Joe Biden impose de nouvelles « sanctions dures » à la Russie… L’art de prendre des mouches avec du vinaigre ! 

Quant à la rationalité de ces sanctions, ce n’est pas beaucoup mieux ! Pour les justifier, Joe Biden évoque l’attaque informatique de décembre 2020 (affaire SolarWinds) et les primes offertes par la Russie aux Taliban pour tuer des militaires américains. Deux affaires pour lesquelles les Américains n’ont jamais apporté aucune preuve ! Pour l’affaire des primes, non seulement même leurs services de renseignement pensent que c’est une fausse information, mais l’année 2020 a été la première année de la guerre en Afghanistan où les Américains n’ont pas eu un seul mort ! Quant à l’affaire SolarWinds, il apparait qu’elle a son origine en Israël et n’a aucun rapport avec la Russie…

Il n’y avait donc aucune volonté d’apaisement du côté américain, ce qui explique la retenue russe.  

– Laffaire Navalny refait surface et saccompagne daccusations sur le sabotage de dépôts de munitions en Tchéquie. Vous avez été en poste à lOTAN à l’époque des faits. Quen est-il ?

Jacques BAUD: -En fait, il faut revenir au 17 avril, lorsque les autorités russes annoncent avoir arrêté des individus qui préparaient un coup contre le président Lukashenko du Belarus. Vrai ou faux ? Dans cette ambiance de guerre des mots, on n’en sait rien. Toujours est-il que dans son discours à l’Assemblée Fédérale du 21 avril, Vladimir Poutine déclare :

[…] vous pouvez penser ce que vous voulez, disons, du président ukrainien Ianoukovytch ou de  Maduro au Venezuela. Je le répète, vous pouvez les aimer ou ne pas les aimer […]. Vous pouvez avoir votre propre opinion sur la politique du président du Belarus Alexandre Loukachenko. Mais la pratique consistant à organiser des coups d’État et à planifier des assassinats politiques, y compris ceux de hauts fonctionnaires – eh bien, cela va trop loin. C’est au-delà de toutes limites.

Naturellement, aucun média occidental n’a relevé ce passage (ce qui semble indiquer que les accusations de Poutine sont bien réelles). Le point intéressant ici est que dans les heures qui ont suivi l’annonce de ce démantèlement, la Tchéquie a subitement accusé la Russie d’être responsable de l’explosion du dépôt de munition de Vrbětice en 2014 et annoncé l’expulsion de 18 diplomates russes… Pour ajouter au ridicule, l’accusation tchèque désigne comme responsables du sabotage les deux mêmes « agents » du GRU que Bellingcat avait « identifié » dans l’affaire Skripal.

En 2014, j’étais responsable de la lutte contre la prolifération des armes légères à l’OTAN. Ce dossier comprenait également la sécurité physique et la gestion des dépôts d’armes et de munitions (PSSM) des pays de l’OTAN. Or, l’accident de Vrbětice avait clairement été identifié comme un problème technique de défaut de maintenance, et strictement rien n’indiquait une action de sabotage. Clairement, la Tchéquie ment.

Cette désinformation, favorisée par la corruption endémique en Tchéquie participe aux efforts américains pour culpabiliser l’Allemagne de persévérer dans son projet Nord Stream 2 avec la Russie. Accessoirement, elle a permis d’influencer négativement la décision tchèque d’acquérir le vaccin Spoutnik V, qui divisait la classe politique (en provoquant la démission du ministre de la santé Jan Blatný au début avril parce qu’il s’opposait à l’acquisition du vaccin russe !), et d’exclure la firme russe ROSATOM de la compétition pour la construction d’une centrale nucléaire en Tchéquie !.. Navalny devrait exercer ses talents contre la corruption en Tchéquie (qui dispute, par ailleurs, à la Hongrie la première place mondiale du nombre de morts CoViD par habitants, avec un taux quatre fois supérieur à celui de la Russie) ! Ce qui donne une image assez précise de la qualité et de l’intégrité du leadership tchèque ! 

Donc, malgré sa conférence sur le climat, Joe Biden conserve les principales caractéristiques de la politique étrangère de Trump : le parjure (avec le non-respect de l’accord sur le retrait d’Afghanistan), le mensonge (avec le remplacement des militaires américains en Afghanistan par des mercenaires, qui ne tombent pas sous le coup de l’accord signé), la sottise (voir plus haut) et l’incohérence (ditto)… « Super Biden » !

Merci de vos éclairages, Jacques Baud.

Histoire, Politique, Voix

C dans l’air s’offre « Poutine » à satiété

Bon, je me suis infligé l’une des émissions phare de France 5, C dans l’air.

Je me suis imposé la suffisance de la modératrice Caroline Roux, qui introduit l’émission en parlant d’un homme qui préside un pays dont on se demande ce qu’elle sait de l’Histoire, de la culture et du peuple.

L’homme, au hasard, Vladimir Poutine, le pays, donc, la vaste Russie qui s’étale sur, autrefois 11 fuseaux horaires désormais ramenés à 9 et qui compte près de 146 millions d’habitants.

On assiste, une fois encore, à un « débat » entre invitées et invités  qui font autorité pour parler du Président russe vu leurs publications et leurs fonctions.

Or qu’apprend-on à suivre cette émission? Pas grand chose d’autre que les habituels clichés, répétés en boucle.

Le pompon, c’est une jeune politologue qui le détient avec son  « Poutine vieillissant » qui a en face de lui un « Navalny hyper viril, hyper sportif, qui est une force de la nature qui survit au poison ».

C dans l’air, l’émission phare de France 5, pourrait nous amuser si elle n’était aussi suivie.

On parle, on parle, on tire des plans sur la comète, on donne telle ou telle intention aux pays de l’OTAN et à celui qu’on nomme tout simplement « Poutine » mais songe-t-on un seul instant à ce que vivent les populations du Donbass?

Dans le document diffusé à cet égard, on a osé relayer le doute quant à la mort du petit Vladik, l’enfant tué lors de l’explosion de mutinions larguées depuis un drone par le régime de Kiev. Il en a été question ici-même hier.

Une brochette d’invitées et d’invités qui nous débitent leurs analyses, sur la Russie et sur « Poutine » alors qu’à quelques heures de vol de Paris, la vie s’enfonce et se perd dans la boue d’une guerre qui n’en finit pas, voilà ce que nous sert cette émission.

Non, je ne soutiens pas « Poutine ». Je réagis à l’arrogance, je réagis à la propagande qui ne dit pas son nom et qui va jusqu’à relayer le déni de la mort d’un enfant.

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Où déjà « l’hostilité anachronique de la Russie » était relevée par ces mêmes haut gradés de l’Armée française, le 30 avril 2020

Dans la continuité du sujet publié hier sur ce blog, je vous propose de lire une tribune publiée par ce même groupe de haut gradés de l’Armée française qui s’adressait, ce 11 mars dernier, par une lettre ouverte au secrétaire général de l’OTAN, Jens Stoltenberg.

Ce texte-ci date du 30 avril 2020, soit il y aura bientôt un an et a été publié sur le même site du magazine, Capital

Le retour sur image ne manque pas d’intérêt tant il montre comment la France a tenté de négocier sa relation avec l’Organisation du Traité de l’Atlantique Nord. Au-delà des acrobaties pour afficher une posture gaullienne sans, pour autant, tourner le dos à l’OTAN, certaines manoeuvres fort habiles y sont relevées, telles celles de François Fillon pour ne citer que les siennes.

A lire ces militaires, on mesure d’autant les limites imposées désormais à la France alors que, même feu le Président Jacques Chirac entamait une approche, certes négociée mais tout de même, de réintégration de l’OTAN par la France. C’est finalement à son successeur Nicolas Sarkozy que la France devra la concrétisation de ladite réintégration devenue effective lors du sommet de l’OTAN à Strasbourg-Kehl, les 3 et 4 avril 2009.

La prise de position de ces haut gradés français est importante tant il est impératif de ne pas céder à la propagande qui ne dit jamais son nom parce qu’elle avance masquée et brandit l’épouvantail russe pour effrayer des populations qui, dociles ou par confort intellectuel, s’alignent sur la doxa imposée.

Et qu’on ne vienne pas soupçonner, voire accuser les signataires de cette tribune et de cette lettre ouverte d’être inféodés au Kremlin ou les traiter de « complotistes », mieux, de conspirationnistes comme l’usage le veut dès lors que l’on refuse de diaboliser un pays qui n’a rien d’un ennemi et encore moins d’une menace!